2.1.L’avant-projet : la définition du point de départ de l’innovation

L’innovation du moteur dCi 11 a été lancée dès 1990 au travers d’un premier projet d’alliance avec l’entreprise suédoise Volvo qui a échoué. L’avant-projet, qui correspond normalement aux phases préliminaires et exploratoires et aux rendez-vous d’entreprise 1 et 2 dans la procédure PPDP177, a pour but la mise en place du premier objet intermédiaire : les pré-requis, c’est-à-dire les cibles du moteur.

Dans la procédure Renault Trucks, après qu’une demande de modification ait été acceptée, il s’agit de traduire les besoins du marché sous la forme de prestations qui seront à leur tour traduites dans les pré-requis du moteur. Néanmoins, nous verrons dans cette partie que l’innovation du moteur dCi 11 n’a pas été aussi linéaire et que ces deux traductions ont en fait été des allers-retours entre les représentations des besoins des clients et les besoins propres des différents acteurs impliqués.

Tout d’abord, l’innovation d’un moteur ne se fait pas à partir d’une « page blanche », il dépend des moteurs précédents qui servent de référence au nouveau. Aussi, dans un premier temps, nous nous intéresserons aux origines de ce moteur et aux liens entre le dCi 11 et les précédents produits de Renault Véhicules Industriels. Les pré-requis ont effectivement pour origine une demande. Dans le cas du moteur dCi 11, elle émane de la direction commerciale et de l’unité de suivi des règlementations. Ces demandes ont été construites notamment à partir de représentations des produits de Renault Véhicules Industriels de l’époque et du niveau de la concurrence.

Dans un second temps, nous examinerons le mécanisme de création de cette demande. La procédure de Renault Véhicules Industriels prévoyait que les demandes du client soient traduites sous la forme de prestations. Néanmoins, les demandes étaient déjà en partie constituées de critères techniques et pas seulement de l’expression des besoins des clients. Cette procédure prévoyait également une deuxième traduction, des prestations aux pré-requis, spécifiant les demandes de prestations sous la forme de cibles pour le moteur.

Cependant, chaque acteur impliqué dans le processus mêle à différents degrés des spécifications techniques liées à une représentation du marché et à des attentes propres. A partir de cette première demande, deux éléments influencent la formation des pré-requis. Le premier est ce que T. Hughes nomme les « revers saillants », c’est-à-dire les représentations des techniques à développer par les chercheurs. Nous traiterons de cet aspect et de ses liens avec la recherche avancée chez Renault Véhicules Industriels dans un troisième temps. Le deuxième aspect qui influence la forme prise par les pré-requis, en raison du coût d’un tel projet, est la création d’un réseau et des négociations entre les acteurs réunis.

Dans un quatrième temps, nous verrons comment les fluctuations de la taille du réseau intéressé dans l’innovation du dCi 11 a eu des influences sur la formation des pré-requis.

Enfin, dans un dernier temps, nous reviendrons en conclusion sur les pré-requis tels qu’ils ont été définis au moment du rendez-vous d’entreprise 2.

Notes
177.

La procédure PPDP distingue six phases (les phases préliminaire, exploratoire, faisabilité, étude, industrialisation et commercialisation) qui sont séparées par des rendez-vous d’entreprise numérotés de 1 à 5.