Introduire un sujet

Comme les réunions scoutes ne sont pas guidées par la résolution de problèmes thématiques précis, les sujets de discussion sont ceux qui préoccupent les garçons. Par conséquent, les activités discursives consistant à introduire des sujets et à faire une proposition sont les plus caractéristiques des réunions scoutes.

L’importance de l’activité introduire un sujet s’explique par trois raisons principales : premièrement, en l’absence d’ordre du jour, les scouts sont obligés de trouver et d’établir une structure pour leurs réunions ; deuxièmement, cette activité répond au besoin de négocier le contenu de leur rencontre ; et troisièmement, elle constitue le défi pour chaque membre du groupe de se faire entendre et d’imposer son sujet.

En principe, tous les sujets qui correspondent aux intérêts communs des garçons sont acceptés. Il dépend entièrement du groupe de tolérer ou de refuser un sujet de discussion. Le choix de sujets dont témoignent les données montre que les garçons veillent à ce que le taux des sujets jugés trop éloignés du scoutisme ne l’emporte pas sur celui des sujets liés au scoutisme. D’un autre côté, la fréquence avec laquelle les garçons évoquent divers contenus tels que le football ou la musique souligne le caractère peu rigoureux de leurs réunions et le fait qu’ils décident eux-mêmes du contenu.

La majorité des exemples d’énoncés visant à introduire un sujet contient un nombre important de moyens linguistiques, surtout morpho-syntaxiques, qui indiquent et soulignent l’intention. Néanmoins, il est possible de changer de sujet sans marqueurs de transition quelconques. Cela est intéressant, car le passage non marqué d’un sujet à un autre témoigne de l’histoire commune des garçons qui influe sur leurs interactions.

L’introduction d’un sujet est également liée à la négociation des relations interpersonnelles au sein du groupe. Par exemple, lorsqu’un locuteur introduit un sujet qui n’intéresse pas les autres membres du groupe, il se voit exclu. Dans ce contexte, le poste du CP a aussi des conséquences : d’un côté, le CP peut se croire privilégié et revendiquer pour lui le droit de décider le contenu de la discussion ; de l’autre, au moment où les sujets de discussion viennent à manquer, les autres scouts peuvent réclamer que leur chef introduise un sujet. Ce double aspect souligne l’observation selon laquelle un statut supérieur résulte aussi bien du comportement du locuteur en question que de celui de ses interlocuteurs qui lui imposent ce rôle.

A l’inverse du CP qui jouit d’un respect particulier, les membres les plus jeunes connaissent des difficultés pour intervenir et se faire entendre par la patrouille. Afin d’attirer l’attention des autres et de s’imposer, ils ont recours à des moyens langagiers, surtout prosodiques et méta-discursifs. A cet égard, leurs énoncés se distinguent de ceux des supérieurs ou des membres plus anciens qui, eux, n’ont pas besoin de ces moyens pour se faire entendre. En conclusion, introduire un sujet est une activité essentielle qui domine les réunions scoutes car elle permet la négociation de la place dans le groupe et, en même temps, elle contribue à la structuration contextuelle de la réunion.