4.3.3. Résister aux figures de persécutions lépreuses

Il y a de multiples figures de la persécution qui fonde la théorie de la maladie et du malheur dans les sociétés traditionnelles africaines. En plus des modèles explicatifs classiques de la folie chez les Wolofs (avec les génies, la sorcellerie anthropophage et la magie interpersonnelle), on trouve des causes naturelles (le froid et le vent comme notion d’esprit et élément physique), les transgressions d’interdits sexuels, matrimoniaux ou alimentaires, le non-respect des obligations rituelles et la responsabilité divine. Entre société traditionnelle et société moderne, des structures de transition apparaissent, substituant un nouvel ordre social à l’ordre lignager et minimisant les effets dissolvants du processus d’individualisation (Didier Fassin, 1992).

Dans toutes les ethnies islamisées, les persécuteurs jouent un duo à travers la sorcellerie et le maraboutage.

La sorcellerie traditionnelle, condamnée par le Coran et confrontés au phénomène dit de « modernisation », éclate en un univers multi sensoriel. Il n’y a plus la totalité du sorcier (« dëm »), mais une réalité moins prégnante qui se laisse cependant toujours appréhender dans ses dimensions visuelle, auditive et verbale.

L’Islam réinterprète dans un autre langage la sorcellerie. « Ligeey » (le maraboutage) étend son champ d’application aux situations concurrentielles, mettant en jeu la vie relationnelle du sujet et sa place dans la société. L’écriture arabe, les versets du Coran et les amulettes sont utilisés, notamment pour les actions bénéfiques. Les anciennes pratiques animistes sont réintroduites pour les actes maléfiques secondaires. Les musulmans dénomment « bët bu aay » (« le mauvais œil ») et « lamigne bou bone » (« la mauvaise langue »).

Même occidentalisé, le citadin utilise les services du marabout ou du contre-sorcier, car il adhère encore au système de valeurs ancestrales. Ce qui ne l’empêche pas d’utiliser les soins prodigués au dispensaire. L’efficacité thérapeutique est directement en prise avec la croyance à laquelle adhèrent le malade, le guérisseur et le groupe.

Le lépreux, tel qu’il est perçu au Sénégal, constitue une des figures de persécution emblématique. Nous avons choisi d’en développer deux : celle du lépreux marabout et celle qui est mise en scène dans le « ndëpp ».

La puissance du marabout lépreux

Deux sages de Hann, Alioune Sy et Kona l’instituteur, témoignent de cette réalité. Tout jeunes, ils fréquentaient toutes les semaines le village de reclassement de Pékou. Ils allaient y chercher des mangues, des goyaves et d’autres fruits. Ils racontent l’histoire d’un jeune « saint d’esprit et de corps » qui est devenu lépreux. Ses camarades, découvrant ses rougeurs et ses boutons, ont planté une aiguille dans sa peau (vérifiant ainsi que toute sensibilité nerveuse avait disparu) et diagnostiqué la maladie. Le jeune ressentait des démangeaisons et des fourmillements dans tout le corps. Les boutons qu’il grattait devenaient des plaies. Se sachant atteint de la « maladie honteuse », il a voulu se suicider tellement cette annonce lui était insoutenable. Ses amis l’ont soutenu. Mais ils se sont éloignés progressivement de lui. D’ailleurs, des années après, ils en gardent une sorte de culpabilité, ayant à l’époque une peur viscérale de la contagion et aucune connaissance médicale sur la lèpre.

Le suicide reste un phénomène rare en Afrique. Roger Bastide (2003) souligne que « l’africain » est entouré d’un univers magique ou religieux qui excite sa vie affective. Ce qui fait que le rythme de la vie sociale se trouve inscrite à l’intérieur de sa propre psyché, le rendant moins vulnérable face à la dépression et au passage à l’acte.

« L’Africain n’ignore pas le suicide, non seulement sous les formes que Durkheim appelait « altruistes », mais aussi sous ses formes « égoïstes », comme solution aux problèmes de jalousie, de la vengeance ou de la captivité (Ibid., 268). »

Le jeune de Thiès a du arrêter ses études et se rendre au village des lépreux à Pékou (à 3 km de Thiès) pour se soigner. Il a perdu ses doigts. Puis il a commencé à donner des gris-gris. C’est comme cela qu’il est devenu un tradipraticien très fameux. Reconnu comme marabout guérisseur, il dit les versets du Coran. Il prend des racines et des herbes.

La lèpre, objet de répulsion, devient une garantie de puissance et de bénédictions pour le marabout lépreux. « Chez nous, on n’a pas peur de lui. Il est guérisseur, tout le monde y va. » Car sa force de guérison est décuplée et sa capacité à donner des bénédictions démultipliée grâce à la lèpre. Dans la croyance populaire, on dit que les gens pauvres, les « diminués » ont plus de « chances pour demander à Dieu ». Dieu leur accorde tout ce qu’ils demandent.

C’est de cette façon que ce jeune de Thiès, reconnu marabout lépreux, est devenu très riche. Sa réussite sociale46 se concrétise dans sa famille élargie regroupée dans ses propriétés et par sa renommée dans tout le pays

L’exorcisme du « ndëpp   »

Nous faisons référence au ndëpp pour deux raisons : d’une part parce qu’il fait partie du récit mythique de Tounka et qu’il montre comment la maladie est l’enjeu d’un combat entre les forces des génies ; d’autre part parce que certains lépreux, touchés jeunes par la lèpre, ont évoqué avoir participé à des formes d’exorcismes sur la demande de leurs parents (ce qui a retardé le diagnostic de la maladie et accentué les risques de séquelles).

C’est le cas d’un jeune de seize ans qui s’est aperçu qu’il avait des tâches sur le visage et sur les membres. Le guérisseur a préconisé à sa mère de lui faire des décoctions comme remèdes. Mais son visage est devenu boursouflé. Sa mère l’a emmené auprès d’un guérisseur spécialisé en sorcellerie. Il a chassé les mauvais esprits mêlés à la maladie avec des incantations. Cela a coûté des pagnes et de l’argent à la famille. Le jeune a pris les décoctions et les bains conseillés. Il était très fatigué. Un de ses copains l’a envoyé vers un infirmier du lycée, qui l’a dirigé vers le dermatologue. Celui-ci l’a mis en lien avec l’Institut de léprologie appliquée qui a diagnostiqué la lèpre.

On distingue deux sortes de rites : ceux qui sont destinés à se concilier les forces de la nature et ceux qui sont destinés à conjurer les forces mauvaises ainsi qu’à exorciser les démons responsables des catastrophes naturelles, des destructions terrifiantes ou des maladies incurables du corps et de l’esprit (Diagne 2007). Il y a deux formes de rituel :

L’évocation du ndëpp dans le récit mythique de Tounka

Après l’installation du peuple au bord de la mer, un type colossal, descendant du patriarche et n’ayant « rien en commun avec son ancêtre du pays des sables », est né. D’une intelligence extraordinaire, N’galka devient le meilleur dans tous les domaines : l’agriculture, la pêche et la lutte. Ayant épousé Goudi, une princesse du royaume de la mer, il pénètre dans un univers surnaturel et énigmatique. Naît de cette union hybride Tounka qui, pendant son enfance, ne cessa de surprendre grands et petits par ses prodiges.

Mais sous la pression des vieux de la tribu, N’galka épouse la fille du Grand Maître des troupeaux. Il rompt la promesse qu’il a faite aux dieux de la mer, en se moquant de sa première femme qu’il dit être « froide comme un lamentin ». Humiliée, Goudi sort de sa case et, sans regarder cette foule en démence qui la poursuit de ses jurons, se suicide héroïquement dans les flots de la mer. Lorsque N’galka retourne en mer avec la pirogue, la vengeance des dieux de la mer est terrible. Les puissances dangereuses et infernales s’emparent de N’galka dans le tumulte des vagues de la mer. A son retour sur le rivage, N’galka est devenu fou furieux. Il casse et tue tout ce qu’il voit autour de lui. Seul son enfant Tounka, le prenant par la main, parvient à le ramener au calme.

Le grand tambour des ndëpp – ce tam-tam fétichiste qui accompagne les danses et les libations – résonne sous les mains du Maître-Féticheur et de la « Voyante ». On le bat avec des queues de djinné (le diable). Au rythme de l’invocation des génies des clans, des tribus et de leurs lignées respectives, un délire collectif s’empare des corps qui se balancent. N’galka, à bout de transe, s’apaise entre les bras de sa femme. Tout le monde croit que les génies de la Terre ont gagné et qu’il est sauvé.

Mais le lendemain, on retrouve N’galka mort. Les génies de la mer ont été les plus forts. Comme par un prodige, le corps de N’galka est devenu lourd et les quatre plus forts gaillards qui portent la civière ne parviennent pas à avancer. Alors Tounka se lève et marche devant la civière. La charge étant devenue infiniment plus légère grâce à l’enfant, les hommes transportent le défunt jusque dans sa tombe. Le peuple lui rend alors les derniers honneurs.

Ainsi les fétiches avaient perdu leur pouvoir sur les démons de la mer et les génies du désert avaient cédé devant les forces infernales des dieux de la mer.

« Oui, tiraillées d’un côté et de l’autre par des esprits antagonistes irréconciliables, la plupart d’entre les plus anciennes familles de nos tribus sont exposées à la maladie qui ne guérit pas, à la folie, à la mort (Ibid., 82). » La lèpre est perçue colle un des enjeux de ce combat entre ces forces mystérieuses au travers desquelles se jouent la vie et la mort.

La cérémonie du ndëpp.

La célébrité de la cérémonie du ndëpp est due à l’Ecole de Fann (Dakar) et à son médecin-chef du Service neuro- psychiatrique Henri Collomb (1978), dans les années soixante. Ses travaux se sont focalisés sur l'aspect thérapeutique. Or le ndëpp est plus largement un culte d'alliance et de fondation avec les esprits ancestraux, les rabs. Dans sa dimension rituelle d'initiation et de possession, ce culte serait partiellement comparable  au(x) vaudou(s) haïtien et béninois, au bori haoussa, au zar éthiopien voire au derdeba de la confrérie des gnaouas du Maroc, au candomblé du Brésil.

Les « rabs » (en wolof : animal) appartiennent à un ensemble qui peut être appréhendé comme celui des esprits ancestraux (Vezzoli, 1972). Les rituels du ndëpp vont justement permettre de faire une alliance et de fixer un ou plusieurs rabs. Le double de chaque être humain a été conçu par ses parents-rabs en même temps que l'être humain. Son rab individuel le protège et l’accompagne tout au long de sa vie. Mais, si ses exigences ne sont pas satisfaites, le rab génère du désordre à l'intérieur de l'individu. Ce qui s'exprime sous forme de désorganisation des relations avec autrui.

Les humains ont perturbé l’équilibre des rabs en détruisant la flore (et notamment les arbres). Les rabs sont devenus sauvages parce que leur « xamb » (autel domestique - lieu de fondation) a été détruit sans aucune forme de rituel.

Employé plus largement, le mot rab désigne aussi les djinés et saytanés islamiques, car il n’y a pas de distinction claire entre les traditions animiste et islamique, chez les Wolofs et notamment chez les Lébous.

Même si de nombreuses variantes existent, il existe plusieurs phases dans la démarche thérapeutique du ndëpp47 :

Ces phases se déroulent sur plusieurs jours, voire parfois plusieurs mois si l'on y inclut les rencontres initiales et la phase de consultation – diagnostic.

Le lépreux et le ndëpp

Dans les villages traditionnels de Dakar48, la personne marquée par la différence (en particulier celle qui est atteinte de troubles psychiques) est perçue de façon paradoxale. Lorsqu’elle n’est plus vécue comme porteuse d’un message sacré, et donc comme une forme de présence divine au sein de la communauté, elle devient sujette au rejet social.

« Wagrin, comme d’ailleurs tous les africains de son époque, croyait fermement aux présages tirés des évènements. Le hasard ou l’événement fortuit n’existait pas dans son esprit. Tant pis pour celui qui refuse de se mettre à l’écoute des avertissements que les forces supérieures qui gouvernent l’univers, donnent parfois sans paroles audibles… (Antoine Makonda, 1988, 51)»

Les tradipraticiens cherchent à remettre le malade dans son univers : sa famille, ses ancêtres, son environnement spirituel et culturel. Le guérisseur pratique le ndëpp. Cette célébration prend des allures très populaires et toute la communauté se retrouve dans le « pinthie » 49. Connaissant le chant et le rythme, le guérisseur va chercher les esprits ancestraux. Le malade se met en transe. En contact avec l’invisible, l’humain transmet un message des esprits aux humains. Les esprits malveillants qui retenaient le « fou » dans le monde non humain vont progressivement le libérer. Les esprits boivent le sang des sacrifices qui s’écoule des animaux offerts. On verse du vin, de l’eau puis on boit le « soow » (lait caillé). Le malade rétablit la relation avec les autres en offrant des cadeaux. Il s’agit pour lui de sortir de cet état flottant d’errance, de chasser ce vide affectif et ce sentiment d’obligations non accomplies (actes, deuil, brisures…).

Les deux systèmes de soins traditionnel / occidental sont utilisés par la plupart des personnes à Dakar. Généralement, les gens ont coutume de commencer par la divination du marabout, avec la médecine traditionnelle. Si ça ne marche pas, ils recourent au diagnostic spécifique de la médecine occidentale.

‘« A huit ans, j’ai eu la maladie. Au début, mes parents croyaient que c’était l’œuvre du diable (…). C’est à la fin seulement que je suis parti à l’hôpital où on a décelé la lèpre et c’est là-bas qu’on m’a soigné ! ». ’

Survenant dans l’histoire individuelle du malade, les déficiences sensori-motrices et les troubles mentaux doivent être situés dans le contexte des transformations culturelles et sociales dans lequel il évolue. En particulier dans les campagnes, là où les programmes d’information sur la lèpre sont rares et les dispensaires éloignés, les personnes atteintes de la lèpre ont suivi les traitements des tradipraticiens et connu des rites similaires au ndëpp des Lébous pour exorciser le mal qui les avait atteints.

Traditionnellement, un enfant qui devient malade, avec des déformations et des troubles psychiques et mentaux, peut être considéré par son entourage comme un enfant du djinn. On considère que le véritable enfant a été volé par le djinn pour garder ses troupeaux. En échange, l’enfant du djinn est resté. On peut aussi considérer qu’un mort est revenu habiter le corps de l’enfant. L’influence des marabouts génère de la maltraitance qui peut aller jusqu’à l’assassinat (non reconnu) de l’enfant différent. Car il est considéré comme non-humain. On peut le sous- alimenter, le mettre dans une cage ou un recoin, l’insulter en lui criant « sors de là !», etc.

Dans la pensée ethno psychiatrique, la santé et la maladie mentale ont de la consistance et peuvent être clairement identifiées. Elles sont séparées par un abîme et donc distinguables. Georges Devereux, plus attentif aux transactions qu’aux ruptures, aux accords qu’aux écarts infranchissables, met l’accent sur une pensée en perpétuel régime d’expérimentation. Sans se figer dans un système (comme celui de Claude Lévi-Strauss ou du pessimisme de Sigmund Freud), il reste ouvert à la complexité du réel.

Dans le rêve, la transe et la folie, Roger Bastide montre le processus de socialisation de la transe sauvage. La transe africaine est un langage, inscrite dans un système mythique, avec des gestes corporels transmis par l’éducation. C’est aussi un instrument de contrôle social qui favorise la réintégration de l’individu atteint par le mal dans la communauté. Car le malade est perçu comme atteint d’un mal inconnu qui le ronge. Il y a une cohésion et une cohérence de la pensée africaine. Dans sa préface, François Laplantine relève l’optimisme de l’univers bastidien : « c’est celui de « l’équilibre », de « la compensation », de « l’intégration », de « l’incorporation », c’est-à-dire de l’affirmation et de la prolifération (née du brassage créatif des cultures), du foisonnement des affects qui peuvent être perçus jusque dans les conduites pathologiques. (2003,16-17) »

La lèpre : œuvre du diable ou don de Dieu ?

Don de Dieu : Ahmadou Kourouma (2000, 17) montre comment cette maladie se surajoute aux « obligations » de la condition féminine, faisant de l’acceptation et de la résignation une valeur en soi :

‘« Tu devrais au lieu de te plaindre prier Allah koubarou ! (Allah est grand) Allah koubarou ! Tu devrais remercier Allah de sa bonté. Il t’a frappée ici sur terre pour des jours limités de douleurs. » ’

Ce qui est renvoyée à la mère lépreuse, c’est que ses douleurs sont mille fois inférieures à celles de l’enfer. Elle ne souffre que durant sa vie, tandis que les autres condamnés, mécréants et méchants souffriront les douleurs de l’enfer pendant toute l’éternité. C’est également cette culture de l’acceptation qui imprègne la majorité des lépreux à Dakar.

Œuvre du diable : la lèpre est, depuis la nuit des temps, une maladie honteuse. Pire encore, de par sa contagiosité, elle provoque le bannissement de l’individu hors de sa communauté. Le malade est alors considéré comme impur. Son impureté n’est pas seulement liée au risque de contagion, mais à des perceptions archaïques d’une faute originelle, d’un sort divin dû au péché.

La perception que les lépreux ont de leur maladie n’est pas celle de l’impureté. Ils connaissent les risques de contamination (mineurs) de la lèpre et savent qu’ils sont « blanchis », et donc non contagieux grâce au traitement. Ils ne se sentent pas appartenir au monde du non-humain, au monde de l’hybride tel que le décrit si bien Anne Bergès. Ils ont la conviction de leur égale dignité et humanité « comme tout le monde ». Ils s’assimilent encore moins aux figures de persécution projetées sur eux. Certes, ils reconnaissent la lèpre qui les atteint comme une épreuve. Certains la nomment malédiction : « Ce que nous vivons, c’est un cumul de malédiction de Dieu : la lèpre, la maladie, la femme, les enfants ! »

Cette épreuve envahit le corps et l’âme, c’est-à-dire tout leur être : « Je ressens une immense fatigue. Elle vient de mon âme et alourdit tout mon corps. »

Leur source de résistance vient de leur foi en Dieu et de la noblesse de leur rôle de soutien de famille qu’ils investissent, et en particulier du rôle de la mère. Mariama Ba (2001,124) montre cette force de la mère qui, à chaque drame de la vie, recourt à Dieu ; cette mère qui comprend l’inexplicable.

« On est mère pour illuminer les ténèbres. On est mère pour couver, quand les éclairs zèbrent la nuit, quand le tonnerre viole la terre, quand la boue enlise. On est mère pour aimer, sans commencement ni fin. »

Notes
46.

Un autre exemple de réussite sociale est celui de Saloum Dieng. Lépreux et amputé de ses doigts de pied et de main, il est devenu la plus grande vedette nationale dans les années 1960 –1970 au Sénégal. En effet il avait une très belle voix, avec une coloration un peu nasillarde, car son visage était touché par la lèpre. Sa troupe était composée de ses nombreuses femmes - réputées pour leur beauté - qui chantaient et dansaient à merveille. Ses musiciens jouaient la musique traditionnelle avec la kora, le balafon, le tam tam, le Xalam (instrument à corde) et le tama (petit tam tam à corde tenu sous l’aisselle). Devenu extrêmement riche, il a investi dans une entreprise de transport, parallèlement à sa carrière artistique. On l’appelait par son nom, « Saloum », et jamais « gana bi » (le lépreux). Saloum, c’est l’un des fleuves du Sine Salloum. Kaolack était à l’époque une grande ville. sa prospérité et celle de sa région était générée par la culture de l’arachide. Cette ville connaissait aussi un grand essor culturel. Reconnu dans ses compétences artistiques exceptionnelles, la maladie n’a pas été un obstacle pour lui. Loin de le figer dans une « identité lépreuse », cette reconnaissance lui a permis de se forger une place de choix dans la société.

48.

Quelques villages de pêcheurs sont considérés comme villages traditionnels avec un statut particulier car classés dans le domaine maritime. Ce sont les villages lébous de Yoff, Ouakam, Hann, Thiaroye, Cambérène et Ngor. Ces villages sont à cheval entre la culture traditionnelle lébou et la culture moderne dite occidentale de la ville.

49.

Le « pinthie » est à la fois le lieu et le moment de la rencontre pour régler tous les problèmes de la vie de la communauté avec les chefs coutumiers. Chez les Wolofs, une sorte de grande tente ouverte est dressée au bord de la mer.