L’évolution historique du mouvement en France67

Quatre ans après le camp fondateur du scoutisme à Brownsea sous la direction de Baden Powell, Georges Bertier crée une troupe d’éclaireurs68 à l’école des Roches. En 1911 naît ainsi en France le premier mouvement scout, les Eclaireurs et Eclaireuses de France. Comme ses prédécesseurs anglais, il s’agit d’un groupe non confessionnel.

Mais rapidement, au cours de la même année, suit la fondation d’un deuxième mouvement, les Eclaireurs et Eclaireuses unionistes, d’obédience protestante. Puis, deux ans après la première guerre mondiale, apparaît en France, le 25 juillet 1920, le premier mouvement scout catholique, les Scouts de France. Le scoutisme catholique français est fondé sur les idées et les concepts du Père Sevin69 qui cherchait à combiner scoutisme et foi catholique (Sevin, 1999). La religion sera désormais un des piliers du scoutisme français.70

Au cours des premières décennies de son existence et même pendant la deuxième guerre mondiale, le nombre d’adhérents augmente et de nouvelles branches apparaissent71. Malgré l’interdiction du mouvement pendant la guerre, la Fédération du Scoutisme Français est créée en zone libre en 1940 regroupant les Scouts de France, les Eclaireurs Unionistes, les Eclaireurs de France, les Eclaireurs Israélites de France, la Fédération Française des Eclaireuses (Unionistes, Neutres, Israélites) ainsi que les Guides de France. Le mouvement scout continue à se développer dans la clandestinité, les Scouts de France comptant 55.000 adhérents, les Guides de France 50.000 en 1946 (SUF, 2000 : 13).

Dans les années 1960, pourtant, le scoutisme français connaît sa première crise profonde. Face aux évolutions sociales et aux débats sur les méthodes d’éducation, les Scouts de France et les Guides de France introduisent la réforme Lebouteux pour mieux s’adapter aux besoins de la société moderne. Cette réforme prévoit une série de mesures censées moderniser le mouvement. La plus apparente est le changement d’uniforme. D’autres résolutions sont plus programmatiques : la gratuité du service rendu fait place à l’utilité sociale du scout, la formation individuelle du jeune perd son importance au profit de l’apprentissage collectif de la socialisation, la formation par l’aîné est remplacée par une éducation des scouts les uns par les autres au sein d’une même tranche d’âge. En conséquence, le système de patrouille est abandonné, les emblèmes et le vocabulaire militaires sont jugés dépassés, les grands jeux72 sont remplacés par les travaux utiles et les réalisations concrètes ; enfin, l’éducation religieuse est délaissée suite à la critique d’un enseignement religieux trop normatif.

Ces mesures sont à l’origine de deux scissions.73 Suite à la fondation des Scouts d’Europe en 1956 à Cologne, cette branche s’établit en 1958 en France conservant intégralement les uniformes et les insignes arborés par les Scouts de France et valorisant la place de la religion. La croissance du mouvement est considérable, notamment entre 1967 et 197574 quand les effectifs décuplent, passant de 2.500 à 25.000 adhérents (Hilaire, 1994 : 284).

L’objectif de la création des SUF était également de renouer avec l’esprit d’origine du scoutisme, ce qui implique de reprendre la pédagogie de Baden Powell comme les principes du scoutisme catholique français définis à la suite du Père Sevin. En 1971, après l’application de la loi Lebouteux chez les Scouts de France et à la suite du Concile Vatican II75, une vingtaine de groupes s’associent pour fonder la nouvelle branche des SUF, aujourd’hui le troisième mouvement du scoutisme catholique français.

Au total, on compte aujourd’hui plus de 140.000 scouts organisés en neuf branches différentes en France. Cinq sont réunies par la Fédération du Scoutisme Français :

Nom Date de fondation Confession Nombre d’adhérents
Eclaireuses et Eclaireurs de France 1911 laïque 35.000 76
Eclaireurs et Eclaireuses Unionistes de France 1911 protestante 5.000 77
Scouts et Guides de France 1920 /1923 (fusionné en 2004) catholique 62.000 (50.000 + 12.000) 78
Eclaireuses et Eclaireurs Israélites de France 1923 israélite 4.000 79
Scouts Musulmans de France 1990 musulmane chiffres non-indiqués

Puis, quatre autres associations, dont les SUF, sont agréées par le Ministère de la Jeunesse et des Sports :

Nom Date de fondation Confession Nombre d’adhérents
Eclaireurs Neutres 80 1947 neutre chiffres non-indiqués
Guides et Scouts d’Europe 1963 catholique 26.000 81
Scouts Unitaires de France 1971 catholique 20.300 82
Fédération des Eclaireuses et Eclaireurs 1989 laïque 2000 83

Notes
67.

Pour une chronologie détaillée du scoutisme français, voir Cholvy & Cheroutre (1994 : 497-504).

68.

Le mot scout a été emprunté en 1910 au mot anglais boy-scout qui signifie littéralement éclaireur ; éclaireur reste le nom exact d’un membre de la troupe, équivalent à guide pour les filles ou louveteau pour les plus jeunes. Comme dans la pratique des scouts, j’utilise le mot scout comme synonyme du terme éclaireur.

69.

Pour une discussion des écrits du Père Jacques Sevin, voir Pirrodon (1994).

70.

Etant donné que le scoutisme de Baden Powell ne prévoit aucune influence religieuse, il n’est pas surprenant que la combinaison de son héritage avec le scoutisme catholique ne soit pas sans complications ; cela mènera d’ailleurs plus tard à la scission au sein des groupes des Scouts de France (voir ci-dessus) ; sur la question des rapports entre scoutisme et religion, voir Estienne (1994).

71.

Il s’agit notamment des Guides de France et des Eclaireurs Israélites de France en 1923.

72.

Le grand jeu fait toujours partie de la pédagogie des SUF. Il s’agit d’une compétition continue, voir chapitre 2, Les activités dans la nature.

73.

Sur l’histoire et les circonstances des scissions, voir Hilaire (1994).

74.

En 1964, la réforme des Scouts de France est proposée ; entre 1964 et 1970 les deux méthodes, anciennes et réformées, coexistent et finalement, ces dernières sont imposées en 1970, SUF (2000 : 16).

75.

Le Concile précise la nature des rapports que l’Eglise doit entretenir avec le monde profane : l’Eglise se doit d’apporter une aide au monde (Gaudium et spes n°41) et en même temps, l’Eglise reçoit une aide de la part du monde (Gaudium et spes n°44) ; ce programme correspond à l’intention des fondateurs du scoutisme français de lier foi et scoutisme, un dialogue que les SUF cherchent à poursuivre et à valoriser, pour plus de détails voir Estienne (1994).

78.

Ternisier (2004), www.sgdf.fr