4. … dans le secteur du camion.

Pour réaliser notre recherche, nous avions besoin d’un cas concret d’étude et c’est pourquoi nous avons développé un partenariat avec Renault Trucks qui était en train de créer un projet d’ouverture à l’international avec comme pays cible la Chine. Le projet Chine du constructeur français comportait plusieurs volets. Le premier était purement commercial avec la création d’une filiale du constructeur pour vendre des véhicules importés en Chine. Le second volet était la vente à un groupe chinois, Dongfeng Limited, de la licence d’un moteur dont Renault Trucks allait arrêter la production. Ce second volet était également vu comme la première partie d’une collaboration approfondie entre Renault Trucks et une des filiales de Dongfeng Limited (Dongfeng Liuzhou) qui aurait eu pour objectif la construction de véhicules pour les deux marques en Chine.

L’objet de recherche portait au début de notre travail sur le projet de joint-venture de Renault Trucks et de Dongfeng Liuzhou en raison de la plus grande ampleur de ce troisième volet. A cause des contraintes temporelles de notre travail et du retard pris par le projet de joint-venture, en février 2006, nous avons décidé de réorienter notre étude sur la vente de la licence du moteur dCi 11.

L’étude d’une joint-venture nous aurait permis de mieux voir les interactions entre la partie française et la partie chinoise autour de l’objet technique. Dans le cadre d’une vente de licence, ces interactions sont plus limitées et la carrière du moteur dCi 11 en Chine est plus proche de celle qu’a généralement un objet technique dans ce pays. En quelque sorte, l’étude de la joint-venture nous aurait conduit à distinguer trois niveaux de recherche : la carrière des objets en France chez Renault Trucks, la carrière des objets en Chine chez Dongfeng Limited et la carrière d’un objet spécifiquement créé à partir de technologies issues de France et de Chine dans le cadre de la joint-venture. L’étude d’une vente de licence simplifie l’analyse en mettant directement en parallèle la carrière d’un même objet technique dans les deux pays. Nous avons alors décidé d’étudier la carrière de cet objet dans deux contextes. Nous avons comparé son innovation, sa fabrication, sa vente, son utilisation et sa maintenance/réparation en Europe avec l’adaptation qu’en a réalisé Dongfeng, sa fabrication, sa vente, son utilisation et sa maintenance/réparation en Chine.

Le parallélisme des deux carrières est à nuancer à deux niveaux. Le premier niveau est que Renault Trucks est intervenu pour former les employés de Dongfeng Limited. Ce constat ne nuit pas à notre projet. En effet, un objet technique n’est jamais indépendant d’une technique de production et nous pouvons faire l’hypothèse que cette méthode de production sera elle-même adaptée par les ouvriers chinois. L’étude de cette adaptation devra être utilisée pour comprendre les mécanismes de transfert. Le deuxième point est que le constructeur chinois n’a pas réalisé à proprement parler d’invention. Cet aspect n’est pas non plus problématique dans le cadre de notre enquête puisque le groupe chinois a réalisé une adaptation du moteur qui peut être comparée avec l’invention en France, la différence entre les deux processus étant plus une différence de degré que de nature de la recherche. En effet, dans les deux cas le processus a été de conduire un assemblage de solutions techniques déjà connues et éprouvées. En France, seul l’ensemble technique (au sens de B. Gille118) d’injection a été développé dans le cadre d’une recherche avancée c’est-à-dire que les solutions techniques utilisées n’existaient pas auparavant. Dès lors, en Chine, l’adaptation du moteur a suivi les mêmes étapes que lors de son invention, les différences résidant essentiellement sur l’échelle des recherches menées.

Notes
118.

GILLE B., op. cit., 1978.