Des paraphrases du verbe proposer

Si l’acte de langage illocutoire est important afin que l’objectif de l’énoncé soit saisi, l’emploi du verbe proposer n’est pas obligatoire. Il peut être remplacé par d’autres verbes ou syntagmes verbaux. Les données témoignent de plusieurs variantes, par exemple la paraphrase avoir une idée qui peut également être employée avec le verbe performatif comme dans le premier exemple :

Extrait n°1 (11-10-2003 : l. 484) :

1 An : ah Max j’ai une idée à proposer (…)

Extrait n°2 (16-5-2003 : l. 1119) :

1 An : ah j’aurais une idée

Il est frappant de constater que dans chacun des exemples l’énoncé est introduit par le marqueur phatique ah qui appelle l’attention et il est au fond logique que la structure des énoncés ressemble beaucoup à celle des énoncés visant l’introduction de sujet. L’emploi de deux modes différents, l’indicatif et le conditionnel, exprime une nuance qui traduit le degré de certitude ou d’insistance avec laquelle le locuteur présente sa proposition.165 En outre, les deux exemples ont en commun un caractère personnel : le verbe est à la première personne du singulier et l’énonciateur exprime sa propre opinion. En effet, il est fréquent que l’énonciateur d’une proposition la soutienne personnellement et souligne son propre point de vue en mettant le verbe à la première personne du singulier :

Extrait n°3 (16-5-2003 : l. 1480) :

1 X : franchement je mettrais deux mètres cinquante

Extrait n°4 (11-10-2003 : l. 1802) :

1 C : moi je pense que il vaut mieux que tu fasses trois quatre cinq

Extrait n°5 (16-5-2003 : l. 3178) :

1 G : moi je connais un jeu qui n’est pas mal c’est qu’il y a un parcours

Ces trois exemples s’inscrivent dans des activités interactionnelles qui demandent aux interlocuteurs de faire une proposition (faire le plan des installations (extrait n°3), distribuer le cake (extrait n°4), chercher des idées pour la veillée (extrait n°5)). Pour cela, il suffit que le locuteur énonce un syntagme verbal à la première personne qui paraphrase le verbe proposer suivi de l’idée qu’il veut soumettre. Dans ce contexte d’activité collective, il est évident que son énoncé est interprété comme une proposition.

Les paraphrases jouent sur l’avis ou les connaissances personnelles des énonciateurs que ceux-ci mettent à la disposition des autres et qui fonctionnent donc comme des propositions implicites. Le premier énoncé emploie le verbe au conditionnel afin d’exprimer une possibilité et à la première personne pour préciser comment l’énonciateur agirait s’il devait prendre la décision. Implicitement il est sous-entendu : « je vous propose de mettre ».

Il en va de même pour le deuxième exemple qui exprime une proposition implicite par la formule : « je pense que il vaut mieux ». Grâce à elle, l’énonciateur essaie de convaincre les autres de l’utilité et de la valeur de sa proposition. Finalement, le troisième énoncé, qui est comme le deuxième introduit par le pronom personnel tonique pour attirer l’attention, propose aussi implicitement son idée. Dire « je connais » est plus discret et réservé que de proposer explicitement. Mais cette formule paraît également préférable parce que, dans le contexte donné, il s’agit clairement de propositions et il aurait donc été inutile de le préciser.

Notes
165.

La nuance qui résulte de l’emploi des différentes modes sera approfondie dans le prochain sous-chapitre.