L’analyse conversationnelle

L’origine de cette discipline et son rapport avec celles que je viens de présenter sont étroitement liés à la personne de Sacks. Ce sociologue a d’abord été un élève de Goffman, avant de rejoindre Garfinkel dont il applique les principes méthodologiques.

Bien que Sacks soit sociologue et que l’intérêt de ses travaux ne soit donc pas directement linguistique, il a également travaillé sur des conversations. Sa grande innovation méthodologique a été d’enregistrer les données afin d’analyser systématiquement l’organisation de l’interaction verbale. Sacks reconnaît l’avantage des enregistrements qui permettent d’un côté de réécouter les données et d’un autre côté d’en tirer des transcriptions détaillées (1984 : 26). Sa méthode d’une « unmotivated examination » (1984 : 27), selon le principe « there is an order in all points » (1984 : 22), est à l’origine de l’approche inductive et de la priorité accordée aux données authentiques16, deux piliers pour l’analyse des conversations. Suivant le principe ethnométhodologique selon lequel les individus construisent leurs différentes catégories dans leur vie sociale, l’objectif scientifique de Sacks réside dans l’étude de l’ordre social tel qu’il s’exprime en interaction.

Grâce à sa collaboration avec Schegloff et Jefferson, se développe une discipline, l’analyse conversationnelle, qui permet de décrire quelques structures fondamentales des conversations : le principe de la séquentialisation, les règles de distribution de la parole (Sacks, Schegloff & Jefferson, 1974) et l’organisation d’une conversation en trois parties : ouverture – corps – clôture (Sacks & Schegloff, 1973).

La séquentialisation signifie la succession des tours de parole, c’est-à-dire que la réaction d’un locuteur à l’énoncé précédent permet de voir comment celui-ci a été compris et interprété (Levinson, 1983). Les paires adjacentes selon le principe de la prévisibilité « given the first, the second is expectable » (Sacks, Schegloff & Jefferson, 1974), comme par exemple la salutation qui enchaîne une salutation en retour, une question qui provoque une réponse ou un remerciement qui est suivi d’une atténuation, constituent un cas particulier et important de séquentialisation.

Les règles de distribution de la parole étudiées dans l’article le plus connu des trois chercheurs17, sont d’un grand intérêt pour l’analyse des interactions d’un groupe. La distribution des tours de parole ne montre pas seulement les techniques d’allocation de la parole et celles d’identification des lieux de transition possibles, mais elle permet en plus de décrire la constitution du groupe et le rôle discursif que joue chaque locuteur dans la construction des interactions.

Dans mon analyse, je m’appuierai sur les techniques de travail et les acquis de cette discipline qui sont essentiels et indispensables pour toute étude des interactions verbales.

Notes
16.

« (…) the use of observations as a basis for theorizing. That is to say, a base for using close looking at the world for theorizing about it is that from close looking at the world you can find things that we couldn’t, by imagination, assert were there. One wouldn’t know that they were typical, one might not know they ever happened, and even if one supposed that they did one couldn’t say it because an audience wouldn’t believe it. » (Sacks, 2000: 420).

17.

« A simplest systematics for the organization of turn-taking for conversation » (1974).