Deuxième partie : Lèpre sociale et lutte pour la reconnaissance

Chapitre 4 : Les liens sociaux

4.1. Vérité du mythe et stigmate de la lèpre

« Tounka, c’est la vérité ! » affirmait Gorgui Alioune Sy, le sage de Hann, lui qui fréquente les lépreux dans les villages de reclassement et à Dakar depuis plus de trente ans. Il cherchait ainsi à expliquer que cette interdépendance entre les humains, les djinns et les ancêtres, dont on parle tant dans les contes, c’est « non pas des histoires » mais la « réalité vraie » (Pierre N’Dak, 1984). C’est pourquoi on ne peut aborder la question de la lèpre sociale qu’en s’imprégnant des mythes et des contes.

L’art africain de conter a des spécificités : il prend la forme d’un jeu lors des divertissements du soir. Il exige l’art consommé du narrateur, soutenu par un agent rythmique, ainsi que la participation active de l’auditoire.

En même temps, le conte est une école d’éducation et de formation pour l’enfant comme pour l’adulte. Car il véhicule les idéaux de la société, il enseigne le bien et le mal. Il transmet les règles de conduite à respecter tant pour le bien de la communauté que pour sa propre réussite personnelle.

Dans ces traditions orales, le conte africain est également un mode d’apprentissage de la maîtrise de l’art de la parole : une parole gestuelle qui fait rire ou pleurer, qui émeut et fait vibrer l’auditoire.

De par sa valeur ludique, didactique et esthétique, le conte fait pleinement partie du patrimoine culturel africain et reste un moyen d’éducation. L’utilisation de « Leuk le lièvre » (Senghor et Sadji, 1953) dans les programmes de l’éducation nationale au Sénégal en est un révélateur.