Les questions

Les énoncés interrogatifs permettent également d’introduire un sujet. Etant donné que le prototype d’une question provoque une paire adjacente, donc une réaction, une question peut être caractérisée comme un appel à l’interlocuteur. Ainsi Sitri estime que

‘poser une question sur X constitue sans doute le moyen le plus élémentaire de faire naître le discours autour de X : les questions permettent de lancer ou de relancer la conversation. (2003 : 82)’

Qu’est-ce qui fait que l’énoncé doit être interprété comme une question ? Kerbrat-Orecchioni propose la définition suivante : « Question = énoncé qui se présente comme ayant pour finalité principale d’obtenir de L2 [locuteur 2] un apport d’information » (1991 : 14). Néanmoins, en pratique, la détermination des actes pose bien plus de problèmes162, et la distinction entre un acte interrogatif et un acte assertif est si difficile qu’il est préférable de présumer « un cumul d’actes dans un même énoncé » ou « un continuum d’un acte à l’autre » (1991 : 109).

Outre la prosodie qui constitue un indice important, c’est le fait que l’énonciateur s’adresse à une ou plusieurs personnes qui détermine la question. Cette demande de réaction vise à faire parler l’interlocuteur du contenu évoqué, par exemple :

Extrait n°1 (17-1-2003 : l. 648) :

1 An: ah tu l’as écoutée la nouvelle chanson de l’OL/

L’objectif de cet énoncé est de provoquer un échange sur la nouvelle chanson. Afin d’y parvenir l’énonciateur signale par son intonation montante qu’il s’agit d’une question à laquelle il invite les autres à réagir. Plus précisément, il adresse la parole à un membre du groupe en utilisant le pronom personnel tu. De cette façon, l’interlocuteur est sélectionné pour le prochain tour de parole et obligé de réagir. Finalement, il introduit son énoncé par l’interjection ah que Gülich interprète comme un marqueur discursif d’ouverture (1970 : 89).

Comme je l’ai déjà indiqué plus haut, l’énoncé peut également être adressé à plusieurs interlocuteurs ou à tout le groupe. Dans ce cas, nous trouvons souvent la tournure (il) y en a qui, qui, selon Blanche-Benveniste, est devenue l’équivalent usuel du pronom certains (2000 : 93). Dans les données, elle est régulièrement employée pour s’adresser au groupe, dans le sens de vous, ou bien certains/ l’un d’entre vous :

Extrait n°2 (17-1-2003: l. 450-451) :

1   [p.3s]
2 An: y en a qui vont au concert de SUM41/

Comparé à l’emploi des pronoms personnels, cette formule permet de rester plus vague au moment de la question. L’énoncé vise une auto-sélection du prochain locuteur. Il met l’accent sur le sujet évoqué et sur l’aspect interrogatif qui invite tout le groupe à répondre. Cet exemple montre encore une fois deux aspects importants : premièrement, la tournure ne contient pas le pronom personnel il, cette première syllabe du syntagme n’étant, en général, pas prononcée. Deuxièmement, un énoncé grâce auquel le locuteur essaie d’introduire un sujet contient souvent plusieurs formes linguistiques et discursives qui soulignent son intention.

Notes
162.

Voir pour cette question Kerbrat-Orecchioni (1991).