Donner des leçons

Son style se caractérise entre autres par ses explications. Les données témoignent de plusieurs énoncés qui sont introduits par la formule « je t’explique ». Maxime l’utilise aussi, par exemple, dans un contexte où il explique au nouveau cuistot comment il doit procéder pour acheter la nourriture pour le week-end de patrouille. Afin de comprendre la particularité de son énoncé, il faut savoir qu’il est prononcé après plusieurs interventions d’autres scouts censées donner de bons conseils. Le marqueur « non mais » par lequel Maxime introduit son énoncé exprime qu’il souhaite mettre fin à cet échange par son initiative :

Extrait n°1 (27-2-2004 : l. 686) :

1 M : non mais je t’explique trente t’as trente balles par personne par jour donc pour un week-end

La formulation explicite « je t’explique » n’attire pas seulement l’attention sur l’acte de langage mais en même temps sur les rôles : elle accorde à l’interlocuteur le rôle de l’élève et à Maxime celui de l’éducateur, connaisseur du système. Il est d’ailleurs intéressant que cette formule soit employée plusieurs fois, également par d’autres membres de la patrouille. Comme Maxime, certains scouts semblent ressentir le besoin d’exprimer leur supériorité par rapport à d’autres :

Extrait n°2 (8-11-2002 : l. 49) :

1 X : je t’explique moi Maxime et Alexandre on va nous faire pomper mais vous vous avez pas le droit de nous faire pomper

Grâce à son contexte, cet énoncé montre très clairement l’envie de l’énonciateur de manifester sa supériorité. Etant donné le système hiérarchique il n’est pas étonnant que les scouts jouent sur leur rang. La formulation explicite « je t’explique » s’y prête très bien. En conséquence, le chef-idéologue l’emploie aussi.

Mais Maxime connaît d’autres façons de donner des leçons. Comme il est plus âgé et plus expérimenté que la plupart des autres membres de la patrouille, il aime parler de ses expériences. Le récit dans lequel il raconte à un jeune scout ses expériences de raid montre comment il arrive à donner des leçons de façon implicite.

Extrait n°3 (27-2-2004 : l. 2621) :

1 M : et les XX qu’on avait trois mille mètres carrés pour (.) il y avait personne et puis le mec il nous a filé les clés comme ça/ on vous demande on vous demande juste de laisser propre (.) et de remettre les clés dans la boîte aux lettres (.) on avait trois mille mètres carrés on pouvait XX XXX on pouvait se balader quoi XX déjà y avait y avait y avait dix dortoirs quasiment avec des lits y avait des draps sur les lits/ on avait pas dormi dans les lits on avait dormi dans les lits qu’avec nos sacs de couchage parce que c’était chiant quoi on voulait pas XX les lits quoi

Maxime décrit l’endroit et leur situation : il emploie le sujet indéfini on qui désigne la patrouille, les verbes à l’imparfait, et cite les paroles au style direct. Mais son récit est plus qu’une description de leur hébergement pendant le raid. L’énonciateur met l’accent sur leur comportement et l’explique : bien qu’il y ait eu des lits, les scouts ne s’en sont pas servis par respect pour leur hôte. Son récit a alors un double objectif pédagogique : Maxime explique à celui qui n’est jamais parti en raid comment cette activité scoute peut se dérouler, et en même temps, il lui apprend implicitement une règle de comportement.

Un peu plus tard pendant la même réunion, Maxime continue à expliquer le déroulement et l’importance du raid à ce même jeune scout. Cette fois-ci, son énoncé est très explicite ; en s’adressant à cette personne, ses explications prennent la forme de véritables instructions. Maxime essaie de faire comprendre au jeune membre de sa patrouille le sens du raid :

Extrait n°4 (27-2-2004 : l. 2702) :

1 M : et puis tu vas être dans un entourage le raid c’est un moment tu te retiens un peu et tu réfléchis un peu par rapport à toi XX la décision vraiment tu penses un peu à ta vie de scout quoi

Comment Maxime arrive-t-il à faire passer ce message plutôt abstrait et difficile pour un jeune de 13 ans ? D’abord, il s’adresse directement à son interlocuteur. Tous les pronoms, sujet, objet et possessif sont à la deuxième personne du singulier ; ainsi il lui fait comprendre que c’est lui personnellement qui est concerné. Le triple emploi du marqueur « un peu » est intéressant ; il évite que l’énoncé prenne un caractère trop autoritaire. En revanche, le style reste éducateur dans la mesure où Maxime indique au jeune scout ce qui l’attendra lors de son raid.