Ouvrir la réunion

Le début de la réunion est lié à l’arrivée du CP. Le lien peut s’exprimer de différentes façons : par exemple, les membres de la patrouille attendent leur chef avant de commencer à parler des sujets de travail, comme la vente des calendriers :

Extrait n°1 (17-1-2003 : l. 18-20) :

1 M : t’as pas vendu les calendriers là/ je m’inquiète
2   [rires]
3 An: il n’est pas encore là Alexandre 151

Par ailleurs, au moment où le CP arrive et rejoint la patrouille, les scouts interrompent leur conversation et attendent qu’il prenne les choses en main. Ils considèrent en effet que c’est à lui de relancer la discussion. Ce faisant, le CP n’aborde pas forcément le programme de la soirée ; plus souvent, il essaie d’engager une conversation à l’aide de « thèmes sans risques » (Traverso, 1997 : 147) tels que le temps qu’il fait ou les vacances. Comme le décrit Traverso pour les « échanges météorologiques », la fonction de ces sujets peut aller au-delà d’un simple rituel. L’objectif est donc ici de faire le point sur ce qui s’est passé depuis leur dernière rencontre (exemple des vacances), et, plus généralement, de proposer un thème de conversation (Traverso, 1997 : 149, 155).

Le CP s’assure alors que la conversation (re)démarre et il se charge également de présenter le programme de la soirée. Etant donné que les scouts semblent eux-mêmes percevoir une différence entre l’ambiance décontractée qui précède et le moment où ils commencent à évoquer des sujets plus officiels, je propose de considérer ces interventions du CP comme des ouvertures de réunion. L’extrait suivant montre l’existence de ce moment de transition et le rôle du CP censé le prendre en charge :

Extrait n°2 (23-4-2004 : l. 1) :

1 M : on va attendre que tout le monde soit là pour que (.) pour reparler de

En même temps, je tiens à souligner que les prises d’initiative du CP et la présentation du programme de la soirée sont loin d’être obligatoires et n’apparaissent que dans trois des six réunions analysées. Le 8 novembre par exemple, le CP prend la parole à trois moments différents afin d’annoncer le déroulement de la réunion. Cela s’explique par deux facteurs : d’un côté, le CP improvise sa déclaration, a des difficultés à la formuler et se laisse facilement interrompre, et de l’autre, les garçons n’attendent pas une prise de parole du CP pour ouvrir officiellement la soirée. Par conséquent, celui-ci n’arrive que difficilement à s’imposer. Ce n’est qu’à la troisième reprise qu’Alexandre leur annonce finalement ce qui est prévu pour la réunion, à savoir apprendre une méthode de codage. La structure de son énoncé montre pourtant qu’il a des difficultés à faire son annonce ; il répond et se réfère d’abord à un autre contexte, puis change de sujet afin de communiquer le programme :

Extrait n°3 (8-11-2002 : l. 168) :

1 Al: oui (…) c’est normal alors aujourd’hui on va (.) comme les chefs ont demandé (.) de voir (.) la méthode de codage\

Qu’est-ce qui indique qu’il s’agit d’une ouverture de réunion ? D’abord, l’ouvreur alors marque la fin du sujet discuté auparavant et introduit en même temps un nouvel aspect. Puis, Alexandre annonce explicitement qu’il s’agit du programme du soir (aujourd’hui) et l’introduit par une forme de futur périphrastique « on va », qui reste pourtant incomplet. Cette interruption va lui permettre d’annoncer la parole des chefs de troupe et traduit le respect de la hiérarchie. Le CP, en tant qu’intermédiaire, doit transmettre le programme prévu par ses supérieurs.

Cet exemple suggère que, si aucun programme n’est annoncé, c’est tout simplement qu’il n’y en a pas. En revanche, lorsque le programme de la soirée est annoncé, ce qui implique une ouverture officielle, celle-ci est réalisée par le CP.

Pour formuler son énoncé, il peut, au lieu de mettre le verbe au futur, employer le verbe de modalité devoir ou le verbe falloir qui, tout en exprimant l’aspect de futur, mettent l’accent sur la valeur directive :

Extrait n°4 (11-10-2003 : l. 1) :

1 M : de toute façon oui on doit faire le planning (.) donc euh (.) de savoir ce qu’on les activités qu’on fera (.) d’abord je pense qu’on va essayer de faire un

Extrait n°5 (23-4-2004 : l. 354) :

1 M : ah (…) donc oui donc bon il y a le il faut qu’on fasse le plan des installs

L’activité discursive qui consiste à ouvrir la réunion est donc liée à la personne du CP. De la même façon qu’il préside la patrouille, il dirige l’ouverture des discussions officielles. Son statut supérieur se traduit par le fait qu’il détermine et annonce le programme. L’emploi des verbes qui expriment une obligation souligne l’autorité qu’il exerce sur la patrouille.

Notes
151.

Alexandre occupait le poste de CP à cette époque.