Première partie. L’objet technique comme objet de recherche

Notre recherche a débuté par la constitution d’un état de l’art de la technique en sociologie pour appréhender les questions qui restaient ouvertes dans ce champ de recherche. Après cet état des lieux, nous avons choisi une de ces questions et notre travail a consisté à y apporter une réponse. En effet, on peut présenter les sociologies contemporaines qui traitent de la technique autour d’un débat qui oppose les partisans d’une co-construction et ceux d’une co-influence entre technique et société. A partir de notre travail de terrain et de notre réflexion théorique, nous en sommes venu à formuler une hypothèse : des éléments de ces deux courants peuvent coexister dans la réalité observée. Notre travail visera à construire un modèle permettant d’en rendre compte en combinant les apports des sociologues issus de ces deux courants.

J.C. Rabier propose de distinguer cinq niveaux dans une enquête sociologique, du plus théorique au plus concret. Le premier niveau correspond à l’approche théorique du sujet. Il s’agit de faire un point sur la manière dont la question est traitée en sociologie. Le deuxième niveau est l’opérationnalisation de la problématique. Il ne s’agit pas encore de relier l’analyse théorique au terrain mais de créer une étape intermédiaire qui montre l’intérêt pratique de la problématique. Il faut formuler la thèse centrale du travail de recherche et les hypothèses qu’il s’agira de valider ou d’infirmer. Le troisième niveau concerne le choix de concepts opérationnels, c’est-à-dire des outils qui serviront à l’analyse et qui permettront de rendre compte des phénomènes observés. Le quatrième niveau consiste dans le choix d’un cas concret, ici, l’étude des transferts de techniques. Enfin, le cinquième niveau correspond au terrain lui-même, dans notre recherche, le cas du transfert du moteur dCi 11 entre Renault Trucks et Dongfeng Limited.

Au début de notre travail de thèse, nous avons avancé en parallèle les niveaux un et cinq de manière assez indépendante. Il s’agissait d’un côté de faire l’état de l’art, c’est-à-dire le point sur la manière dont les objets techniques avaient été abordés en sociologie. De l’autre côté, il s’agissait de mettre en place une enquête exploratoire pour éviter d’imposer une problématique au terrain. Au fur et à mesure que nous avancions dans notre travail, nous avons essayé de relier ces deux niveaux en travaillant d’abord sur les niveaux deux et quatre puis sur le niveau trois. La présentation que nous ferons dans cette thèse ne reprendra pas l’ordre dans lequel nous avons approché ces différentes étapes qui sont toutes le fruit de nombreux allers-retours. Dans cette présentation, nous distinguerons donc les niveaux par souci de clarté mais dans le travail de recherche, ils ont été fortement entremêlés.

Dans un premier chapitre, nous présenterons dans un premier temps un état de l’art de la question de la technique en sociologie. Dans un second temps, nous construirons une typologie des courants ayant traité de la question des techniques qui nous permettra d’exposer dans une deuxième partie quelles sont les questions laissées ouvertes. Enfin, dans un troisième temps, nous présenterons la question que nous avons décidée de traiter et qui constitue notre problématique.

Dans un deuxième chapitre, nous aborderons notre méthodologie. Nous justifierons, tout d’abord, le choix de notre terrain vis-à-vis de notre problématique. Dans un second temps, nous présenterons les principes qui ont guidés notre démarche. Dans un troisième temps, nous exposerons la méthode utilisée pour conduire notre recherche en pratique. Enfin, en conclusion, nous reviendrons sur les problèmes transversaux à l’ensemble de nos terrains que nous avons rencontrés.

Le troisième chapitre sera consacré à l’exposé de la construction de notre thèse. Dans un premier temps, nous présenterons alors les réponses possibles à notre problématique qui constituent nos hypothèses. Finalement, dans un second temps, nous justifierons le choix de la thèse retenue.