Les actes de langage

Comme nous venons de le voir, il semble y avoir un rapport étroit entre l’activité discursive et les actes illocutoires et perlocutoires.47 Afin de mieux comprendre ce lien, nous allons approfondir brièvement la notion d’actes de langage en expliquant leur importance pour notre analyse.

L’origine du terme acte de langage se trouve dans les travaux d’Austin (1962) et de Searle (1969) sur la Speech Act Theory. Les deux chercheurs partent du principe que parler c’est agir.48 Cette thèse reste fondamentale pour les sciences du langage, même si l’on a reproché à ses auteurs, notamment dans une perspective interactionnelle, d’interpréter des actes isolés sans respecter ni le contexte ni les séquences d’actes. Les actes de langage tels que les étudient Searle et Austin ne correspondraient donc pas à la réalité linguistique.49

Kerbrat-Orecchioni (2001a) a étudié plusieurs actes de langage50 en interaction, à savoir la demande, l’excuse et le remerciement. Elle a montré les problèmes posés par la délimitation des actes de langage : en principe, l’acte ne peut être interprété qu’indirectement en fonction de la réaction des interlocuteurs ou du contexte. Par exemple, une question impose par définition une réaction, et la formulation de la question dépendra en général du contexte et des interlocuteurs, car agir signifie interagir. Par conséquent, comme le montre Hindelang (1994 : 102), le même énoncé dans la même séquence peut être interprété différemment, si l’intention du locuteur est ambiguë. Le contexte reste essentiel pour l’interprétation.

Les actes de langage s’inscrivent alors dans des unités plus larges, les activités discursives, dont ils peuvent être, comme dans l’exemple de la salutation, un élément constitutif. A la suite de Goffman qui a déjà souligné l’importance des actes de langage pour le déroulement des échanges (1987 : 73), plusieurs linguistes ont décrit les actes de langage comme les unités communicatives les plus petites déterminant les modalités de la situation communicative.51 C’est à cette fonction que nous allons nous intéresser dans l’analyse des activités discursives.

Notes
47.

Un acte illocutoire signifie que le locuteur agit par son énoncé. Il accomplit alors un acte de menace, de promesse ou de salutation comme dans notre exemple. L’acte perlocutoire correspond à l’effet qui est dérivé de l’acte illocutoire et qui est produit sur l’interlocuteur. De dire « J’ai faim » peut être interprété comme un acte de langage indirect demandant aux partenaires d’aller (faire à) manger.

48.

Voir le titre How to do things with words traduit par Quand dire, c’est faire de l’ouvrage fondateur d’Austin (1970).

49.

Pour une critique voir Kerbrat-Orecchioni (2001a : 53).

50.

Le terme d’acte de langage correspond aux termes d’actes de parole ou encore d’acte de communication qui sont tous des traductions du terme anglais speech acts et désignent « tout acte réalisé au moyen du langage », Kerbrat-Orecchioni (2001a : 2).

51.

Par exemple Henne & Rehbock (2001 : 19).