Formes linguistiques récurrentes

Les marqueurs discursifs

Comme les autres activités discursives analysées plus haut, celle qui a pour but de persuader contient également souvent des marqueurs discursifs. Dans ce contexte, nous trouvons surtout des marqueurs d’opposition permettant de réfuter un argument et d’introduire une objection. Concrètement, le marqueur mais est le plus fréquent dans des énoncés visant à persuader. Comme les autres marqueurs dont l’emploi a été étudié plus tôt, mais garde en partie la valeur sémantique de la conjonction et, de surcroît, il est en général employé avec d’autres marqueurs. Dans l’exemple suivant, les scouts négocient les dates de leurs activités :

Extrait n°1 (11-10-2003 : l. 1537-1544) :

1 M : parce que (.) après ça va après t’as des (.) genre juste un week-end un un un dîner de pat ou un truc du genre
2 Q : oui mais fais pas de petits trucs trop comme ça parce qu’une semaine après tu tu XXX
3 G : NON
4 M : non non ce que je veux dire c’est que si si si vraiment les chefs veulent qu’il y ait autant de trucs
5 C : oui
6 G : non mais je veux dire des dîners de pat c’est pas mal
7 M : par trimestre ça fait que trois activités c’est pas énorme (.) c’est les vacances et tout quoi
8 An: oui mais quand même la la la

Le marqueur mais est employé aux lignes 2, 6 et 8 ; chaque fois, il est précédé par l’adverbe d’affirmation ou de négation. Malgré la différence sémantique entre les deux adverbes, leur fonction discursive en combinaison avec le marqueur mais est identique : le locuteur marque ainsi qu’il se réfère à l’énoncé précédent avant de présenter son point de vue. Si, a priori, l’adverbe affirmatif indique un accord avec ce qui vient d’être argumenté (2), et l’adverbe négatif annonce une opposition (6), le dernier énoncé (8) exprime, malgré l’adverbe d’affirmation, une contestation suggérée par la locution adverbiale « quand même ». En conclusion, quel que soit l’adverbe qui accompagne le marqueur mais, la fonction discursive de ce groupe de mots reste essentiellement déterminée par la valeur sémantique et discursive de ce marqueur : il se réfère à l’argument précédent en introduisant tout de suite une contre-proposition.

Outre l’emploi des marqueurs discursifs, cet extrait témoigne d’un autre phénomène caractéristique pour le contexte de la persuasion qui est l’emploi du métalangage. Les formules telles que « ce que je veux dire » ou « je veux dire » permettent au locuteur de préciser explicitement son point de vue et de marquer son insistance.

Fidèle à l’expressivité qui caractérise le style communicatif des scouts, le marqueur d’opposition mais se voit, comme d’autres marqueurs, accompagné par le marqueur phatique franchement. Ceci est le cas dans l’exemple suivant qui est tiré d’un passage au cours duquel le CP cherche un candidat pour le poste de reporter :

Extrait n°2 (11-10-2003 : l. 232) :

1 M : non mais franchement cette année il faut quelqu’un qui fasse un rapport j’sais pas si

Le marqueur phatique franchement suit celui qui exprime l’opposition. Contrairement au groupe non mais dont la signification de chacun des marqueurs se complète, le marqueur franchementajoute un autre contenu. Il traduit l’insistance avec laquelle le locuteur met l’accent sur son propos. Si le marqueur franchement s’applique alors à des contextes divers, mais doit être considéré comme le marqueur d’opposition le plus caractéristique et employé par les scouts dans des contextes de persuasion.

En ce qui concerne le style communicatif des scouts, l’emploi d’un autre marqueur me semble caractéristique. Il s’agit du marqueur conclusif voilà quoi qui souligne, en général, la fin d’un énoncé ou de l’unité d’un énoncé, exprime que l’énonciateur ne souhaite rien ajouter, et sert à clore une argumentation (Hölker, 1985). Dans le contexte scout, ce marqueur est généralement employé lorsque les arguments viennent à manquer, comme par exemple dans l’extrait suivant où Alexandre ne sait pas comment expliquer le fait qu’ils ne portent pas d’uniforme :

Extrait n°3 (16-5-2003 : l. 1707-1708) :

1 Al: normalement on est en uniforme mais euh mais voilà quoi
2 M : mais voilà quoi

Il faut d’abord souligner que, une fois de plus, le marqueur d’opposition mais est employé. Mais, contrairement aux exemples cités plus haut, le marqueur a beau annoncer un contre-argument qui expliquerait le fait que les scouts ne sont pas en uniforme, aucun argument ne suit. En revanche, le marqueur d’hésitation euh indique qu’Alexandre n’a pas d’explication et, par conséquent, il termine son énoncé par le marqueur conclusif voilà quoi. Celui-ci lui permet de renoncer à argumenter. En résumé, le marqueur ne clôt pas seulement l’argumentation, mais il remplace l’argument contextuel. La réaction de Maxime qui s’amuse à répéter les marqueurs discursifs terminant l’énoncé précédent met en évidence le manque d’argumentation réelle.