Refuser des propositions

Un autre trait du comportement de Maxime qui contribue à forger ce style est la façon dont il refuse des propositions et rejette certaines initiatives. Comme nous l’avons déjà vu lors de l’analyse de son comportement en tant que CP, Maxime s’oppose à une vente de gâteaux par la patrouille.197 Au lieu de reprendre tout le contexte, je me contente ici d’analyser un seul énoncé qui suffit à prouver que Maxime se sent autorisé à prendre des décisions au nom de la patrouille :

Extrait n°5 (11-10-2003 : l. 9) :

1 M : non il y aura pas de vente de gâteaux dans la patrouille on est pas fan (.) c’est pas notre truc

Maxime ne laisse aucun doute sur son refus ; la structure parallèle à la fin de l’énoncé « on est pas fan (.) c’est pas notre truc » souligne sa détermination et sa fermeté. Mais surtout, il définit le goût de la patrouille d’une manière autoritaire en utilisant le pronom neutre on ou le pronom possessif de la première personne du pluriel. L’emploi du futur renforce cet effet, car Maxime décide seul ce qui se fera et ce qui ne se fera pas à l’avenir.

Le rejet des initiatives peut prendre un caractère encore plus offensif et cassant. Le contexte de l’extrait est le suivant : les autres scouts viennent d’évoquer d’éventuels vols qui se sont produits, apparemment, lors du dernier camp d’été. La réaction de Maxime ressemble presque à une menace :

Extrait n°6 (11-10-2003 : l. 907) :

1 M : non mais franchement s’il y a des blaireaux qui font ça (.) ça se ça passera vraiment pas bien

En appelant les autres des « blaireaux », Maxime discrédite les scouts en question et met une distance entre eux et ceux qui respectent le règlement scout. Ensuite, il emploie une forme de futur au ton menaçant. Ici, son style devient même autoritaire.

Pour finir l’analyse de ce profil interactionnel, j’aimerais attirer l’attention sur une formulation employée par Maxime afin de rejeter des initiatives. Comme elle est répétée à plusieurs reprises (six fois pendant la réunion en février 2004), nous pouvons lui accorder un statut de routine langagière.198 Le syntagme dont il est question est « t’as raison ». Il n’est employé que de façon ironique : Maxime met en cause la proposition qu’un scout vient de faire et brise ainsi une initiative. Par exemple, Maxime le prononce afin de rejeter une fois de plus le projet de la vente de gâteaux :

Extrait n°7 (27-2-2004 : l. 1672) :

1 M : t’as raison tu sais (.) non vous ferez vous vendrez des ventes de gâteaux quand vous voudrez l’année prochaine

Comme le syntagme exprime de l’ironie, il permet à Maxime de souligner l’absurdité apparente de la proposition et d’assurer ainsi sa propre supériorité. Maxime décide qui a raison et qui a tort, et par conséquent, c’est lui qui incarne l’instance suprême. Son style éducateur peut alors prendre un caractère autoritaire.

Afin de synthétiser les analyses de ce sous-chapitre, je propose le tableau suivant qui récapitule les types de style et leurs manifestations linguistiques et interactionnelles qui me permettent de parler d’un chef-idéologue. Selon le concept de profil interactionnel, le tableau tient également compte de l’influence d’autres éléments qui contribuent au style du locuteur focalisé.

Le chef-idéologue
Types de style Manifestations linguistiques et interactionnelles Influence d’autres éléments
Style motivé le taux de participation le plus important
l’initiative pour introduire des sujets (scouts)
CP hésitant
Style scout faire des allusions au scoutisme dans n’importe quel contexte par syntagme ou comparaison
formules scoutes
le cadre scout
Style éducateur les activités discursives comme donner des leçons et refuser des propositions
des formulations comme je t’explique, t’as raison
l’emploi du pronom personnel de la 1ère personne du pluriel (nous/ notre) et du pronom indéfini (on)
appeler d’autres scouts comme des blaireaux
les autres scouts manquent d’expérience
les autres scouts se montrent peu motivés
Notes
197.

Voir ce chapitre 6, Encourager les scouts à faire des propositions.

198.

Voir chapitre1, Les routines langagières.