La sociolinguistique interactionnelle

Proche des travaux de Hymes, la sociolinguistique interactionnelle est d’abord associée aux travaux de Gumperz, lequel définit les objectifs de la discipline de la façon suivante :

‘Investigation showing how relational signs function to signal activities and discourse tasks, how interpretations are agreed upon and altered in the course of an interaction by differentially foregrounding, subordinating or concatenating various information carrying elements, is a major task of interactional sociolinguistics. (1998: 209)’

Gumperz se concentre principalement sur deux aspects dans ses études sociolinguistiques des interactions : les stratégies interactionnelles (discursives) et l’identité sociale.11 En ce qui concerne cette dernière, le point de départ du travail est l’hétérogénéité de la société moderne.12 Cette diversité consiste en des identités sociales multiples qui sont établies et soutenues par le langage au moment de la communication, ce qui explique le rôle primordial des interactions et l’importance des analyses linguistiques. L’attribut sociolinguistique se justifie par le fait que, afin de comprendre l’identité, il est nécessaire d’étudier la communication dans son contexte social.13 Ainsi, on arrive à expliquer l’influence réciproque entre les phénomènes linguistiques et sociaux.

Cet aspect jouera un rôle et sera approfondi dans l’analyse des interactions des scouts. Un autre aspect interviendra dans notre analyse : la façon dont Gumperz aborde la question des stratégies interactionnelles :

‘We assume that a speaker begins with a certain communicative intent, conscious or subconscious. He may want to ask for something specific: a favor, some information, or he may want to persuade the other or simply talk to be sociable. One of his first steps is to determine what if any limitations the environment imposes on his choice of interactional strategies. (…) the speaker must scan his surroundings to decide which classification applies. Simultaneously the speaker utilizes his knowledge of his audiences and their possible social identities to determine what role to enact. Social rules, therefore, are much like linguistic rules, they determine the actor’s choice among culturally available modes of action or strategies in accordance with the constraints provided by communicative intent, setting, and identity relationship. (1998: 15-16)’

Cet extrait rappelle le rôle de la compétence communicative venant compléter la compétence linguistique dans le sens où Gumperz ajoute aux règles linguistiques des règles sociales qui déterminent la façon dont le locuteur (inter-)agit. Dans la citation, il est d’abord question de l’intention communicative (communicative intent) : l’intention guide le locuteur dans la formulation de ses énoncés, dans le choix de ses mots, par exemple les termes d’adresse, dans le choix de modes verbaux, de l’intonation, etc. Par exemple, demander une faveur exige de la politesse, le fait de persuader nécessite de la conviction et des arguments, et la volonté de communiquer afin d’entretenir la conversation demande d’attirer l’attention et d’éveiller l’intérêt de l’interlocuteur. La politesse, la conviction et l’attention de l’autre ne peuvent être obtenues que par des moyens langagiers qui doivent être dévoilés et expliqués par le chercheur.

Ensuite, l’environnement et l’identité des interlocuteurs influent sur le choix des stratégies. Les règles sociales décident de la façon d’(inter-)agir et du rôle que le locuteur endosse.

Ce qui est intéressant dans cette approche pour mon travail, c’est d’abord la notion de stratégies interactionnelles, dont Gumperz parle également comme de communicative routines. Une partie de mon analyse sera de fait consacrée aux routines communicationnelles des scouts lors de leurs réunions.14 En outre, je m’intéresserai à la question de l’identité. Dans le passage que je viens de citer, Gumperz fait une distinction entre social identity et role. Le rôle semble avoir un caractère éphémère que le locuteur adopte au cours d’une conversation en fonction des identités sociales. Ces termes seront également discutés et appliqués dans mes analyses des interactions des scouts.

Notes
11.

Voir les titres de deux de ses publications : Discourse Strategies (1982), Langage and Social Identity (1982).

12.

Le caractère interculturel de la société est à la base de ses études sur le code-switching. Malgré l’intérêt général de ce phénomène, il ne sera pas approfondi ici, car il n’est pas opératoire pour mon travail d’analyse.

13.

Gumperz discute également l’importance du field work, p.ex. 1972 : 23-25.

14.

Voir chapitre 5.