1. De l’objet en soi à l’objet au monde

Pour définir un terme, il est possible de procéder en distinguant ses multiples sens. Usuellement, l’objet peut être à la fois une chose, une personne ou une finalité. Généralement, il est défini en opposition au sujet. Ainsi, pour R. Descartes, l’objet est une chose concrète en dehors des êtres pensants.

J. Monod6 distingue les objets naturels et les objets artificiels ou artefacts. L’objet naturel relève de la nature, c’est-à-dire qu’il existe à l’état brut. Les artefacts sont le produit de l’activité d’un être vivant. Ils requièrent donc un art de faire et sont singularisés par l’intervention intentionnelle de l’homme. Pour Monod, les artefacts peuvent être « immatériels », lorsque leur technicité n’est pas permanente ou « matériels » dans le cas contraire. Il prend comme exemple d’artefacts immatériels les créatures artificielles dont la technicité disparaît aussitôt qu’elles ont été créées parce qu’elles deviennent des êtres vivants. Néanmoins, aujourd’hui, les termes « matériel » et « immatériel » peuvent prêter à confusion. Quand il utilise la notion d’objet « immatériel », Monod ne désigne pas les objets techniques « virtuels », comme les programmes informatiques. Au sens de Monod, les objets techniques « virtuels » sont des artefacts « matériels ». Enfin, les artefacts matériels peuvent être soit des « objets au monde », soit des « objets en soi ». Les objets au monde sont créés avec une fonction spécifique alors que les objets en soi sont créés pour exister en tant que tels, sans qu’ils participent à un projet impliquant des humains ou d’autres objets. Un objet au cours de son histoire peut être objet en soi puis objet au monde ou l’inverse (par exemples les objets techniques réutilisés dans des œuvres d’art) et peut être composé de dimensions uniquement liées à son utilité et d’autres détachées de sa fonction. La différence entre objet « en soi » et « au monde » repose sur l’aspect de l’objet que l’on met en avant. Ainsi, pour l’objet au monde, c’est la finalité qui est mise en avant et donc sa technicité. J. Monod permet de mieux comprendre la diversité des réalités qui sont regroupées derrière le terme d’objet et nous réutiliserons son apport lorsque nous définirons, en conclusion de cette partie, la manière dont nous entendons utiliser les termes.

Notes
6.

MONOD J., Le hasard et la nécessité, Le Seuil, 1970.