Les syntagmes

Les données témoignent de quelques syntagmes qui permettent de marquer l’introduction d’un sujet. Par exemple, la tournure il y a un N qui, caractérisée par Blanche-Benveniste comme un « détour stylistique » permet d’éviter un début d’énoncé nominal ; selon l’auteur, les locuteurs préfèrent dire « il y a un homme qui est entré » au lieu de dire « un homme est entré » (2000 : 93). La dernière tournure serait réputée « désagréable et peu naturelle » (idem). Gadet parle d’une « structure à présentatif » (1989 : 172) et c’est cette fonction du syntagme qui est appliquée en interaction et qui assure l’introduction d’un sujet. Sitri la caractérise de la façon suivante :

‘cette structure (…) particulièrement apte à introduire un objet de discours, en raison du fait qu’elle pose un élément qui contient déjà la prédiction et qui en tant que tel est susceptible de susciter la discussion, de provoquer la réaction de l’autre, bref, un élément problématique. (2003 : 79)’

Dans nos données nous trouvons par exemple l’extrait suivant. Notons que le pronom personnel il n’est pas prononcé :

Extrait n°1 (16-5-2003 : l. 79-82) :

1 X : ça on a la prochaine réunion on va se mettre à détacher ça
2 M : on fera une réunion exprès
3 X : et puis c’est fait
4 Al: y a aussi y aManuel qui m’a dit (.) je sais pas pourquoi Anatole n’était pas au courant (.) les parents d’Anatole ont proposé un travail/(.) une demi-journée/(.) ils ont en fait XX un immeuble dans le sixième (.)

Devant cet exemple il faut se demander quel est le sujet de conversation introduit dans cet énoncé : est-ce Manuel, donc le syntagme nominal introduit par la formule, ou bien est-ce la proposition des parents d’Anatole qui est évoquée plus tard ?

A mon avis, il y a deux arguments, autres que syntaxiques, qui confirment que c’est en effet Manuel, et le fait qu’il a communiqué un message à Alexandre, qui constitue le nouveau sujet. Premièrement, Manuel fonctionne ici comme une métonymie : comme c’est le chef qui a parlé à Alexandre de la proposition des travaux, c’est en évoquant son nom que le CP introduit cette idée. Deuxièmement, la suite de la conversation159 montre que, bien qu’Alexandre précise la nature des travaux, la discussion tourne ensuite autour de la question de savoir pourquoi la patrouille a été informée par Manuel et non par Anatole lui-même. Visiblement, la structure de l’énoncé d’Alexandre met l’accent sur le fait que Manuel a informé les scouts de ce projet et moins sur le projet lui-même.

Les données témoignent de deux autres syntagmes dont se servent les scouts pour introduire un sujet :

Extrait n°2 (17-1-2003 : l. 1021) :

1 Al: au sujet du morse vous vous l’avez déjà complètement oublié/

Extrait n°3 (23-4-2004 : l. 2268) :

1 M : au niveau de oui euh oui tu euh oui donc du dessin là

Ces deux syntagmes sont lexicalisés : le Petit Robert présente « au sujet de » comme un synonyme de « à propos de » ; la formule « au niveau de » a le sens de « en ce qui concerne ». Néanmoins, la tournure « au niveau de » reste critiquée (Petit Robert).

Par ailleurs, le dernier extrait contient, à côté des syntagmes, un grand nombre de marqueurs, ce qui souligne que, souvent, les énoncés accumulent plusieurs types de procédés.

Notes
159.

Voir les transcriptions dans l’annexe.