D’autres phénomènes

L’argument scout

Le moyen le plus direct de persuader un interlocuteur est certainement de recourir à des arguments convaincants. Bien que le contenu persuasif change selon le contexte, la plupart des arguments échangés pendant les réunions scoutes se réfèrent au scoutisme. Lors de l’analyse de l’introduction d’un sujet nous avons déjà observé que l’argument scout, au sens où un sujet est « plus scout » qu’un autre, peut être utilisé afin de décider d’un sujet de conversation.

De façon similaire, les allusions aux événements vécus avec les scouts peuvent servir d’argument dans une situation de persuasion. Dans l’extrait suivant, les garçons se demandent combien de bouteilles de vin il faut prévoir pour le concu :

Extrait n°1 (16-5-2003 : l. 3753-3755) :

1 M : une bouteille
2 Al : ça suffit
3 M : l’année dernière on en avait pris deux avec Pépé (.) avec Pépé on en avait pris deux on avait rempli une d’eau

fin de s’opposer à l’argument d’Alexandre selon lequel une bouteille suffirait (2), Maxime rappelle que l’année précédente ils en avaient pris deux. Son argument s’appuie sur ses expériences scoutes. De plus, son énoncé contient un deuxième argument : « avec Pépé », surnom d’un chef de troupe. Toujours dans le contexte scout, l’argument des chefs pèse dans la discussion :

Extrait n°2 (11-10-2003 : l. 1182) :

1 M : non mais le truc c’est que en fait les chefs veulent qu’on on va faire une fps en troupe

Maxime s’appuie sur le fait qu’il suffit de communiquer l’avis des chefs, auquel il est inutile de s’opposer. La construction de son énoncé souligne le poids de cet argument : l’énoncé est introduit par les marqueurs d’opposition (non mais), puis comme Maxime ne trouve pas les mots pour formuler son argumentation, il reprend trois fois sa construction : « le truc/ c’est que/ en fait » ; puis, il trouve l’argument pertinent : « les chefs veulent ». Il n’arrive pourtant pas à introduire ce syntagme dans la syntaxe, et commence, par conséquent, un nouveau syntagme « on va faire une fps en troupe ». Une interprétation possible du changement de construction serait de dire qu’il évite une construction irrégulière du subjonctif ; mais on pourrait aussi bien argumenter en disant que l’emploi de l’indicatif « on va faire une fps » présente un fait décidé et pèse donc plus comme argument qu’une exigence des chefs. Il est évidemment sous-entendu qu’un souhait des chefs est une chose décidée. Mais malgré ce changement de construction, le contenu s’appuie toujours sur son argument principal : l’avis des chefs de troupe, car ce sont eux qui représentent et décident ce qui est « scout ».