Troisième chapitre. De la problématique à la thèse, construction des outils théoriques

A. Les réponses théoriques possibles à la problématique

A partir de ces deux approches sociologiques concurrentes, il existe trois possibilités théoriques concernant les liens entre objets techniques et société. Les deux premières consistent à choisir l’une ou l’autre des deux approches en concurrence : la co-influence ou la co-construction. La troisième possibilité est de formuler une nouvelle approche théorique combinant les apports des deux approches.

Les deux premières possibilités présupposent que les deux courants s’excluent mutuellement. Or, les deux approches ont montré leur efficacité pour décrire les rapports entre domaines technique et société et il ne semble pas possible de privilégier l’un au détriment de l’autre. Nous refusons donc ces deux premières possibilités car les auteurs des deux approches ont montré l’intérêt de leurs courants par leurs études empiriques. De plus, nos recherches de terrains nous ont permis de constater des processus décrits par l’une et l’autre des approches.

Dès lors, il ne reste que la troisième possibilité : des éléments conceptualisés dans ces deux approches coexistent. Les théories comme la co-construction et la co-influence ne rendent compte que d’une partie de la réalité observée des relations entre objets techniques et société. Nous proposons alors de formuler une nouvelle approche théorique permettant de tenir compte des apports de ces deux approches. Le choix de cette troisième possibilité amène une question fondamentale : est il possible de concilier des éléments provenant de deux courants théoriquement opposés dans un modèle d’analyse unique ?

Pour prouver que les deux approches peuvent coexister, il faut répondre à deux impératifs : concilier des approches issues de courants épistémologiques opposés et s’assurer que les faits qu’elles décrivent ne sont pas contradictoires. Pour prouver la coexistence de la co-construction et de la co-influence, nous devons répondre à deux problèmes. Le premier est que les approches sont liées à des conceptions de la science opposée. Dès lors, pour ne pas les « dénaturer », il faut s’assurer de construire un cadre épistémologique convenable pour les deux approches. Dans la prochaine partie, nous présenterons notre manière de concilier les courants sur lesquels ces approches reposent : le positivisme et l’herméneutique. Le second problème réside dans la description de la réalité faite par les sociologues de ces deux courants. Il faut s’assurer que les résultats de leurs recherches ne sont pas contradictoires. Les deux approches s’opposent en ce qui concerne le statut de l’objet technique et les liens entre technique social. Dans la partie suivante, nous montrerons dans quelle mesure il est possible de concilier deux statuts de l’objet et deux types de lien entre technique et social. Notre travail n’est cependant pas seulement une compilation des travaux existant. Pour pouvoir combiner les apports des deux approches, nous nous servirons également des résultats de nos recherches pour formuler une nouvelle approche théorique innovante.