3. La phase de recherche

A partir de la deuxième moitié de la deuxième année, nous avons conduit la phase de recherche selon la méthodologie mise en place pendant la phase exploratoire.

En ce qui concerne l’étape de l’innovation, nous avons mené une série d’entretiens en France avec au moins un représentant de tous les métiers impliqués dans l’équipe responsable du développement ainsi qu’avec les principaux membres de la direction de l’équipe. Ainsi, nous avons effectué des entretiens avec le chef de projet, le chef de projet pour la partie recherche et développement, un dessinateur, des concepteurs spécialistes des principaux éléments du moteur (mécanique, performance, combustion, injection, aérodynamique) ainsi que les principaux responsables de la recherche avancée en ce qui concerne l’ensemble technique d'injection dans le cadre de Renault Véhicules Industriels129 puis en partenariat avec deux équipementiers spécialisés dans le domaine de l’injection : Nippon Denso et Robert Bosch. En ce qui concerne les autres métiers, nous avons rencontré les représentants dans l’équipe des achats, de la qualité et de la fabrication. Cette série d’entretiens nous a permis de reconstruire un parcours long (le développement a duré huit ans) et complexe. L’étape de l’innovation chez Dongfeng Limited a été plus difficile d’accès. Nous avons rencontré le chef de projet et le représentant des études deux fois chacun. Dans un premier temps, nous n’avons pas eu l’autorisation de rencontrer d’autres membres du projet mais nous avons finalement pu rencontrer le représentant de la direction vente dans l’équipe projet ainsi que le responsable de la phase maintenance du projet. Pour compenser ce déséquilibre d’information, nous avions étudié la documentation produite par le groupe chinois pour le passage des différentes étapes de leur procédure de développement produit. Nous avons également conduit des entretiens avec les employés de Renault Trucks chargés de l’assistance à Dongfeng Limited. Nous avons ainsi rencontré le responsable de la formation « recherche et développement », celui des « achats » et celui de la « qualité ».

En ce qui concerne l’étape de la fabrication, nous avons réalisé une mission d’une semaine dans l’usine de montage de Dongfeng Limited130 et deux missions de trois jours dans celle de Renault Trucks131. Dans chacun des cas, nous avons d’abord eu une présentation de l’ensemble de la chaîne par les responsables d’équipe. Nous avons ensuite suivi un moteur tout au long du processus de montage en demandant aux opérateurs de nous expliquer leurs actions. Enfin, nous avons ciblé un certain nombre d’opérations, en lien avec la liste des cinq pièces que nous avions sélectionnées, que nous avons étudiées plus précisément en restant avec l’opérateur et en réalisant un entretien avec celui-ci dans les deux pays. Nous avons eu des difficultés à avoir accès à la production des pièces en France car Renault Trucks avait externalisé la quasi-totalité de cette activité à des fournisseurs externes qui étaient réticents à ce qu’un chercheur travaillant avec Dongfeng Limited vienne étudier leurs savoir-faire. Paradoxalement, nous avons pu visiter la fonderie du groupe Dongfeng Limited et réaliser des entretiens avec le vice président chargé de la technique et le responsable des méthodes de cette usine. Pour compenser notre manque d’information en France, nous avons réalisé des entretiens avec les responsables achat/qualité de la fonderie qui sont les principaux intermédiaires entre le constructeur le fournisseur. Ils ont notamment comme fonction de contrôler les procédures de fabrication des fournisseurs pour attester de leur qualité et ont donc une bonne connaissance des manières de faire. Nous avons également réalisé un entretien avec la personne des études responsable du transfert de la pièce vers le fondeur actuel pour les pièces qui nous intéressaient.

Nous traiterons parallèlement de l’étape de la vente et de la réparation/maintenance car les actions de recherche ont majoritairement été menées conjointement. En France, nous avons réalisé une mission de deux semaines dans une concession132. La première semaine, nous sommes resté dans le département après-vente où nous avons réalisé des entretiens avec les compagnons, les réceptionnaires et l’encadrement. Nous avons également réalisé de nombreuses observations en suivant le travail des différents employés. La deuxième semaine a été consacrée au département vente et nous avons réalisé des entretiens avec des vendeurs et assisté à leurs missions de visites des transporteurs ainsi qu’à des négociations de vente. Nous avons également réalisé une mission d’une journée dans une autre concession en France durant laquelle nous avons réalisé des entretiens133. Au sujet de la Chine, dans un premier temps nous nous sommes heurté au refus de Dongfeng Limited sur la possibilité de visites des concessions. En effet, Dongfeng Limited et Renault Trucks étaient en train de négocier un accord sur une assistance du constructeur français au réseau du constructeur chinois en ce qui concerne la réparation du moteur dCi 11. De plus, les employés du service « vente et marché » de Dongfeng Limited étaient réticents à l’idée de faire visiter leurs concessions car ils considéraient qu’elles étaient d’un mauvais niveau par rapport à la qualité des prestations. Lors de notre troisième mission en Chine, nous avions seulement pu obtenir une visite dans une concession que le constructeur chinois considérait comme la meilleure de la région134. Le directeur de la concession que nous avions rencontré était néanmoins méfiant à notre égard et a donné l’impression de retenir des informations. Lors de notre quatrième mission, nous avons pu visiter une deuxième concession en bénéficiant du réseau de connaissances privé d’un concessionnaire de Renault Trucks135. Nous avons alors réalisé une visite et un entretien avec le directeur du secteur vente. Au moment de notre cinquième mission, le contrat d’assistance entre les deux constructeurs avait été signé. Ce contrat prévoyait que dans un premier temps, Renault Trucks évalue le niveau des concessions de Dongfeng Limited pour savoir comment orienter son assistance. En participant à cette première phase d’évaluation, nous avons pu avoir accès aux concessions de Dongfeng Limited dans lesquelles nous avons réalisé quatre visites d’une journée136. En raison de ces réticences, une mission de deux semaines complètes dans le même établissement n’était pas envisageable et nous avons finalement réalisé un plus grand nombre de visites mais de plus courte durée qu’en France.

En ce qui concerne l’utilisation, en France, nous avons approfondi nos recherches de DEA en réalisant deux missions chez des transporteurs137. Ces missions ont été composées d’une partie entretien et d’une partie observation pendant laquelle nous avons assisté aux tâches menées par les logisticiens et nous avons accompagné des chauffeurs durant leurs missions. Nous avons obtenu les contacts des entreprises de transport par le biais de la direction régionale de Renault Trucks en raison de l’intérêt de la direction des études marché pour notre recherche sur le transport et les chauffeurs en France. Pour la recherche en Chine, au cours de la quatrième mission, nous avons rejoint un employé de Renault Trucks réalisant des visites chez les clients du constructeur français en Chine pour former leurs chauffeurs à la conduite des véhicules pendant deux semaines138. Cette mission nous a permis de comparer la conduite des les chauffeurs chinois avec ce que l’on considère chez Renault Trucks comme la « bonne » manière de conduire. Cette dernière est généralement désignée sous le terme de conduite rationnelle. Nous avons également conduit des entretiens avec les membres de l’encadrement des entreprises de transport visitées. Malheureusement, nous n’avons pas pu visiter d’entreprises de transport possédant le moteur dCi 11 fabriqué par Dongfeng Limited en raison du faible nombre des ventes des véhicules qui en sont équipés.

Encart 3 Quatrième et cinquième missions en Chine
La quatrième mission en Chine a eu lieu en Octobre 2006. Nous avons participé à la mission de formation des clients de Renault Trucks à l’utilisation des camions Renault Trucks et donc des moteurs dCi 11. Nous avons accompagné un formateur de chauffeurs français et le chauffeur chinois qu’il a formé pour remplir ce rôle en Chine dans leurs missions chez des clients de Renault Trucks. Cette observation et les entretiens que nous avons menés parallèlement nous ont permis de comparer les écarts entre ce que l’on nomme la « conduite rationnelle » en France et la manière de conduire des chauffeurs chinois. Nous avons participé à deux séances de formation comportant chacune une phase théorique et une phase pratique. Cette comparaison a été facilitée par le recours à Infomax, un logiciel du constructeur français, qui surveille l’utilisation des véhicules par les chauffeurs et recense un certain nombre d’informations. La première partie de cette mission a eu lieu à Kunming, la capitale de la province du Yunnan chez un transporteur (Yunhui 运会) possédant des tracteurs Premiums (370 chevaux) pour réaliser du transport de cigarettes au niveau national. Durant notre séjour à Kunming, nous avons bénéficié de l’aide du concessionnaire Renault Trucks qui nous a permis d’organiser une visite de deux jours d’une concession de Dongfeng Limited dont il connaissait le directeur. Nous avons également réalisé la visite d’une concession d’un autre constructeur chinois (CNHTC 中国重汽公司) qui appartenait au même groupe que le concessionnaire de Renault Trucks. La seconde partie de la formation a eu lieu à Chengdu chez un transporteur spécialisé dans le transport exceptionnel (Feilong Yunye 飞龙运业). Ces observations ont eu lieu sur des moteurs dCi 11 fabriqués par Renault Trucks et non par Dongfeng Limited, mais en raison de leur similitude, cela nous a permis d’estimer le degré d’adaptation de ce moteur aux conditions chinoises. La proximité avec les formateurs de Renault Trucks (un ancien chauffeur français et un chauffeur chinois) pour lesquels nous réalisions des traductions de vie courante, nous ont permis d’approfondir notre connaissance en soulignant des différences que nous avons cherché à confirmer au travers de nos entretiens. Durant cette mission, nous avons également bénéficié de l’aide d’un traducteur connaissant bien le secteur du transport, son père ayant été chauffeur et la qualité de la traduction, nous a permis d’approfondir qualitativement notre connaissance du secteur.
En Janvier 2007, nous avons réalisé notre dernière mission en Chine pour une durée de trois semaines. Nous avions organisé cette mission de manière à ce qu’elle corresponde au moment d’une assistance de Renault Trucks à Dongfeng Limited concernant la propreté de la chaîne de montage. En effet, en raison d’un faible nombre de commandes, la production de moteur dCi 11 par Dongfeng Limited était irrégulière. En s’assurant de la correspondance des deux missions, nous espérions nous assurer d’une production visant au moins à montrer le processus de production à la personne réalisant l’assistance. Encore une fois les prévisions que nous avions faites avant notre départ ont été rendues caduques, aucune production n’était prévu cette semaine à l’usine, et nous avons dû réorganiser notre séjour sur place. Nous avons ainsi profité des deux premières semaines pour réaliser des visites de concessions dans le cadre de la phase d’évaluation de l’assistance de Renault Trucks sur l’après-vente du moteur dCi 11. Nous avons également réalisé les entretiens que nous souhaitions au sein de l’équipe projet du moteur et du département recherche et développement de Dongfeng Limited la réalisation du transfert de technique et les adaptations effectuées sur le moteur. Au bout de deux semaines, Dongfeng Limited a décidé de reprendre la production en fabricant une cinquantaine de moteurs et en travaillant à pleine cadence, week-end y compris, ce qui nous a permis de réaliser les observations nécessaires à notre travail.
Notes
129.

Renault Véhicules Industriels est la filiale de Renault qui est dédiée à la construction de véhicule utilitaires (de 3,5 à 6 tonnes) et commerciaux (plus de 6 tonnes). Cette filiale a été renommée Renault Trucks en 2002 suite à son achat par le groupe AB Volvo.

130.

Cf. observation 17.1, annexe 2.

131.

Cf. observations 14 et 16, annexe 2.

132.

Cf. observation 10, annexe 2.

133.

Cf. observation 13, annexe 2.

134.

CF. observation 11.1.5, annexe 2.

135.

CF. observation 15.1, annexe 2.

136.

CF. observations 17.3, 17.4, 17.7 et 17.8, annexe 2.

137.

CF. observations 18 et 19, annexe 2.

138.

CF. observations 15.3 et 15.4, annexe 2.