Analyse sémantique du mot scout

Si le terme scout paraît communément associé à des jeunes garçons (ou des jeunes filles) qui partent dans la nature avec un sac à dos, une boussole et un couteau, les données corrigent cette éventuelle image de jeunes aventuriers et révèlent la perception que les scouts ont d’eux-mêmes.

L’extrait que j’analyserai en premier, par exemple, conteste l’association qui est souvent faite entre un scout et un campeur. La situation est la suivante : il est question qu’un correspondant anglais d’un des membres de la patrouille vienne participer à des activités scoutes. En discutant de la visite de cet étranger (ce mec, 1), les scouts se demandent si celui-ci pourrait facilement s’intégrer dans leur groupe (2) et évoquent ainsi implicitement la question de leur identité scoute. C’est alors que Xochiel réfute la comparaison entre un campeur et un scout par une remarque ironique qui suggère que le style d’un campeur ne correspond pas au style scout (3) :

Extrait n°1 (16-5-2003 : l. 534-536) :

1 Al: c’est quel style ce mec
2 M : si c’est un campeur
3 X : euh c’est le même style (.) c’est bon t’sais\

Le contexte et l’intonation permettent de dire que la remarque de Xochiel est complètement ironique. Son énoncé « c’est le même style » vise à insister sur la différence entre un scout et un campeur comme le soulignent les marqueurs « c’est bon t’sais » (3).

Xochiel ne réfute certes pas l’idée que les scouts campent dans la nature. Mais il rejette la comparaison avec un campeur. Dans ce contexte, la signification de style va au-delà de notre définition du style communicatif 114 . Ici style résume le contexte complexe, idéologique et religieux, qui distingue un scout d’un simple campeur. Autrement dit, Xochiel insiste sur le fait que, même si un campeur et un scout ont en commun le goût de camper dans la nature, ils ne partagent pas les mêmes principes, n’ont pas le même type de motivation et sont par conséquent plutôt différents l’un de l’autre. Camper a beau être une des activités principales des scouts, elle n’est pas la seule, ni la plus caractéristique.

Selon le manuel des scouts, Azimut, « devenir scout » implique de « vivre à la manière et selon la loi scoute » (SUF, 1996 : 44). Dans ce sens, les scouts reprennent régulièrement des extraits du règlement afin d’expliquer ce qui caractérise un scout :

- Le scout est équitable. (8-11-2002 : l. 1366)

- Le scout est frère de tout autre scout. (27-2-2004 : l. 1702)

- Le scout est l’ami. (23-4-2004 : l. 1571)

Toutes les formulations du genre « le scout est … » dont témoigne le corpus se réfèrent au règlement. Les explications du type « c’est pas le but des scouts d’aller au cinéma » vont dans le même sens. Les directives du règlement semblent donc être un point de repère important quand il s’agit de déterminer les caractéristiques des scouts.

L’emploi de l’adjectif peut être interprété de la même façon. Souvent accompagné d’un adverbe de quantité, l’adjectif exprime, selon le contexte, plusieurs degrés :

Les contextes dans lesquels l’adjectif scout est utilisé montrent également un rapport entre l’adjectif qualitatif et les idées principales du scoutisme. Une chose est jugée d’autant plus scoute qu’elle correspond aux idées du mouvement. Ce qui est décidé par les chefs, comme le thème de l’année, ou ce qui plaît aux chefs est jugé bien scout. Par ailleurs, selon le style de vie simple et modeste des SUF (SUF, 2000 : 8), l’adjectif scout est employé comme synonyme de « simple ». Dans ce sens, faire des pâtes correspond au style scout.

Ensuite, le caractère scout semble lié à des objets extérieurs. Ainsi, les jeunes attribuent le qualificatif de scout à un canif ; et pour rendre une personne plus scoute, on lui met un foulard, l’emblème de la troupe. Finalement, lorsque les scouts constatent qu’aller au cinéma n’est pas vraiment scout, ils suggèrent que rester passifs dans une salle fermée ne correspond pas à leur style de vie. Cette passivité se heurte au principe que le scoutisme se pratique dans la nature. Ainsi, tout comme la signification du substantif, celle de l’adjectif qualificatif est aussi déterminée par le style des SUF. Afin de préciser leur caractère, les scouts s’appuient sur le règlement et les principes de leur mouvement.

Notes
114.

Voir chapitre 1, Le style communicatif.