4.1. Les études de l’innovation technique

T. Hughes84 introduit un changement majeur en montrant la réciprocité des liens entre technique et social. Si le social construit bien la technique, à l’inverse la technique construit également le social.

Il travaille sur le rôle des inventeurs en montrant que leurs inventions ne découlent pas d’idées géniales mais d’un long processus créatif au travers duquel on assiste à l’amélioration continue des techniques existantes, avec un rôle important de l’apprentissage par la fabrication et par l’usage. Les techniques existantes conditionnent l’émergence des nouvelles techniques, mais il n’y a pas d’autonomie de la technique et l’on ne peut donc pas déduire de trajectoire technique, ni de nécessité interne à la technique. Les inventions ne sont pas non plus le fruit du hasard et le système technique oriente à la fois la technique produite et le problème à résoudre.

Il utilise le terme système technique dans un sens différent de celui de B. Gille. Pour T. Hughes, s’il existe des systèmes, c’est que les inventeurs organisent une relation de continuité entre certaines techniques. Il définit donc deux concepts : le « front de développement » et le « saillant reverse ». Le premier correspond à un accord entre les inventeurs sur les limites des systèmes techniques qu’ils construisent. Le second renvoie à l’endroit dans la ligne de développement où il y a le plus de résistance et sur lequel la technologie concentre ses efforts. Il ne s’agit pas d’un déterminisme technologique car si les « saillants reverses » posent problème, c’est que les inventeurs veulent aller dans une direction donnée. Ces objectifs sont souvent liés à la concurrence économique.

Sa théorie repose sur une étude du travail d’Edison. Ce dernier n'est pas seulement un penseur, c’est également un ingénieur qui utilise et développe ses inventions. Sa méthode pour approcher les problèmes est systématique, synthétisant l'économique, le technologique et le scientifique. Il intègre ses inventions dans un système qui est directement utilisable par ses clients. En 1878, il annonce qu'il a créé un système qui pourrait permettre d'amener l'électricité dans les maisons privées. A cette époque, il lui manque des éléments techniques de ce système (il n’a ni générateur, ni système de distribution ni lampe à incandescence) mais il a « le bon principe ». La première étape est donc une intuition, puis surviennent les difficultés. Le système d'Edison ne contient pas que des composants techniques mais intègre également des hommes. En ce sens, Edison est donc également un manageur. Deux hommes (Francis Upton et Francis Jehl) lui permettent de faire le lien avec les connaissances scientifiques car l'électricité est l'un des domaines de la technologie principalement développé par les scientifiques. Grosvenor Lowrey était le conseiller d'Edison sur les problèmes économiques et financiers. C'est lui qui a obtenu les fonds de la « Drexel, Morgan and Company » pour Edison. De plus, il a mis en place le lobby politique qui permettra à Edison de décrocher la licence nécessaire au lancement de sa compagnie. Les différents personnages du laboratoire ont donc permis à Edison de créer un système cohérent autour d'un changement technique. Les problèmes techniques étaient nombreux, il fallait inventer un générateur, des dynamos, des conducteurs de courant souterrains et des lampes incandescentes en grandes quantités.

Edison résolvait donc les problèmes techniques sur plusieurs niveaux, de manière systématique et intégrée : il ne concevait pas les aspects technologiques, scientifiques et économiques comme séparés. Les calculs économiques et les savoirs scientifiques faisaient autant partie des inventions d'Edison que les inventions proprement technologiques résultant d’un long processus de recherches et d'essais.

T. Hughes prend comme exemple l'invention de la lampe à incandescence. A l'origine du raisonnement, on trouve un calcul économique : la volonté de concurrencer le gaz. Il en déduit une nécessité : pour que le système soit viable, il faut réduire la consommation d'énergie. Puis vient une déduction logique liée à des lois scientifiques : il combine les lois de Joule et d'Ohm et trouve qu'un filament hautement résistant peut permettre de réaliser l'économie désirée. La découverte technique du filament n'aurait pas été possible si le problème n'avait pas été auparavant défini économiquement et scientifiquement. De plus, l’invention ne s’achève pas avec cette déduction scientifique mais nécessite également un long processus d'essais de différents matériaux pour trouver celui qui aura les bonnes caractéristiques physiques.

Cette théorie que nous avons placée dans le courant de la co-construction est étonnement proche des théories développées dans le cadre de la co-influence. Pour cet auteur, une partie de la découverte reste asociale puisque liée à des lois scientifiques. Les différences avec la co-influence, qui font que la théorie de T. Hughes relève d’une théorie de la co-construction, est que dans sa théorie, la part purement « a-sociale » de l’invention est réduite : il s’agit juste de la déduction logique, construite dans la cas d’Edison selon un savoir scientifique. Sur cette base, il refuse de distinguer, comme B. Gille, l’invention de sa diffusion ou de la définition qui est faite de son contexte d’émergence car il considère que ces moments jouent un rôle clé dans ce que sera l’objet technique réalisé. S’il reconnaît une importance à une logique technique, celle-ci n’est pas différenciable d’autres domaines comme le social. La réalité constitue ce qu’il appelle le « tissu sans couture », c’est-à-dire un hybride qui allie différents domaines dans un tout dont les parties ne peuvent pas être rattachées spécifiquement à un domaine. Là où le constructivisme décrivait une logique sociale transposée sans modification dans une technique qui ne faisait que transférer cette logique, dans la théorie de T. Hughes, principes techniques et logiques sociales sont entremêlés et ne peuvent être différenciés.

A partir de cette étude fondatrice de T. Hughes, deux théories ont été construites pour mettre en avant la co-construction de la technique et du social. La première est centrée sur les Pays-Bas, autour des travaux de W. Bijker, qui a fait évoluer le programme SCOT pour prendre en compte la réciprocité des liens entre technique et société. La seconde est appelé sociologie de l’innovation en France mais est connue au niveau international sous le nom de théorie de l’acteur-réseau (ANT : actor network theory). Elle a été créée en France, à l’école des mines de Paris autour des travaux de M. Callon et B. Latour. C’est la théorie la plus extrême de ce courant et elle ne va pas sans créer des controverses au sein même des partisans des approches de la co-construction. Néanmoins, certains aspects de ces théories apportent des contributions importantes pour tout questionnement sur la technique.

W. Bijker85 a apporté une évolution au programme de recherche SCOT en le transformant en SCOT/TCOS (Social Construction Of Technological System/Technical Construction Of Society) pour montrer la réciprocité des liens entre technique et société. Il garde le concept de « flexibilité interprétative » et de « mécanisme de fermeture » et ajoute celui « d’ossature technologique ». Il s’agit pour Bijker de dépasser la notion de style technologique qui est mobilisée pour expliquer les différences dans le développement technique entre les pays.

L’ossature technologique est un ensemble composé des concepts et des techniques employés par un groupe pour la résolution d’un problème technique. Cette ossature contribue à définir le problème et les exigences de ce qui constituera une « bonne » solution. L’ossature est composée de concepts, de techniques mais également de critères de choix, de manières habituelles de faire qui sont également soumises à la flexibilité interprétative. Les ossatures technologiques existent entre les individus, c’est-à-dire dans leurs interactions, et sont donc sujettes à transformation. Il existe toujours plusieurs ossatures technologiques, mais elles ne sont pas nécessairement connues ou disponibles pour les acteurs. Le lien entre une ossature et un acteur technologique n’empêche pas que ce dernier conserve une marge de liberté qui varie en fonction du niveau d’intégration de l’acteur dans l’ossature. De plus, les acteurs peuvent être liés à plusieurs ossatures. Les mécanismes de fermeture servent à renforcer ce lien avec une ossature et donc à sélectionner l’une ou l’autre des ossatures technologiques dans les controverses.

L’application la plus poussée de cette logique en France est constituée par la sociologie de l’innovation (également appelée sociologie de la traduction) de M. Callon et B. Latour.

Cette sociologie, originellement forgée autour de l’étude de la science, s’est surtout intéressée aux mécanismes d’innovation et à ses enjeux. Comme le SCOT, cette théorie est construite en opposition au programme « fort » de D. Bloor sur l’explication par le macro-social.

M. Callon et B. Latour ont souvent été accusés d’être relativistes. Dans un article consacré à « l’affaire Sokal86 », M. Callon s’en défend en montrant que la sociologie de l’innovation ne dit pas si la science et la technique sont ou non des savoirs universels. Son objet étant les subjectivités, ce qui l’intéresse est que certains pensent qu’un énoncé est universel alors que d’autres ne le pensent pas. En effet, M. Callon et B. Latour placent l’acteur et son discours au centre de leur analyse. Le travail du sociologue est alors seulement de rendre compte de ce que les individus disent. C’est à l’acteur que revient de définir les limites du terrain de l’enquête. Leur approche ethnographique n’interroge pas la correspondance entre le monde réel et les énoncés ou les projets techniques mais posent la question de savoir comment on arrive dans la pratique à ces énoncés ou, dans le cas des techniques, comment on passe d’un projet à un objet fini.

Concernant les techniques, ils soutiennent que les projets techniques n’ont pas de valeur intrinsèque avant d’être réalisés : ils ne valent que dans la mesure où ils sont soutenus par un réseau, c’est-à-dire qu’un ensemble d’acteurs s’accorde sur la nécessité de ce projet. Ils traitent donc les projets techniques comme des fictions. Il existe plusieurs façons de voir un même projet, de même qu’il existe plusieurs façons de présenter le contexte. Les projets techniques ne sont donc pas réalisés parce qu’ils sont des réponses « géniales » à un problème mais parce que les acteurs arrivent à définir le contexte et les intérêts de tout un groupe (qui forme alors un réseau) de telle sorte que leur projet soit un passage obligé pour ce qu’ils définissent comme les problèmes.

M. Callon et B. Latour refusent le modèle linéaire de diffusion des innovations. Ils proposent un modèle tourbillonnaire : les innovations ne peuvent s’imposer que dans la mesure où elles sont intégrées par un travail de traduction dans un réseau composé d’acteurs et d’actants (non-humain). En quelque sorte, l’innovation est pour eux un processus constant de ré-invention de l’idée originelle. Les auteurs décrivent six phases nécessaires à la création d’un réseau.

  • La première phase est la contextualisation. C’est l’étape la plus importante, elle est à la base de la création d’un réseau. Dans un premier temps, il faut dresser la liste des acteurs et actants importants pour le projet et de leurs enjeux. Puis, dans un second temps, il s’agit de définir le projet technique et ses enjeux de façon à ce que, le projet constitue la solution idéale aux problèmes de tous les membres du réseau. Il se livre donc, autour des innovations, une véritable « guerre des interprétations » où chacun cherche à imposer son projet.
  • La seconde phase est la traduction. Il s’agit de trouver un langage recevable par tous les acteurs en mettant au second plan le résultat au profit de la construction commune. La traduction est une trahison, chaque acteur devant abandonner son idée du projet dans cette négociation pour le faire aboutir. Le travail d’intéressement au projet passe donc par la construction de chaîne de traductions pour montrer au plus grand nombre d’acteurs possible qu’il est dans leur intérêt de participer au projet.
  • Pendant la troisième phase, il faut réaliser l’enrôlement des acteurs. Il s’agit de donner un « rôle » à l’ensemble des acteurs dans le projet pour que chacun se sente coproducteur.
  • La quatrième phase est la définition des porte-parole. Ces derniers doivent être reconnus comme légitimes par l’ensemble des acteurs. Ils doivent représenter un ensemble homogène d’acteurs pour que chacun sente que ses intérêts sont considérés dans les négociations.
  • Pendant la cinquième phase, il s’agit de produire des intermédiaires, c’est-à-dire des investissements de forme qui sont constitués de tout ce qui peut faire un lien entre les acteurs. En effet, pour M. Callon et B. Latour, les acteurs sont à géométrie variable, c’est-à-dire que leur engagement dans un projet peut se modifier dans le temps. Pour donner une chance de survie au projet, il faut donc essayer de « solidifier » le réseau par tout un ensemble de moyen dont le plus emblématique est le contrat.
  • Enfin la dernière phase est consacrée à la solidification en prolongeant le réseau. C’est également un moyen d’engager les acteurs en faisant en sorte qu’ils mobilisent leurs instances supérieures.

Ces différentes phases ne sont ni chronologiques ni linéaires. Ainsi, il faut souvent recommencer la contextualisation en fonction de l’évolution des circonstances (et de la manière dont elles sont perçues), des différentes géométries du réseau sociotechnique… Les phases peuvent être inversées ou coexister.

Avec la construction de l’objet, le projet s’objective et les acteurs sont obligés de se mettre d’accord sur la définition du projet. Le seul moyen d’augmenter la réalité d’un projet est le compromis sociotechnique, c’est-à-dire qui mêle des hommes, des idées et des machines. Les réseaux sont donc des hybrides sociotechniques car ils rassemblent des objets et des hommes, que M. Callon et B. Latour nomment les actants et les acteurs.

Les théories de B. Latour et M. Callon sur la technique reposent originellement sur deux études : le cas d’ARAMIS et celui des coquilles Saint-Jacques dans la baie de Saint-Brieuc.

Cette dernière enquête porte sur la disparition des coquilles Saint-Jacques dans la baie de Saint-Brieuc87. Les auteurs montrent comment le succès de l’opération visant à renverser la tendance est passé par la constitution d’un véritable réseau permettant la traduction entre les différentes logiques des acteurs présents autour de la coquille Saint-Jacques. Chaque acteur a été impliqué dans le projet en lui donnant un rôle et en créant des porte-parole représentatifs. M. Callon montre également la nécessité de solidifier le réseau (dans ce cas un laboratoire est créé) et d’utiliser des moyens de diffusion des résultats.

Dans l’enquête menée par B. Latour88, le but est d’étudier les raisons de l’échec d’un projet de métro (ARAMIS signifie Agencement en Rames Automatisées de Modules Indépendants dans les Stations), né en 1969 et définitivement abandonné en 1987, après avoir déjà été abandonné puis relancé à deux reprises. L’auteur montre que le succès des innovations ne repose pas sur leurs qualités intrinsèques, mais sur le fait d’être intégrées dans un réseau d’acteurs et d’actants non humains (les objets mais également le marché). En conclusion, l’auteur accuse l’ensemble des acteurs réunis autour d’ARAMIS d’être responsable de sa « mort » car ils croyaient en la valeur intrinsèque du projet et ne l’ont pas assez soutenu. Pour B. Latour, il aurait fallu faire des efforts supplémentaires de traduction et de problématisation du contexte et du projet pour intéresser les acteurs au projet en leur montrant qu’ARAMIS était la solution à leurs problèmes.

M. Callon et B. Latour refusent donc le découpage en deux domaines opposés. En effet, ils décrivent le succès d’une innovation au travers de la construction d’un réseau hybride sociotechnique qui regroupe hommes et objets techniques. Il faut ici s’intéresser de plus près à la notion d’actant qui fonde leur idée du rapport entre technique et société. Le terme est emprunté à la linguistique générale. Il désigne l'agent de l'action représenté par un substantif, que celui-ci soit ou non sujet grammatical. L’actant est donc un statut intermédiaire entre objet et acteur, c’est un acteur non-sujet, c’est-à-dire qu’il a un rôle dans l’action sans en être le principal auteur. Ainsi, dans « Aramis ou l’amour des techniques », B. Latour précise que dans un projet, il faut intéresser les hommes et les choses car les objets posent également leurs conditions en permettant ou en interdisant des alliances avec d’autres acteurs ou actants. Selon B. Latour, pour analyser un projet technique, il faut donc établir un « technogramme » qui décrit l’ensemble des intérêts et des attachements des actants. Cette sociologie s’appuie sur une « généralisation » du concept de symétrie, qui avait été défini par D. Bloor. Pour les partisans du programme fort, il s’agissait de traiter sur un pied d’égalité les programmes scientifiques ayant « échoués » et ceux ayant été un « succès ». Pour M. Callon et B. Latour, il s’agit de traiter de la même manière les individus et les objets. En effet, ces auteurs considèrent que les limites entre objets techniques et hommes sont floues. Ainsi, dans le réseau, les hommes et les choses peuvent échanger leurs caractéristiques ou leur place, l’un peut être utilisé à la place de l’autre (par exemple pour Aramis, le conducteur est remplacé par un ordinateur). De plus, comme chaque acteur a un point de vue différent sur le projet technique, celui-ci n’a aucune essence et les projets sont entièrement subjectifs. Par contre, quand l’objet est créé, il y a objectivation des points de vue et il n’y a plus qu’une seule façon de le voir. Ils en viennent ainsi à minimiser le rôle du social dans la construction des objets techniques, ce qui montre qu’aucune théorie ne se situe dans un pôle pur. Ils placent donc la frontière entre objectif/subjectif au moment de la réalisation de l’objet. Le statut d’actant n’a pas manqué de provoquer des critiques même parmi les partisans de l’approche constructiviste. Le débat entre D. Bloor89 et B. Latour90 dans la revue Studies in the History and Philosophy of Science de mars 1999 est resté célèbre. Dans son article, le fondateur du programme « fort » critique l’attribution d’intentionnalités à des « non-humains ».

L’apport de la sociologie de M. Callon et B. Latour est de montrer qu’il existe un lien entre social et technique tel qu’il est possible d’observer des différences de point de vue entre les acteurs sur un même projet. Ils montrent également que ces différences ont des conséquences importantes sur la façon dont le projet sera construit. Il faut donc accorder toute son importance au point de vue des acteurs sur les projets pour ne pas considérer ces derniers comme des objets réels ayant la capacité de s’imposer seul. Néanmoins, ces auteurs vont jusqu’à affirmer que la valeur intrinsèque du projet technique n’a aucune importance. La réussite ou l’échec de ce projet ne dépend alors plus du tout du contenu technique du projet mais seulement de la configuration du réseau d’acteurs qui le soutient.

L’apport de cette théorie est de souligner le travail de problématisation effectué par les acteurs, et leur travail de construction de réseau. Ils montrent que le succès d’un projet n’est pas uniquement dû à ses qualités. Il faut également admettre qu’il existe une réalité objective ayant une valeur intrinsèque (même dans un projet) à partir de laquelle ils construisent leurs interprétations. Il est possible de prendre en compte les discours de l’ensemble des acteurs sans être obligé de dire que certains se trompent ou mentent et sans tomber dans le relativisme.

En ce qui concerne l’invention, nous retiendrons des partisans du co-constructivisme la démonstration de l’existence d’un « tissu sans couture » entre le technique et le social qui semble empêcher de distinguer un domaine physique et un domaine social et décrit la réalité observable comme étant composée d’hybrides sociotechniques. La construction technique du social mise en avant par ces auteurs permet de compléter l’approche constructiviste en montrant la réciprocité des liens entre technique et social. Cette construction passe par la mise en place par les concepteurs de systèmes techniques ou d’ossatures techniques qui sont des manières d’organiser l’ensemble des techniques qui établit des « fronts de développement » et des « revers saillants ». Le concept de traduction permet de rendre compte de la nécessité d’établir des ponts linguistiques entre l’ensemble des participants humains du réseau mais également avec les techniques pour les intégrer dans le réseau portant l’innovation. Il permet de montrer la nécessité de changement de contenu de la technique pour s’adapter au réseau mais également de changement du contenu et de l’étendue du réseau pour l’adapter au technique. Le concept d’actant permet de saisir l’ambiguïté de la place de la technique en pointant qu’elle joue un rôle dans l’action mais ne peut pas en être considérée comme l’acteur. Néanmoins, il nous semble que le terme de volonté de l’objet technique n’est pas le meilleur moyen de rendre compte du rôle que joue l’objet technique dans le réseau.

Notes
84.

HUGHES T., op. cit., 1983.

85.

BIEJKER W., LAW J., op. cit., 1992.

86.

CALLON M., « Défense et illustration des recherches sur la science », dans B. Jourdan (dir.), Impostures scientifiques, les malentendus de l’affaire Sokal, La Découverte, Paris, 1998.

87.

CALLON M., « Éléments pour une sociologie de la traduction : la domestication des coquilles St-Jacques et des marins pêcheurs dans la baie de St. Brieuc », L’Année Sociologique, numéro spécial La sociologie des Sciences et des Techniques, 36, 1986, pp.169-208.

88.

LATOUR B., Aramis ou l’amour des techniques, Ed. la découverte, Paris, 1992.

89.

BLOOR D., « Anti-Latour », S tudies in the History and Philosophy of Sciences, 1999 et BLOOR D., « Reply to Bruno Latour », Studies in the History and Philosophy of Sciences, 1999.

90.

LATOUR B., « For David Bloor ... and Beyond : A reply to David Bloor's Anti-Latour », Studies in the History and Philosophy of Sciences, 1999.