1.3. Le Parti Communiste Chinois et son syndicat

Une des spécificités des entreprises d’Etat chinoises est la présence de deux organigrammes parallèles. Le premier, que nous avons décris plus haut, est équivalent à celui d’une société en France. Le second organigramme est celui du parti communiste chinois (PCC). Dans la « business units » voiture personnelle, le PCC joue un rôle marginal. Dans le cas de la « business unit » dédiée aux véhicules commerciaux, il assure le même rôle qu’avant la création de la joint-venture.

Chez Dongfeng Limited Commercial Vehicule, cette organisation matricielle coexiste avec la structure plus hiérarchique et pyramidale du PCC. Le comité du PCC est placé au même rang que la direction générale de Dongfeng Limited et son Secrétaire Général est au même niveau que le Directeur Général. Dans chacune des unités de la « business unit » et enfin dans chaque usine, le PCC possède deux structures : le département du Parti proprement dit et le syndicat.

Le rôle du Parti est double. Au niveau de la gestion des ressources humaines, il s’agit de s’assurer des conditions de travail des employés et de surveiller les membres du Parti. Au niveau du pilotage de l’entreprise, si le PCC ne dispose plus d’un rôle de décision, il peut avoir un rôle de blocage car il a pour fonction de s’assurer que l’entreprise reste dans la ligne des objectifs du PCC national. Ce rôle « officiel » du Parti est assez réduit mais les termes de ses compétences sont entendus de manière large, ce qui lui permet de participer à de nombreuses décisions. De manière générale, la prise de décisions en Chine est toujours assurée par un groupe de personnes plus ou moins directement concernées par le sujet qui, si elle suit une procédure formalisée complexe, se fait essentiellement au travers de la mise en place de consensus.

Un des rôles les plus importants du Parti est la gestion des ressources humaines. On constate une certaine évolution, le recrutement se fait de plus en plus sur les qualités personnelles plutôt que sur l’appartenance au Parti. Si quelqu’un a les compétences pour un poste mais n’est pas membre du parti, il lui est demandé d’adhérer. Le Parti reste un acteur important de la gestion des ressources humaines car il crée un réseau de connaissance et joue comme garantie de l’état d’esprit de la personne recrutée. Il s’agit également de mobiliser les membres du Parti grâce à la propagande. L’objectif est d’arriver à rassembler les ouvriers autour du projet commun de l’entreprise. Cette fonction de mobilisation se double d’un rôle de surveillance et de censure éventuelle.

Au sujet du pilotage de l’entreprise, pour tous nos interlocuteurs, le PCC ne joue plus le rôle principal depuis l’ouverture de la Chine en 1979. Il n’intervient notamment pas directement dans les équipes projets où il n’a pas de représentant. Le PCC et le syndicat participent aux décisions de l’entreprise uniquement au travers de la « réunion de tous les salariés ». Cette réunion se déroule une fois par an (mais des sessions extraordinaires peuvent avoir lieu en cas d'événement majeur) et est organisée par le syndicat. Le Directeur Général y présente son projet pour l’entreprise et si la plupart des délégués des employés s’y opposent, il doit le retravailler. Ces réunions traitent principalement des questions de sécurité et des conditions de travail des employés ; mais ce point est vu d’une manière assez globale, incluant tout ce qui touche à l’amélioration des conditions de vie des employés. Ainsi, pendant la réunion, les accomplissements des années précédentes et le projet pour les années futures sont examinés puisque cela influence les salaires des employés et la pérennité de l’entreprise. Par exemple, le Parti peut s’opposer à un plan qui prévoirait la suppression d’emplois.

Le PCC n’intervient donc pas directement dans les questions relevant uniquement de la production. Le rôle du PCC est également d’assurer que l’entreprise est dans la continuité des objectifs de l’Etat. Encore une fois, cet objectif est vu au sens large, ce qui permet d’intervenir dans des questions stratégiques. Le PCC est ainsi intervenu dans la prise de décision liée au transfert du moteur dCi 11 en soutenant le projet puisqu'il permet à la Chine de répondre à des normes internationales de pollution, grâce à une avancée des connaissances et des savoir-faire techniques. Toutes les personnes rencontrées insistent sur la nécessité de prendre les décisions en construisant un consensus. Les membres du PCC peuvent ainsi faire part de leurs avis. De même, si le PCC ne dispose pas officiellement d’un pouvoir d’opposition aux décisions administratives, en cas de désaccord sur un sujet, une solution négociée sera privilégiée. Le PCC possède également des moyens de faire adopter ses prises de position au travers des personnes qui cumulent responsabilités opérationnelles et politiques et de celles qui sont seulement membres du parti. Cette proximité entre les cadres de l’entreprise et ceux du Parti joue dans les deux sens et il est rare que le PCC s’oppose à une décision de la direction de l’entreprise.