D’autres phénomènes

Les pauses

Au cours d’une réunion, certaines situations comme l’arrivée ou le départ d’une personne ou bien l’interruption de la conversation par un facteur extérieur favorisent les changements de sujet. L’arrivée du CP par exemple marque une pause dans la conversation, comme dans l’extrait suivant :

Extrait n°1 (17-1-2003 : l. 58-71) :

1 An: moi j’ai fait les voisins la famille et en plus j’ai pas eu le temps
2 Al: me voilà
3 An: salut Alexandre
4 Al: ça va bien/
5 An: ouais
6   [p.38s]
7   [Alexandre va autour de la table pour dire bonjour à chacun]
8   [sonnerie de téléphone]
9 An: il y a le téléphone je crois
10 M : tu crois\
11   [sonnerie]
12 An: oui je crois
13   [p.12s]
14 Al: ça va bien/ et les vacances/

L’échange entre Anatole et Grégory se termine au moment où Alexandre, le CP, entre dans la pièce et salue la patrouille. Celui-ci ne propose pas immédiatement de sujet de conversation, mais se contente d’abord de saluer les garçons. La conversation a du mal à reprendre (très longues pauses 6, 13) et les interlocuteurs semblent chercher en vain un sujet de conversation, au point qu’Anatole fait un commentaire sans grand intérêt sur la sonnerie de téléphone (9, 12). Finalement, le CP, assume son rôle de modérateur et se renseigne sur les vacances de ses scouts afin d’engager une conversation (14).

L’arrivée du CP n’influe pas seulement sur le contenu de l’interaction, mais aussi sur le système de tours de parole. Parce qu’il est chef de patrouille, les garçons attendent d’Alexandre qu’il anime l’interaction. Ils expriment qu’ils ont déjà choisi le prochain locuteur par la pause qui suit l’interruption de leur échange précédent. Alexandre ne réagit pas tout de suite à cet appel implicite, mais finit par jouer son rôle. Une pause doit donc être interprétée comme un moment favorable à un changement de sujet. Il en va de même pour des rires qui peuvent également inviter à évoquer un nouveau sujet :

Extrait n°2 (16-5-2003 : l. 415-418) :

1 X : bon toi tu te sers
2   [rires]
3   [p.3s]
4 M : donc pour le camp il y a quoi/ il y a la veillée/ ça va être chaud après XXXX

Ici, les rires sont suivis d’une petite pause. Maxime saisit l’occasion de cette interruption pour changer de sujet et introduit son nouveau sujet par le marqueur « donc ».

Si toute pause dans la conversation peut être une bonne occasion de changer de sujet, ce changement n’est pourtant pas systématique. Les rires ne font souvent qu’interrompre l’interaction pour un bref moment avant que les interlocuteurs ne reprennent le fil de la conversation :

Extrait n°3 (16-5-2003 : l. 629-632) :

1 M : tu fais quoi/
2 X : XX (rit)
3   [rires]
4 Al: j’ai le mariage de mon cousin George donc e:h voilà quoi

La réponse d’Alexandre (4) se réfère à la question de Maxime (1). A cause de la remarque humoristique de Xochiel, elle est retardée. Mais les rires aux lignes 2 et 3 ne font que suspendre la réaction, ils n’empêchent pas l’accomplissement de la paire adjacente.

Ce qui est certain, c’est que les pauses sont des moments gênants pour une conversation. Par conséquent, les interlocuteurs vont essayer de rompre le silence en introduisant un sujet, même si celui-ci semble manquer de pertinence :

Extrait n°4 (8-11-2002 : l. 1553-1558) :

1   [p.3s]
2 Al: bon bah les pizzas étaient bonnes
3   [p.3s]
4 X : XX
5 Al: (rit)
6 M : oui vous voulez pas de fromage/ (.) non mais si

Cet extrait qui est marqué par des pauses et un rire montre que les pauses ne sont pas seulement de bonnes occasions pour introduire un sujet : je dirais qu’elles l’exigent, au cas où l’ancien sujet n’est pas suivi, pour éviter de perdre le fil de la conversation.

Toutefois, si les pauses, provoquées par le groupe même ou par l’extérieur, marquent de façon claire un changement de sujet, elles sont loin d’être les seules occasions, autrement dit, elles ne sont pas nécessairement requises pour changer de sujet. Un nouveau sujet peut être introduit à chaque moment, même s’il n’est pas forcément accepté et suivi. Cela dépend beaucoup de la façon dont le sujet est présenté et dont le locuteur arrive à éveiller l’intérêt et l’attention de ses interlocuteurs.