3.3.3. Unités complexes de représentations

Si la croyance en un Dieu unique et omniscient est une réalité, une autre réalité est la croyance aux Esprits (bons et mauvais) qui apportent le bonheur ou le malheur.

Pour les Wolofs, les catégories étiologiques sont constituées de plusieurs unités complexes de représentations. Il existe des génies préislamiques appelés rab. Ces esprits des ancêtres se manifestent sous forme de possession. Ils sortent pendant certains moments de la journée, notamment vers quatorze heures (GMT), à la tombée du jour et au mitan de la nuit. Il est fortement décommandé de se promener à ces moments là, et en particulier de passer ou de se reposer dans le périmètre de certains arbres. Le baobab est un de ces arbres mythiques. Certains baobabs sacrés sont aujourd’hui encore des lieux de culte.

Les génies islamiques, ange ou démon (jinné ou seytané), sont similaires aux rabs. Ce que les génies veulent, c’est la richesse ou le pouvoir. Les histoires d’hommes et de femmes ayant perdu la raison en sortant pendant ces moments néfastes ou en passant sur des lieux habités par les génies font partie de la culture populaire. On trouve couramment l’expression « on m’a travaillé » pour exprimer l’origine d’une maladie ou d’un profond malaise (voire d’une maladie mentale). Ces figures de la persécution se retrouvent dans plusieurs ethnies sénégalaises. Deux types d’acteurs peuvent être à la source de ce « travail » : les sorciers-anthropophages (appelés dëm) peuvent dévorer le principe vital de l’individu qu’ils attaquent. Ils sont issus de la lignée utérine.

Les marabouts utilisent une magie interpersonnelle appelée ligey (le « travail »). L’univers étiologique du guérisseur, avec la sorcellerie – anthropophage, ne fonctionne pas forcement en système binaire avec l’univers étiologique des marabouts. Car ces derniers utilisent également l’essentiel des pratiques traditionnelles, dont le dialogue avec les esprits ancestraux (avec éventuellement la mise en œuvre de vengeances personnelles). Un homme en témoigne : « J’ai eu la maladie à seize ans. Ma mère était une fervente qui croyait aux esprits. Elle m’amenait d’un guérisseur à l’autre, d’un marabout à un voyant. Ma mère allait les voir tous ».

C’est le « djinn du crépuscule » disait l’un ; c’est le « vent maudit du soir » ; c’est « Satan » proclamait l’autre. Chacun amenait ses gris-gris, ses eaux purificatrices, ses clics et ses clacs, mais ça empirait. Mon oncle maternel, un intellectuel, a conseillé à ma mère d’aller au dispensaire. Et là, on a fait les analyses ».