2.5. Conclusion sur les boucles de développement du moteur dCi 11 en France

La première étape du processus d’innovation du moteur dCi 11 est la construction collective d’un objet intermédiaire à partir des représentations de l’objet technique qu’ont les différents acteurs intégrés dans le réseau. Différents éléments influencent ces représentations : des jugements sur les objets matériels, les perceptions des systèmes techniques et du contexte social. L’objet intermédiaire est ensuite défini par une négociation entre les acteurs. Dès lors, la question de la taille du réseau est cruciale. En raison de son coût important et de la crise de confiance de l’entreprise, le projet a été mené dans trois réseaux différents qui ont entraîné des modifications de la définition du produit. Le projet a d’abord été mené dans le cadre d’une alliance avec Volvo mais il a été abandonné suite à un désaccord sur les modalités d’alliance entre les deux groupes. Le projet a alors été réorienté autour d’une alliance entre Renault Véhicules Industriels et une filiale de Renault aux Etats-Unis, Mack. En raison des spécificités des gammes de Renault Véhicules Industriels et de Mack, le projet a longtemps oscillé entre un moteur de 10 litres de cylindrée, option retenue par Mack et un moteur de 11 litres, qui était défendu par Renault Véhicules Industriels. Finalement, le projet a été développé par le constructeur français seul. Une fois ce premier objet intermédiaire mis en place, il s’agit de le matérialiser.

La première série de boucles de développement débute après la construction d’un objet intermédiaire. Les membres du réseau interrogent cette définition dans un raisonnement qui mêle technique et économique. Ils recherchent ensuite des réponses techniques en s’aidant des techniques existantes et choisissent en fonction de critères qui ne sont pas uniquement techniques. Dans ce processus, ils essaient d’anticiper les contraintes propres au domaine physique et aux systèmes techniques. Les solutions techniques sont ensuite testées. Ce processus permet de matérialiser l’objet intermédiaire dans un ensemble d’objets physiques du niveau des structures élémentaires. Ces dernières sont formalisée sous la forme d’un nouvel objet intermédiaire : la définition des solutions techniques.

Les deuxième et troisième séries de boucles débutent avec un objet technique qui est testé d’abord par une série de test définis dans le cadre de la procédure de Renault Véhicules Industriels puis au cours de son utilisation par des transporteurs. Les résultats des tests sont interprétés selon les objectifs de l’équipe projet à partir d’un diagnostic qui vise à déterminer si le problème a pour origine un défaut de production, de conception de l’objet technique ou encore d’utilisation. Dans la carrière de l’objet en France, ces deux séries de boucles ne jouent pas un rôle majeur en ce qui concerne la détermination de la forme de l’objet technique puisque la tendance est d’attribuer les défauts à la fabrication ou à l’utilisation.

Ce processus de matérialisation a également des conséquences sur l’objet intermédiaire. Il le détaille au fur et à mesure que des solutions techniques sont apportées et le transforme en description de l’objet matériel. Mais il oblige également à le préciser pour définir les aspects les plus polémiques (par exemple la cylindrée et le fournisseur d’injection) qui peuvent entraîner des exclusions du réseau (dans la cas du partenariat avec Mack) ou une modification de l’objet intermédiaire.

Le processus d’innovation se termine lorsque le réseau d’acteur estime que l’objet intermédiaire définissant le moteur est suffisamment précis et que les objets matériels répondent à leurs attentes.