2.2. Dakar : mirages et réalités

2.2.1. Dakar : son éponyme et ses légendes

Dakar, ville océane, la capitale du Sénégal est semblable à une ville du sud de l’Europe avec des gratte-ciel jaillissant entre les villas coloniales au centre ville. Comme la plupart des villes coloniales d’Afrique, elle porte de frappantes discordances (Georges Balandier, 1957). C’est le long de la corniche Ouest que les nantis ont établi leurs résidences. La vie s’est organisée dans les quartiers populaires, fouettés par les embruns, sillonnés de ruelles aux maisons basses, tout autour de la Médina.

Au début de la colonisation, les Portugais, les Hollandais et les Français ont préféré Saint Louis et l’île de Gorée. L’implantation des colons européens à Dakar a commencé au XIXème siècle. Le capitaine Protêt, qui a transféré l’armée cantonnée à Gorée sur l’actuelle place de l’Indépendance, a été considéré par les Européens comme le fondateur de Dakar. Avec son imposant port naturel, elle est devenue la capitale de l’AOF (Afrique Occidentale Française), puis du Sénégal. Comme Abidjan, Dakar s’impose encore aujourd’hui comme capitale économique et culturelle de l’Afrique de l’Ouest.

L’ancêtre du peuple des pêcheurs lébous, Dial Diop, aurait fondé Ndakarou (nom de Dakar dans la langue des Wolofs) bien avant l’arrivée des colons. On raconte que, un jour qu’il était sous le tamarinier22 avec ses « talibés », car il était un grand maître islamique, il a accueilli un colon qui lui a demandé comment s’appelait la ville. Croyant que le voyageur désignait l’arbre, il lui a répondu : « Dakhar » (tamarinier en wolof). C’est ainsi que les colons ont nommé la ville Dakar23.

Georges Balandier a découvert Dakar en 1946. A son arrivée, on lui a désigné un baobab comme arbre sacré des villageois lébous. Des « habitations précaires, échouées sur le sable » dans la Médina, des foules et des étalages du marché de Sandaga, des cars à l’attente bondés de voyageurs et ployés sous la charge, « des mendiants qui psalmodient et des infirmes qui se traînent, en exhibant leurs membres ravagés et difformes, sur des chariots de planches récupérées », des belles africaines enveloppées d’étoffes somptueuses, des commerçants syriens : l’ambiance de Dakar reste quasiment la même aujourd’hui, avec en plus l’impact des évolutions liées à la modernisation, dont ses démolitions / constructions continuelles. Lors de son escale en 1954, Georges Balandier était surpris du modernisme du nouvel aéroport, de l’autoroute, de la disparition de la campagne africaine : l’urbs occidentalis impose son extension, avec le blanchiment de la ville. Parmi les transformations, la Bourse du travail était apparue, avec un prolétariat organisé en centrales syndicales, avec ses leaders pesant sur la vie politique (Ibid., 1954, 194 - 196). Un ancien syndicaliste nous explique que tout ça, aujourd’hui, est bel et bien fini. Beaucoup d’usines sont fermées et les leaders syndicalistes, licenciés, sont devenus des journaliers.24

Selon Cheikh Sarr (2007), l’évolution du rôle de l’Etat en matière d’urbanisme s’effectue entre la volonté de “marquer” l’espace et la politique libérale. Etablissant un cadre légal (1988 code de l’urbanisme, 1996 lois de décentralisation), la politique volontariste de l’Etat s’étend de la vieille « ville coloniale » aux ceintures de bidonvilles. Les grands chantiers présidentiels et la spéculation privée – notamment celle des “moodu”25 dans l’habitat locatif. – transforment rapidement le paysage de Dakar et de sa banlieue.

Ville refuge, ville cosmopolite, Dakar doit affronter les questions majeures d’hygiène et de salubrité. Car dans l’espace urbain, l’urbanisation galopante s’effectue avec des situations très contrastées : différences d’infrastructures (eaux usées, collecte des ordures), implication communautaire plus ou moins efficace selon les quartiers, structure du bâti, opposition entre aménagement planifié et occupation sauvage. La cohésion sociale, confrontée à la précarité des populations, permet difficilement de palier aux insuffisances structurelles (Ibrahima Sy).

Ethnonyme, itinéraire et itinéraire lébous

Le mot lebu viendrait de leb (en wolof« conter », « dire des fables » ou « dissimuler »). Au Sénégal, les Lébous constituent un sous-groupe des Wolofs et parlent un dialecte wolof. Devenus musulmans (majoritairement à la confrérie musulmane soufie layène) au XXème siècle, ils ont conservé leurs traditions animistes. Ils ont la réputation d’être fiers, indépendants et travailleurs (Christian Saglio, 2005).

Traditionnellement pêcheurs et agriculteurs, ils sont concentrés dans la presqu'île du Cap-Vert (Région de Dakar). Venus au XVème siècle de la vallée du Nil en Égypte - comme la plupart des peuples de la Sénégambie - ils ont fui de l'empire du Djolof pour s'installer au Kayor. Suite à leur victoire, le Damel du Kayor (Ngoné Ndella Coumba Fall) leur a cédé la presqu'île du Cap-Vert en 1812. Ils y ont fondé la république Léboue (avec Ndakarou comme capitale) sur un système de répartition des pouvoirs entre le Grand Serigne (chef supérieur de la Communauté), le Parlement national et les assemblées locales. Lorsque le Royaume de Kayor, État négrier, s’est emparé de la presqu'île du Cap-Vert, les Lébous se sont enfui sur la Petite-Côte – où ils ont résisté à la traite négrière avec les Sérères - et sur l'île de Gorée. Certaines de leurs femmes, mariées aux commerçants européens, sont devenues des signares (Ibid.).

Les Lébous conservent leurs traditions et continuent à traiter certaines maladies mentales par des cérémonies rituelles de guérison, telles que le ndëp(András Zempleni, 1966). Dans Corps de délire, corps du mythe, psychopathologie africaine(1978), Paul Martino26 montre que le registre phantasmo-mythique inscrit dans l'inconscient a comme doublet social la tradition. Dans ce lien à double sens, un renversement est toujours possible. Les conditions intrinsèques de la résolution d'enchaînements pathologiques se fait dans l'articulation complexe :

individu <=> groupe <=> phantasme - mythe <=> inconscient.

C’est le cas pour les individus venus résider à la capitale, isolés de leur groupe familial et de leurs autels, soumis aux dures conditions de survie urbaine, lorsque la liaison phénomène de possession -croyance et ses constituants est altérée. Si les mythes fondateurs n’ont plus la force organisatrice de l'inconscient individuel et collectif comme jadis, ils continuent à participer aux constructions de montages phantasmatiques - à usage personnel, familial ou groupal – qui fait fonction de mythe dans l’aire culturelle contemporaine.

Pour saisir les situations dans lesquelles vivent les lépreux à Dakar, il nous semble important de comprendre ce qu’est une ville en Afrique. Les grandes cités prestigieuses fondées par les empires disparus (telles Koumbi Saleh et Tombouctou) étaient de l’ordre de l’exception dans l’Afrique précoloniale. Dans l'Afrique moderne, la ville a d'abord été un fait colonial. En général, elle ne résulte pas du lent accroissement d'un gros village comme c'est le cas par exemple de la plupart des villes en Europe. Elle n'est pas l'aboutissement de l'effort de générations d'hommes qui, au cours des siècles, auraient librement élaboré une cité harmonieuse et intégrée à leur terroir. C’est d’abord une création de l’étranger pour accueillir des étrangers coloniaux, qu’ils soient arabes ou européens. La ville est plaquée surle sol africain par la volonté coloniale. Elle est d'abord la tête de pont de l'invasion économique, puis son centre névralgique.

Aussi, à de rares exceptions près, n'a-t-elle point d'âme. Si la ville africaine n'a point d'âme, en revanche, elle regorge de richesses matérielles. Européens et bourgeois africains y mènent grand train. Les immeubles et les villas, confortables, parfois luxueux, s'édifient à toute vitesse. Les « miracles » de la vie moderne s'y multiplient : eau courante, électricité, réfrigérateurs, automobiles, climatiseurs, téléviseurs, etc. L'argent y est facile. Pas pour tout le monde, certes, mais ce flot d'abondance finit toujours par déborder un peu, au profit des innombrables migrants qui continuent à s'agglutiner autour de ces paradis d'importation.

Les retombées de la richesse des privilégiés noirs et blancs ne sont que des miettes. Leurs rares bénéficiaires réels sont des domestiques, des ouvriers, des petits commerçants, des commis, des plantons, etc. c’est ainsi qu’ils font vivre des familles extrêmement nombreuses : des familles africaines. Cependant ce presque rien, ces miettes forment un pactole plus que comparable au revenu des paysans.

Même si les salaires sont tragiquement bas, l'immense prolétariat qui s'accroche aux flancs des villes « afro-européennes » réussit tant bien que mal à vivre, alors que le paysan survit à peine. Mal vêtu mais vêtu, mal nourri mais nourri, l'oreille collée à son transistor ou arborant d'impressionnantes lunettes noires, le citadin -même chômeur- fait figure de « nabab » aux yeux du paysan accablé par l'impôt, les dettes, l'appauvrissement des terres, et qui, trop souvent encore, connaît la disette, voire la famine.

Alors commence l'exode rural. On vient d'abord pour quelques mois, le plus souvent pendant la période creuse de la saison sèche. On revient, on repart. On trouve du travail, on n'en trouve pas. On s'installe quand même. On vit aux dépens d'un parent, voire d'un « pays » (ce terme familier – utilisé également en France - veut dire une personne qui est du même terroir, du même village ou de la même région). Parfois le miracle a lieu : on a enfin « décroché » un salaire régulier. La famille -la famille élargie- rejoint le chanceux. Autour de l'orgueilleuse ville de Dakar, les bidonvilles prolifèrent. Avec l'indépendance nationale, le processus s'accélère.

Les Etats africains, avec leurs économies fragiles et artificielles, héritées du colonialisme, sont confrontés à la concurrence internationale, parfois brutalement, plus souvent progressivement, à mesure que leurs liens avec l'ancienne puissance colonisatrice se distendent et que leur indépendance s'affirme. Mais si la décolonisation progressive est moins douloureuse, les problèmes à résoudre ne diffèrent pas de nature. D’'abord, tous les peuples africains doivent affronter ou plutôt subir, l'implacable « détérioration des termes de l'échange ». Les produits importés coûtent de plus en plus cher, l'industrialisation nécessite des investissements de plus en plus considérables, le prix des matières premières qui sont la ressource quasi unique de l'Afrique, stagne ou diminue, Par voie de conséquence, les revenus du paysan s'amenuisent. Aussi ne faut-il pas s'étonner si, partout en Afrique, l'exode rural prend des proportions dramatiques.

Jamais la fascination de la ville n'a été aussi forte, d'autant que l'abondance n'est plus le privilège des seuls Blancs. Une bourgeoisie noire prend le relais, encore peu nombreuse, mais dont la réussite souvent tapageuse éveille bien des appétits. Autour des quartiers résidentiels, les banlieues misérables s'étendent à l'infini. Les campagnes deviennent des déserts. Dans la monotonie désespérante du village, la ville, « paradis des Noirs et des Blancs », brille de tous les prestiges. C'est la « terre promise », le lieu de toutes les chances et de toutes les merveilles et, fréquemment, c'est moins la pauvreté qu'un désir de changement à tout prix qui pousse le jeune villageois au départ. Une fois le pas franchi, le même scénario se reproduit à quelques variantes près. Le campagnard « débarqué » dans la ville, s'émerveille. Il découvre l'électricité, le cinéma, les magasins de luxe regorgeant de victuailles, de vêtements somptueux, de tous les « gadgets » de la vie moderne. Certains s'aventurent dans les lieux de plaisir, bars plus ou moins clandestins, dancings de troisième ordre, boîtes de nuit... Bientôt ils y prennent goût.

Mais, très vite, si le nouvel arrivant n'a pas la chance d'être accueilli par un parent qui le prend en charge, il s'aperçoit à ses dépens que ce paradis est une jungle « truffée de pièges », où la lutte pour la vie est plus féroce encore que celle à laquelle il avait cru échapper. Il se heurte à « un monde incompréhensible » quasi kafkaïen. Mais il y a plus grave. Loin des siens, le rural déraciné, « détribalisé », est d'autant plus exposé que la tentation offre un visage souriant. Trop souvent, croyant sacrifier sur «l'autel du progrès», certains sombrent dans l'alcoolisme et la prostitution. D'autres enfin perdent tout sens moral car, non seulement il faut être sans scrupulepour prospérer en milieu urbain, mais souvent, la corruption est la seule chance de survie. C'est le stade des illusions perdues. L’exode rural vers Dakar s’explique par le fait qu’au village, on ne trouve rien : travail, argent, tissus, nourriture manquent et la famine menace. En saison sèche surtout, la maladie dévaste en quantité. L'enfant lui-même est une charge pour sa famille : « Tu alourdis la maison et ton père ne gagne pas l'argent de l'impôt ».

La ville au contraire, c'est l'abondance et le superflu, il y a toutes sortes de merveilles. Celui qui vit là-bas peut gagner tout ce qu'il veut et encore il peut gagner l'argent pour le pourboire et ici rien (Abdoulaye Bara Diop, 1965). Mais en réalité c'est au niveau du village déjà qu'apparaissent les premiers signes de postcolonialisme. Partout où s'implante une école, une mission, où l'on construit un dispensaire, où l'on introduit, impose de nouvelles méthodes de culture, ou tout simplement partout où pénètrent, en savane et en forêt, les premiers témoins de la civilisation des Blancs — bicyclettes, postes de radio, lunettes, vêtements, télévision, téléphone, etc. — aussitôt s'amorce la transformation de la société traditionnelle.

D'abord modeste, quasi inaperçue, elle va progressivement toucher, bouleverser tous les aspects de la vie depuis les plus anodins jusqu'aux plus fondamentaux, y compris les traditions familiales, le pouvoir et le sacré.

Parce qu'elle concerne tout le monde, et d'abord les enfants, qu'elle arrache au milieu sécurisant du village et à l'amour maternel, « l'école des Blancs », laïque ou religieuse, est le point de départ et l'agent inlassable de toute métamorphose. C'est elle qui va dresser les jeunes contre les vieux, diviser les familles, remettre en question l'autorité du père et les croyances les mieux établies. C'est elle qui désagrège la collectivité et suscite l'émergence de l'individu qui ne reconnaît plus la loi des ancêtres (Cheikh Hamidou Kane, 1961).

Le village enseignait à l’africain qu'il n'existe pas en tant qu'individu mais comme membre d'une société, d'un groupe donné. L'école et la ville lui apprennent qu'il a une existence propre, que le choix d'une femme ou d'un mari par exemple n'est pas l'affaire de son clan mais la sienne à lui qui engage ainsi librement son avenir personnel. C'est ainsi que le mariage, le problème de la dot et plus généralement de la condition féminine apparaissent dans la jeune littérature africaine comme un des points les plus chauds du conflit des générations. Battue en brèche, l'autorité du père recule, elle s'effondre.

La ville, non seulement remet en cause les structures de la société traditionnelle, mais encore est le premier à introduire au village les savoir-faire de la civilisation étrangère. En dépit des résistances traditionnalistes, les routes et les infrastructures en béton ont pu arracher les arbres sacrés et troubler la paix des clans et des villages. Lieu géométrique de toutes les tentations du monde blanc, la ville exerce une attraction irrésistible. S'y concentrent en effet tous les rêves, toutes les « moissons magiques » des paysans, la richesse et le luxe, la vie facile et le bonheur... (Malick Fall, 1967, 29-32).

Aussi la ville apparaît-elle comme un des facteurs les plus puissants du postcolonialisme. Elle désagrège les villages qui meurent lentement, vidés à son profit de leur substance vivante. Mais la ville africaine n'est elle-même qu'un prolongement, une tête de pont du monde blanc. Le vrai monde blanc c'est l'Europe, c'est plus particulièrement la France et Paris qu'on imagine comme un Eldorado, un paradis plein de « choses prodigieuses ». Trop lointain pour les vieux, il ne paraît pas hors de portée des jeunes, mieux informés, à demi déracinés déjà, et qui sont prêts à tous les sacrifices pour y accéder. L'Europe est la dernière étape du postcolonialisme27.

Les hommes ne sont pas les seuls à succomber à la fascination de la ville. Maïmouna d'Abdoulaye Sadji est l'histoire d'une jeune fille qui, lasse de la médiocrité monotone de la vie au village et jalouse de l'existence brillante que mène sa sœur Rihanna, n'a de cesse de la rejoindre à Dakar. Maïmouna, rongée par le désir de partir, décide d’en parler à sa mère, Yaye Daro :

‘« — Aller à Dakar ? redit Yaye Daro, en regardant de nouveau sa fille, bien tendrement. Je ne comprends pas. Toi aussi tu veux me quitter ? Toi aussi, tu veux m'abandonner ? Comment, tu es seule ? Ne suis-je pas là pour m'occuper de toi, pour te distraire ?Elle s'interrompit un instar pour lire sur le petit visage fermé l'effetde son discours : il ne s'ouvrit pas.
— N'écoute pas Rihanna, poursuivit-elle, Rihanna n'est plus ma fille, elle vit uniquement pour son mari. Si tu partais, je n'aurais plus qu'à cesser mon commerce et à me laisser mourir de chagrin. Non, ma petite Maï, non mon cœur, mon souffle. Je suis sûre que ce n'est pas sérieux, je suis sûre que tu ne veux pas partir. La pauvre mère, serrant sa fille dans ses bras murmure encore :
— Que cette mauvaise pensée quitte ton esprit, Mai, ma petite Mai !
— Je m'en irai à Dakar, s'emporta Maïmouna, le visage dur et la voix sanglotante.
Alors Yaye Daro se mit à pleurer. Les larmes coulaient, coulaient, silencieusement, lourdes et chaudes. Pour la première fois, depuis la mort de son mari, elle pleurait » (Abdoulaye Sadji, 1968, 49-50).’
Notes
22.

Le tamarinier est un arbre aussi mythique que le baobab.

23.

Le son « kh » de Dakhar (Tamarinier) n’existant pas en français, les colons l’ont remplacé par le son « k » qui est très proche mais très différent aussi. Ainsi, Dakhar devient Dakar.

24.

Les journaliers forment des files d’attente aux portes des usines du matin jusqu’au soir. Lorsque la porte s’ouvre, la direction vient choisir l’un d’entre eux, en privilégiant ceux qui n’offrent ni résistance, ni revendication.

25.

Les Moodus sont des commerçants sénégalais mourides qui travaillent à l’étranger et investissent leur argent dans l’immobilier, le transport ou d’autres entreprises au Sénégal.

26.

Paul Martino, collaborateur de Henri Collomb et chef de service neuropsychiatrique de l’hôpital de Fann à Dakar, souligne qu’avec la modernité, l’abandon des croyances expose à des risques de maladie, de souffrance et de marginalisation sociale. C’est pourquoi l’école de Fann intègre l’approche ethno psychiatrique en tenant compte des représentations cultuelles ou culturelles dans le traitement des pathologies africaines.

27.

Ces dernières années (2003-2007), les côtes sénégalaises et notamment dakaroises ont été transformées en  base de départ des pirogues artisanales pour l’Europe appelées par les populations et surtout les jeunes candidats au départ : « aéroports pour Barça ou Barsakh », (Barça est le diminutif de Barcelone en Espagne et Barsakh signifie en wolof « l’autre monde c'est-à-dire la mort. Les jeunes en sont là : s’expatrier ou périr en mer, ils prennent le risque devant les fermetures des frontières européennes. Des centaines de jeunes ont ainsi perdu la vie en essayant de traverser l’atlantique pour atteindre les îles espagnoles.