4.1.3. La maladie honteuse

La maladie de la honte

Lorsqu’une personne découvre qu’elle est atteinte de la lèpre, son premier réflexe est de le cacher : peur de la maladie et des monstruosités physiques qui l’accompagnent ; peur de la contagion et de devenir dans son propre corps un danger pour son entourage ; peur d’être déconsidéré, méprisé, rejeté… La honte, ce sentiment d’infériorité et d’indignité, cette sensation d’humiliation et d’abaissement devant les autres : la honte surgit et empêche de respirer.  La honte se situe en effet à l’articulation entre le social et le psychique :

Dans l’être et le néant, Jean Paul Sartre parle de ce lien interactif entre soi et l’autre, en dépendance avec la situation sociale : « C’est mon acte ou ma situation dans le monde qui sont les objets de la honte… La honte est révélation d’autrui » (Jean-Paul Sartre, 1973, 265-266).

Confronté à la différence, le sujet se trouve dans une contestation radicale de son appartenance plus encore de son état. La honte manifeste la logique de différenciation sociale. Elle découle des rapports sociaux de domination. Renvoyant l’individu à son incapacité ou impuissance radicale, elle peut lui faire intérioriser un sentiment de « dé » valeur (de Gaulejac, 1994). Cette perte d’estime de soi peut aller jusqu’au dégoût ou à l’abject, jusqu’à la perte de sa propre dignité et à une dévalorisation profonde. Cette blessure profonde révèle combien la honte fait mal et s’accompagne d’une souffrance qui reste non dite la plupart du temps.

Ce sentiment « d’être rien », vécu fréquemment par les personnes en situation d’exclusion, s’accompagne chez les lépreux du sentiment de dégoût, généré de l’identification de leur état avec un état d’impureté.

Dans la lèpre sociale, les processus de projection – introjection se conjuguent. La personne atteinte de la lèpre sociale intériorise l’image sociale négative et invalidante projetée sur lui et retourne la révolte entraînée par sa situation sociale contre lui-même.