4.3.2. Interprétation des effets du principe de Conversion de représentations sémiotiques (principe P3)

Dans les séances de type n°1, les élèves sont principalement confrontés à l’usage de deux registres de représentation : le registre textuel et le registre numérique entre lesquels s’opèrent des conversions lors de la résolution de problèmes. Dans les séances de type n°2 on retrouve l’utilisation de ces deux registres. L’introduction des boîtes-référentes conduit en effet les élèves à recourir à plusieurs reprises à l’usage du registre iconique, d’une part, pour élaborer une représentation dessinée de la situation décrite dans l’énoncé, d’autre part, pour modéliser la situation.

Nous rappelons qu’il s’agit ici d’expliquer les écarts constatés entre les performances des élèves du groupe-témoin et celles des élèves du groupe-expérimental lors de la résolution de problèmes. Il nous semble que l’incitation à mobiliser le registre iconique et à procéder à des conversions en plus des registres textuel et numérique peut avoir favorisé la résolution de problèmes, du moins chez certains élèves. Nous traiterons ici successivement et donc distinctement du recours à la trace dessinée et du recours à la trace schématisée.

Cas du type dessin :

Les élèves sont en présence d’un énoncé textuel qui présente une situation à résoudre. En nous référant aux travaux issus de la psychologie de l’apprentissage, nous considérons que la situation, même dans le cas où il s’agit d’une situation de la vie quotidienne, doit être reconstruite par le lecteur à partir de l’énoncé de manière à en élaborer une représentation mentale. Le recours à la trace dessinée nous semble imposer à l’élève un passage obligé par une lecture pas à pas de l’énoncé, voire par plusieurs lectures de l’énoncé qui pourrait laisser suggérer une meilleure identification des données. Nous rejoignons Novotnà (2002) qui développe le point de vue selon lequel la construction de la représentation mentale de la situation pourrait ainsi être facilitée par ce recours à cette trace dessinée qui permettrait de soulager la mémoire de travail.

Cas du type schéma (diagramme) :

Si l’on s’intéresse à la représentation de type diagramme, on peut, en nous référant toujours à Novotnà (2003), considérer que ce recours va faciliter la démarche heuristique grâce à la manipulation par écrit de relations. Cette insistance sur la manipulation par l’écrit nous semble déterminante. En effet, dans les séances de type n°1, le registre de type iconique était essentiellement mobilisé lors des phases de correction et ce, en grande partie, sous le contrôle de l’enseignant. Les représentations iconiques ont, dans la plupart des classes, été introduites lors de la phase collective de correction, soit par l’enseignant lui-même reprenant les travaux d’un élève, soit par un élève invité à exposer au tableau les représentations iconiques qu’il avait tracées dans son cahier lors de la résolution du problème.

Figure 88 : Production d’élèves montrant le recours à la boîte-référente
Figure 88 : Production d’élèves montrant le recours à la boîte-référente

Le cadre didactique R 2 C 2 prévoit que l’élève réalise lui-même les diagrammes lors de la phase de recherche. Cette introduction ne constitue nullement une innovation. Dans une séance de type n°1, un enseignant demandait déjà à ses élèves de recourir à ce type de représentation, sans toutefois rendre ce recours obligatoire. Dans notre cadre didactique, la forme matérielle de la boîte-référente avec une case vierge prévue pour recevoir un diagramme invite l’élève à cette production. On sait en effet qu’en l’absence d’une présentation préalable par le professeur, le langage graphique est rarement utilisé par les élèves (Novotnà, 2003). Ici, dans le cadre R 2 C 2 , l’utilisation de l’artefact boîte-référente, rend explicite la demande de recours à ce type de conversion.

Par ailleurs, cette régularité dans l’utilisation des boîtes-référentes vise aussi à induire une régularité dans la mise en relation de plusieurs registres entre eux. Cette condition de mise en œuvre régulière, alliant nombre et variété de tâches de traitements et de conversions de registres est posée par Pluvinage (1998) dès lors que l’on s’intéresse à la place de ces opérations dans l’apprentissage de la résolution de problèmes. Duval (1995) pointe en effet le rôle fondamental joué par les tâches de conversion entre plusieurs registres de représentation sémiotique d’un même objet mathématique, pour la construction d’un concept.

Il nous semble aussi que la mise en œuvre de ce principe P3 peut avoir eu un effet sur le contrat didactique (Brousseau, 1980a) dans la mesure où l’élève est désormais confronté à différentes possibilités de représentations reconnues par l’enseignant. L’analyse des séances de type n°1 avait révélé une homogénéité dans les pratiques initiales des enseignants qui exigeaient un passage par la forme de présentation normée « Solution / Opération ». Cette forme centrée sur une approche unique de résolution basée sur le recours au mode calculatoire nous semble favoriser l’usage de la technique opératoire en cours d’apprentissage, comme l’a révélé l’étude longitudinale de productions d’élèves réalisée sur quatre années successives (voir partie 2). On peut alors considérer que le fait d’instituer le recours à différents registres de représentation vient modifier le contrat didactique et ce, d’autant plus qu’il existe souvent, comme le regrette Hitt (2003) un décalage entre les représentations sémiotiques spontanées, fonctionnelles, produites par les élèves et celles attendues par les professeurs.

Toutefois, l’analyse des documents vidéoscopés révèle que certains élèves recourent à la trace écrite imagée après avoir donné la solution au problème en utilisant le mode opératoire. On peut voir là encore l’effet du contrat didactique. L’élève veut répondre à la demande d’utilisation de différents registres. Il semble essentiel de considérer en nous référant à Vergnaud (1997) que ces traces dessinées ou schématisées ont un statut transitoire et qu’elles sont faites pour être oubliées au fur et à mesure de la maîtrise des problèmes.