2.2.La vente du moteur dCi 11 : vente active et théorisation a priori

Les camions équipés de dCi 11 n’entrent pas dans la carrière normale de la vente des véhicules chinois. Deux aspects font que la carrière diffère.

Tout d’abord, c’est un nouveau produit et nous avons déjà montré la tendance à la reproduction des commandes qui découle du mode de constitution des stocks et de la constitution des objets intermédiaires à partir de jugement des objets matériels. De plus, dans la carrière normale, il revient au concessionnaire de prendre un risque en achetant le véhicule. En raison du prix supérieur du moteur dCi 11, les concessionnaires sont réticents à en acheter. Ces derniers savent que les transporteurs ont tendance à privilégier les solutions ayant faits leurs preuves et dont les pièces de rechange sont disponibles partout. Enfin, le changement du type de carrière fait passer les concessionnaires d’une démarche passive à une démarche active qui les place dans une situation défavorable (ce sont eux qui demandent à vendre).

Le deuxième aspect est que le moteur est associé à un produit « étranger ». En effet, bien que le moteur dCi 11 ne soit pas fabriqué par une entreprise étrangère et importé en Chine, ni fabriqué dans la cadre d’une joint-venture avec Renault Trucks307, il est assimilé à un produit de la marque française. En effet, il est vendu comme tel par Dongfeng Limited dans les publicités. Les constructeurs chinois et français avaient publicisé les volontés de rapprochement et de coopération industrielles. En outre, le moteur a le même nom que ceux qui équipent les camions Renault Trucks importés et vendus en Chine. Enfin, le moteur se rapproche plus de ceux des véhicules importés que des produits des constructeurs chinois par son niveau de puissance et les techniques dont il est composé (gestion électronisée de l’injection et les quatre soupapes par cylindre).

Pour le dCi 11, le concessionnaire ne dispose pas de stock et doit donc passer dans une démarche de vente active en démarchant les clients potentiels. Il n’existe pas d’équivalent de la construction d’une « proposition » en France en raison du faible nombre d’options. Chez Dongfeng Limited, il ne s’agit pas de démarcher tous les clients pour leur proposer le véhicule adapté à leur besoin mais de prospecter des clients spécifiques pour leur proposer un produit spécifique. La démarche est inversée : il s’agit non de sélectionner le produit adapté au client mais de sélectionner les clients adaptés pour le produit.

Il est possible de diviser le processus de vente des véhicules équipés de dCi 11 en deux étapes. La première est la sélection par les vendeurs chinois des clients susceptibles d’acheter un véhicule équipé de dCi 11. La seconde est la vente en elle-même, c’est-à-dire la proposition des véhicules à un transporteur. Nous verrons que le choix d’un véhicule ayant des technologies étrangères dépend alors des caractéristiques de l’entreprise.

Notes
307.

Le secteur automobile chinois est considéré comme stratégique par le gouvernement chinois qui a imposé des limites à l’introduction de constructeurs étrangers. Ainsi, il n’est pas possible pour une marque étrangère de posséder plus de 50% d’une usine de production automobile, ce qui explique l’absence des constructeurs étrangers autrement qu’au travers de joint-ventures avec un groupe chinois.