2. Généralisation sur la carrière de l’objet technique pendant l’utilisation : construction des représentations

L’étude de l’innovation du moteur a permis de mettre à jour le schéma général d’interaction entre les formes de l’objet technique. Nous avons centré la présentation de l’étape de la fabrication sur le processus de matérialisation, c’est-à-dire le passage de l’objet intermédiaire à l’objet matériel. L’étape de la vente a été utilisée comme un moyen d’affiner notre compréhension de la traduction des représentations de l'objet dans un objet intermédiaire. L’utilisation permet d’étudier de manière plus approfondie la troisième relation entre les formes de l’objet technique : le passage entre l’objet matériel et les représentations. Il ne s’agit pas de réduire cette étape à ce processus mais d’orienter la présentation qui en est faite de manière à ce qu’elle enrichisse notre compréhension des relations entre les formes de l’objet technique.

Les représentations de l’objet d’un acteur proviennent de la construction de prises sur un objet matériel qui intègrent ses logiques propres. Il existe deux idéaux-types de construction des représentations. Dans la première, l’objet matériel joue le rôle le plus important dans la construction des prises. Dans la seconde, les prises sont orientées par un objet intermédiaire construit avant l’utilisation de l’objet matériel ou une perception du contexte. Dans la plupart des cas observés, ces deux formes étaient utilisées conjointement par les acteurs et les différences tiennent avant tout à la forme qui était dominante. Les représentations de l'objet sont ensuite négociées dans un réseau sous la forme d’objet intermédiaire qui guide l’action technique. Pour la conduite du véhicule, nous n’avons pas décris cette étape, les chauffeurs étant seul à bord de leur véhicule. L’objet intermédiaire est souvent une simple transcription de leur représentation même si certaines entreprises de transport essaient de modifier la conduite de leur chauffeur. Dès lors, on retrouve le phénomène de confrontation des représentations dans la construction d’une définition commune. C’est cet objet intermédiaire, constitué par un réseau ou un utilisateur seul qui guide l’action technique et permet de créer de nouvelles représentations.

La construction des représentations, comme leur traduction dans un objet intermédiaire, ont été présentées dans le chapitre consacré à l’innovation du moteur comme étant plus facilement décrites par les outils d’analyse de l’approche co-constructiviste. Néanmoins, la présentation plus en détail de ce type de relation, nous a permis de montrer que pour comprendre la construction des représentations de l'objet, il faut combiner ces deux outils. En effet, les représentations sont en partie construites à partir de la confrontation avec un objet matériel et avec les contraintes qu’il oppose. Ces contraintes sont généralement médiatisées dans des représentations de l'objet ou des objets intermédiaires mais elles restent indépendantes de la construction sociale qui en est faite par ces vecteurs. Par exemple, bien qu’il existe différentes façons de conduire un véhicule, les similitudes sont relativement plus importantes que les dissimilitudes. Il existe différentes manières de changer les vitesses, néanmoins pour atteindre une vitesse élevée, tous les chauffeurs doivent changer de vitesse. Les objets matériels imposent un cadre dans lequel l’action technique doit se dérouler de par leur appartenance au domaine physique et à des systèmes techniques. Les représentations de l'objet sont également en partie construites dans ce cadre. Le concept de prise permet d’appréhender cet aspect. Les prises reposent des caractéristiques techniques ou physiques de l’objet matériel qui sont appréhendables grâce aux outils de la co-influence. Néanmoins, elles se mêlent à des logiques sociales que l’on peut décrire en utilisant l’approche co-constructiviste.