Les questions de départ, brutes, que nous nous sommes posées ont été complétées, amendées, affinées en analysant le sens qu’elles prennent selon les cadres théoriques de référence que nous avons mobilisés. Nous rappelons brièvement ici les présupposés théoriques retenus et développés dans le chapitre 6 de notre première partie.
En référence aux travaux de Glaeser, nous associons étroitement résolution de problèmes et heuristique descriptive et nous distinguons problème et exercice en focalisant notre attention sur le problème en tant que question à résoudre, impliquant un obstacle à franchir. Ainsi, un problème perd son statut de problème dès lors que celui à qui il est proposé dispose d'emblée d’une procédure adaptée pour le résoudre. Tous les mathématiciens et didacticiens des mathématiques convoqués en première partie s’accordent sur le rôle essentiel que joue la résolution de problèmes dans l'acquisition d'une culture mathématique et du goût des mathématiques, et ce, que 1’on se place aux niveaux de l'activité du mathématicien ou de celle de l'élève en école élémentaire.
Les communautés des psychologues de l'apprentissage et de l’éducation ainsi que celle des didacticiens des mathématiques partagent l’idée développée par les théories cognitivistes de la connaissance qui placent la conceptualisation au cœur de la résolution de problèmes. Vergnaud (1990) centre sa théorie des champs conceptuels sur le couple schème-situation et sur une classification purement conceptuelle des problèmes qu'il illustre par les champs des structures additives et multiplicatives. Pour parvenir à cette catégorisation, il prône comme essentiels les principes de variété et de régularité : l'élève doit ainsi être souvent confronté à une grande variété de situations afin de pouvoir exercer les schèmes existants ou bien être amené à en construire de nouveaux ; il revient alors à l'enseignant de fournir des aides aux élèves afin de favoriser la catégorisation des situations. Pour faciliter la conceptualisation, Vergnaud propose un ensemble de diagrammes correspondant aux différents types de situations-problèmes, diagrammes dont les avis sur les effets des usages dans les classes sont partagés.
Ainsi, tandis que Vergnaud revendique le rôle essentiel joué par la catégorisation sur la résolution de problèmes et propose un recours à des diagrammes pour représenter les relations en jeu entre les différents états, Julo (2000) déclare ne pas adhérer entièrement au fait d'expliciter aux apprenants la structure même des problèmes. Outre le fait que la catégorisation ne joue peut-être qu'un rôle partiel dans la formation de certains schémas de problèmes, il pense qu’au contraire en définissant précisément la base de problèmes à laquelle l'élève sera confronté, l'enseignant induira déjà une activité de catégorisation permettant de conduire à la formation de schémas de problèmes. En procédant à des rapprochements et à des différenciations de problèmes qui resteront souvent implicites, on induira une activité de catégorisation et la formation de schémas de problèmes. Pour ce faire, Julo suggère le recours à des tâches de classement de problèmes ou à des tâches de fabrication d'énoncés.
Duval (1995, 2005), de son côté, met en garde contre les dangers d'utilisation d'un modèle commun à d'autres sciences pour étudier l'activité mathématique qui revêt selon lui une spécificité propre. En cela il affiche clairement son opposition à Vergnaud. Au premier rang de l'activité mathématique, Duval place la mobilisation d'au moins deux registres de représentation à la fois et la possibilité d'utiliser à tout moment la conversion de représentations, c'est-à-dire le passage d'un registre de représentation sémiotique à un autre registre de représentation sémiotique.
Les sujets qui résolvent des problèmes évoluent dans un espace et dans un lieu. C’est dans ce contexte que Brousseau, quand il traite de l'opérationnalisation d'une notion, insiste sur le fait de la relier à d'autres connaissances antérieures. En nous désolidarisant quelque peu de Glaeser qui attache une importance capitale à l'activité extrascolaire, c'est-à-dire à l’activité qui se déroule en dehors du temps scolaire d'enseignement, nous rejoignons le cadre théorique développé par Brousseau (1986b) pour lui emprunter la définition du concept de situation et pour définir l’environnement scolaire que, dans notre étude, nous réduisons à la salle de classe. Cet environnement scolarisé est composé d'un enseignant, d'élèves et d'un milieu au sens utilisé par Brousseau.
De nombreux travaux s’appuient sur ces différentes théories, or il nous semble qu’il existe parfois une sorte d’étanchéité 144 entre les cadres théoriques convoqués. Pourquoi un cadre théorique chasserait-il l'autre, tandis qu’ils visent l’un et l’autre le même objectif : favoriser la conceptualisation.
Afin de pouvoir analyser l'activité de l’enseignant et l'activité des élèves, il nous faut choisir des outils d'analyse en référence à un cadre théorique. La psychologie ergonomique (Leplat, Clot, Faïta) nous permet de considérer la tâche comme le but à atteindre et l'activité comme étant à la fois ce qui se fait mais aussi ce qui n’est pas fait, ce que l’on voudrait faire, ce qu’il faudrait faire, ce que l’on aurait pu faire, ce qui est à refaire et même ce que l’on fait sans vouloir le faire.
Comme en témoignent des bibliographies qui ne se réfèrent souvent qu’aux auteurs d’un unique cadre théorique.