Université Lumière Lyon 2
Ecole doctorale : 3LA (Lettres, langues, linguistique et arts)
Interactions, corpus, apprentissage, représentations (ICAR - UMR 5191)
Ruprecht-Karls-Universität Heidelberg
Neuphilologische Fakultät
Romanisches Seminar
Parler scout en réunion
Analyse du style communicatif d’un groupe de jeunes
Thèse de doctorat de sciences du langage
dirigée par Véronique TRAVERSO
et Edgar RADTKE
présentée et soutenue publiquement le 4 juillet 2008
Composition du jury :
Harald THUN, professeur à la Christian-Albrechts-Universität zu Kiel
Véronique TRAVERSO, directrice de recherche au CNRS
Edgar RADTKE, professeur à la Ruprecht-Karl-Universität Heidelberg
Sophie MOIRAND, professeure à l’université Paris III

Contrat de diffusion

Ce document est diffusé sous le contrat Creative Commons «  Paternité – pas d’utilisation commerciale - pas de modification  » : vous êtes libre de le reproduire, le distribuer et le communiquer au public à condition de mentionner le nom de son auteur et de ne pas le modifier, le transformer, l’adapter ou l’utiliser à des fins commerciales.

Remerciements

Ce travail est aussi le résultat d’une interaction et je tiens à remercier tous ceux qui y ont participé et ont contribué à son élaboration.

Tout d’abord je voudrais exprimer ma sincère gratitude envers les scouts de m’avoir accueillie les bras ouverts. C’est grâce à eux que ce projet a pu être réalisé et c’est avec eux que j’ai passé les meilleurs moments pendant mon travail de thèse ! En particulier, je remercie Alban pour ses explications et son aide avec les premières transcriptions.

Pendant les premières années de ma thèse, j’ai eu le privilège d’être enseignante à l’ENS-LSH de Lyon. Les très bonnes conditions de travail, l’échange avec d’autres chercheurs, la participation aux colloques et aux cours de sciences du langage (également à l’Université Lyon 2) et le soutien du personnel du SCAM ont été très importants et fructueux pour mon travail.

Je tiens bien sûr à remercier très cordialement mes deux directeurs de thèse pour leur soutien. Mme Traverso a suivi ce projet dès son début avec beaucoup d’attention et de disponibilité. Ses remarques critiques et ses idées constructives ont été essentielles pour le résultat obtenu. A M. Radtke je dois mon enthousiasme pour la linguistique, la chance de travailler dans un environnement stimulant et enrichissant et ses encouragements pour réaliser ce travail dans un cadre de co-tutelle. Il a également accompagné ce travail attentivement avec beaucoup d’intérêt et ses conseils m’ont été très féconds.

Je remercie également mes amis et collègues du Romanisches Seminar de m’avoir encouragée et aidée lorsque j’en ai eu besoin. A Lyon, Myriam a été très disponible et m’a beaucoup aidée avec les transcriptions, merci ! Enfin, merci à ma famille de m’avoir encouragée, à Inka et Peter d’avoir relu le résumé, et à Alexandre pour ses relectures, ses commentaires et ses encouragements.

Motivation et objectif de cette étude

Ce travail est le résultat d’une recherche de terrain que j’ai effectuée lors de mon séjour à Lyon entre l’automne 2002 et le printemps 2005.1 Mon objectif était d’étudier le style communicatif d’un groupe de jeunes ; mon choix s’est arrêté sur un groupe de scouts car il me semblait que je pouvais, par ce biais, aborder des questions qui n’avaient pas encore été traitées dans les divers champs de recherche consacrés au langage des jeunes et au style communicatif.2

Pour préparer l’analyse, je m’étais inspirée des études appliquées réalisées sur le langage des jeunes. Si, pendant longtemps, le parler des jeunes a surtout été analysé à partir de son lexique, souvent sur la base de questionnaires3, une révision des approches méthodologiques, exigée d’abord par Neuland (1987), a été possible grâce aux travaux influencés par l’ethnographie de la communication qui étudient les particularités du langage en interaction. Désormais, on met l’accent sur l’influence du contexte sur le langage, en reconnaissant que l’usage de la langue varie selon le groupe, les relations personnelles, le contexte situationnel et les objectifs des conversations. Schlobinski et al. ont été parmi les premiers à étudier les pratiques langagières de plusieurs groupes de jeunes pris dans différents contextes et à faire ainsi le lien entre le langage des jeunes et le style communicatif :

‘Une dimension essentielle de l’analyse langagière des groupes, ce sont les façons de parler qui ont des fonctions spécifiques pour des groupes et des individus spécifiques pris dans des rapports sociaux qui dépendent de contextes situationnels. Nous appellerons ces façons de parler ancrées dans des situations des styles communicatifs.4 (1993 :40)’

Depuis les années 80, de nombreux travaux sur le langage des jeunes, réalisés des deux côtés du Rhin5, ont montré que l’idée d’un langage des jeunes homogène était une fiction ; il est en réalité constitué de multiples styles communicatifs dépendant des groupes et des contextes situationnels et sociaux. L’âge des interlocuteurs passe au second plan au profit des réalités et des pratiques sociales.

Néanmoins, la grande majorité des études linguistiques réalisées dans ce domaine s’appuie toujours sur la langue des jeunes de banlieue, de préférence de la région parisienne.6 De ce point de vue, mon travail s’aventure sur un terrain nouveau : les scouts représentent un milieu social qui n’a jamais été considéré dans ce contexte de recherche. Ils sont issus de la bourgeoisie catholique de province, ce sont de bons élèves privilégiés qui fréquentent tous des lycées privés. Etant donné que l’on compte en France environ 150.000 jeunes organisés dans une branche scoute, le peu d’études empiriques qui leur sont consacrées est étonnant : aucune en linguistique, quelques rares en sociologie et en histoire.7

Dans le champ d’études sur les parlers jeunes, mon approche est, me semble-t-il, novatrice : d’une part, le groupe que j’ai choisi se démarque clairement de ceux qui ont fait jusque-là l’objet d’une étude ; d’autre part, l’intérêt principal de cette analyse ne résulte pas tant, en réalité, du groupe de jeunes lui-même, que de l’approche en termes de style communicatif qui montre, sur la base d’une analyse qualitative d’interactions verbales, l’interdépendance entre la réalité sociale et les façons d’interagir. L’analyse est d’autant plus intéressante que le contexte scout prévoit des phénomènes sociaux particuliers, comme par exemple la hiérarchie, dont l’influence sur les interactions verbales constitue une piste de recherche très riche.

L’avantage de cette approche méthodologique est qu’elle exige une analyse linguistique intégrale qui tienne compte de tous les phénomènes langagiers. Par conséquent, l’étude est ouverte à des questions linguistiques très diverses. Les approches choisies proviennent globalement du champ de l’analyse conversationnelle. Mais plusieurs domaines voisins, tels que l’étude syntaxique de la langue parlée ou la question des genres de l’oral, sont également pris en compte.

En même temps, l’étude s’efforce de faire constamment le lien entre ces phénomènes langagiers et le contexte social. Elle présente ainsi un portrait sociolinguistique du groupe de scouts très précis. Loin d’être une étude lexicale sur le langage des jeunes, ce travail explique les rapports entre les membres d’un groupe de jeunes et le déroulement de leurs rencontres d’un point de vue linguistique.

Plan

Ce travail est composé de sept chapitres. Les trois premiers constituent l’introduction théorique. Dans le premier, je commencerai par présenter les bases théoriques et méthodologiques sur lesquelles se fonde l’analyse empirique. J’évoquerai les disciplines constitutives de l’analyse des conversations (l’ethnographie de la communication, la sociolinguistique interactionnelle, l’ethnométhodologie et l’analyse conversationnelle) et j’analyserai également deux notions que l’on doit à Goffman, le rite et le face work. Puis, je discuterai le terme de style et son application en linguistique. Dans cette analyse globale du style communicatif, trois grandes pistes de recherche seront suivies, présentées et discutées : l’identité de groupe, les activités discursives et les profils interactionnels.

La question de l’identité est intimement liée à celle du style dans la mesure où les locuteurs expriment leur identité par leur style communicatif. Toujours dans ce premier chapitre, je présenterai quelques approches et travaux qui traitent de l’émergence de l’identité en interaction. L’étude des activités discursives, de son côté, s’inscrit dans l’analyse du type d’interaction. Après avoir souligné l’importance du type d’interaction, j’évoquerai quelques approches qui proposent une analyse sur plusieurs niveaux – en général, sur trois niveaux. Ensuite, je me concentrerai sur la description du troisième niveau que constitue la structure interne des activités discursives. Ce terme sera alors discuté dans le contexte de deux termes voisins : les actes de langage et les routines langagières. Pour clore cette introduction méthodologique, je présenterai le concept de profil interactionnel. Il s’agit d’une approche linguistique qui cherche à approfondir la question de l’identité en tenant compte du processus langagier complexe dans lequel le locuteur en question agit.

Le deuxième chapitre contient une présentation du scoutisme. Après l’exposé de quelques aspects historiques, ce chapitre mettra l’accent sur certains contenus, probablement inconnus du lecteur, mais indispensables pour la lecture et la compréhension du corpus. J’expliquerai d’abord le lexique particulier employé par les scouts ; ensuite, je commenterai quelques principes importants sur lesquels je reviendrai dans mon analyse empirique. Puis, je m’attarderai sur la structure sociale prévue par le scoutisme et qui joue un rôle important pour l’analyse linguistique. Enfin, je présenterai brièvement les activités scoutes et je mettrai l’accent sur les réunions de patrouille lors desquelles les données ont été enregistrées. Ce chapitre se terminera par une première caractérisation de ce type d’interaction – la réunion – basée sur une analyse des sujets de conversation et une étude des activités interactionnelles.

Le troisième chapitre présentera le corpus et sa constitution. J’indiquerai à la fin les conventions de transcription que j’ai appliquées.

La deuxième partie du travail (chapitres 4 à 7) contient l’analyse empirique des données. En m’appuyant sur des extraits de corpus, je discuterai les différents aspects qui contribuent au style communicatif. Sous l’aspect de l’identité de groupe, j’examinerai dans le chapitre 4 l’influence du mouvement scout ainsi que plusieurs stratégies d’identification et de positionnement. Dans le chapitre 5, j’analyserai les activités discursives propres à la réunion scoute. La description s’appuiera sur différentes approches linguistiques et aboutira non seulement à une caractérisation des routines langagières, mais aussi à celle du type d’interaction. L’étude des profils interactionnels au chapitre 6, qui permettra d’approfondir quelques pistes de recherche, complètera l’analyse du style communicatif. Elle se focalisera sur certains participants, ce qui mettra en évidence plusieurs caractéristiques et rendra plus apparente l’interdépendance des facteurs qui déterminent le style communicatif.

Comme ces trois chapitres d’analyse empirique mettent chacun l’accent sur un aspect différent, un septième chapitre proposera un bilan à la lumière du style communicatif. Celui-ci étant une catégorie interprétative (interpretative Kategorie, Selting & Hinnenkamp, 1989 : 6) je résumerai les résultats des chapitres précédents et j’en déduirai les caractéristiques principales du parler scout en réunion.

Remarques sur les citations et les annexes

Les citations courtes sont marquées par des guillemets, celles qui dépassent deux lignes sont en italique, en bloc. Les termes techniques ou étrangers sont mis en italique.

Les passages tirés d’œuvres anglaises ont été cités tels quels ; en revanche, j’ai traduit les citations allemandes en mettant le texte original en bas de page.

Les annexes contiennent l’ensemble de mon corpus ainsi que le lexique scout, quelques textes importants du mouvement, deux tableaux qui montrent les taux de participation des scouts au cours de mes deux années de présence, l’index et un résumé de la thèse en allemand.

Notes
1.

Durant cette période, j’occupais un poste de lectrice d’allemand à l’Ecole Normale Supérieure – Lettres et Sciences Humaines dans le cadre d’un échange entre l’université de Heidelberg et l’ENS-LSH.

2.

Voir chapitre Bases théoriques et méthodologiques.

3.

Pour l’allemand, voir Henne (1986), pour le français, Walter (1993), Conein & Gadet (1998) ou Boyer (2001).

4.

C’est moi qui traduis: « Im Vordergrund der gruppenspezifischen Sprachanalyse stehen Sprechweisen, die für spezifische Gruppen und Individuen in sozialen Zusammenhängen in Abhängigkeit von situativen Kontexten spezifische Funktionen haben. Solche situativ gebundenen Sprechweisen wollen wir als Sprechstile bezeichnen ».

5.

Pour le français, voir par exemple Laks (1983), pour l’allemand, Augenstein (1998) et Androutsopoulos (1998).

6.

Telle était par exemple la teneur des XIèmes Journées d’Etude du CREAM intitulées « Sociolinguistique urbaine : parlers jeunes ici et là-bas » qui ont eu lieu du 5 au 6 juin 2003 à Paris.

7.

Le centenaire du mouvement scout en 2007 a pourtant été l’occasion de quelques publications, voir notamment Fontaine (2007).