2.2.2. Dakar, une ville rurbaine

Nous avons déjà noté que parmi les causes de l'exode rural vers Dakar, les facteurs économiques devaient être en bonne place. Nous avons souligné l'extrême faiblesse des ressources (tant globales que monétaires) des ruraux, constamment menacés de disette et de famine, face aux multiples aléas de la nature et d’un climat qui ne respecte plus les deux principales saisons : il ne pleut presque plus, il n’y a plus de saison des pluies, il n’y a, en réalité, qu’une saison sèche de douze mois. Même en temps normal, malgré un labeur pénible, les ressources du paysan et de sa famille arrivent à peine à les nourrir au niveau vital, et contraignent les habitants à quitter le pays.

Si les animaux ne se promènent pas dans les artères centrales de Dakar, ils ont toute liberté pour vaquer dans les quartiers, en quête de poubelles, de détritus ou de papiers à mâcher.
Devant le centre socio-culturel de Hann, Dakar, 2005, photo de Martine et Aliou

Selon Abdoulaye Bara Diop, si l'insuffisance des ressources, obligeant à la recherche d'un complément de subsistance, est la cause fondamentale de l'émigration, le caractère non monétaire d'une économie dépourvue de cultures commerciales, oblige les habitants à sortir des villages pour se procurer du numéraire. Ce motif rejoint, en partie, la première cause citée : l'aide à la famille, par exemple, qui est la raison la plus fréquemment évoquée et qui se traduit par l'envoi de sommes d'argent qui servent à compléter, en majeure partie, les revenus d'un budget pauvre, en permettant surtout d'acquérir des denrées alimentaires locales : mil, poisson, riz, sucre, etc. Mais cet argent est également indispensable pour satisfaire d'autres besoins fondamentaux. L'autarcie économique du village a en effet été brisée, malgré les apparences de conservation (Abdoulaye Bara Diop, ibid.).

La complémentarité des activités réparties suivant une division sociale du travail est en rapide voie de disparition. Les produits de l'artisanat subissent la concurrence inégale des objets manufacturés. C'est ainsi que les habitants ont besoin d'argent pour se procurer « des habits qui ne sont plus fabriqués par les tisserands mais par l'industrie textile moderne, les chaussures que portent les gens sont importées en général, et ils ne peuvent les acquérir qu'avec de l'argent (Abdoulaye Bara Diop, ibid.).

C’est cette situation globale qui a poussé les paysans, les pasteurs et les pêcheurs à quitter le monde rural pour la ville, notamment celle de Dakar. La capitale du Sénégal doit accueillir tout ce monde, malgré sa spécificité et sa particularité géophysique. Dakar est une petite presqu’île qui n’a aucune possibilité de s’agrandir ; elle est coincée entre l’Océan Atlantique sur ses trois côtés et la ville de Pikine. Ce qui n’empêche pas aux nouveaux arrivants de s’installer dans ses périphéries et d’y survivre avec leurs us et coutumes, leurs traditions et leurs modes de vie d’hier et du monde rural.