Entretiens avec Ndak et ses amies (extraits)

Femme de 30 ans, répudiée, 6 mois de rue, déficience visuelle, répudiée, orpheline sans parents, 2 enfants, handicap visuel, langue wolof.

« J’ai eu 4 enfants. Deux sont morts. J’ai un enfant de 8 ans et un de 12 ans. Je les ai laissés chez leur père, car c’est mieux pour eux, mieux que de vivre dans la rue. »

« J’avais 14 ans quand je me suis mariée. C’est moi qui ai choisi. Mon mari a pris une deuxième femme et il m’a abandonné. Il ne venait plus jamais passer la nuit avec moi. Depuis 5 ans, il m’a abandonnée. J’ai beaucoup souffert et un jour je n’en pouvais plus. Il m’a dit : « va t’en ! ».

Mon père et ma mère sont morts. Je n’ai plus personne. Alors je suis venue dans la rue à Dakar.

Je dors dans un coin d’immeuble, avec une autre femme qui a 2 enfants. Il y a les veilleurs qui nous protègent. Ca va. Mais on a froid.

Pour la nourriture, on mange : les restaurants nous donnent leurs restes. On n’a pas faim

Les vêtements, on les achète. J’ai un seul vêtement. Pour les toilettes, c’est 25 F CFA, pour les douches publiques, c’est 50 F CFA. Des fois on a l’argent, des fois non. L’argent, c’est comme ça (elle montre avec la main que ça monte et ça descend). Des fois, on a la chance… comme avec vous aujourd’hui !

Dans la rue, j’ai honte. Je sens le mépris des gens. Les femmes ne me comprennent pas du tout ; elles me rejettent. Je ne veux pas que mes enfants me voient comme ça. Personne ne le sait. Les hommes me font des propositions. On risque beaucoup dans la rue. Mais on n’est pas obligées de se prostituer.

« Oui, je veux m’en sortir. Ce qu’il me faut, c’est un logement. Avec 10 000 F CFA pour payer un mois de loyer. Après, ça ira, avec la manche dans la rue… et puis peut-être un travail si j’en trouve un !

Comme ça, je pourrai retourner voir mes enfants. Ils sauront où j’habite et je pourrai les prendre avec moi certains jours. » Le visage de Ndak s’éclaire d’un grand sourire. « Toutes les nuits, je pense à eux. »

La police, je les fuis. Ils sont méchants. S’ils nous montent dans le fourgon, ils nous frappent et ils nous emmènent au poste de police. Ils faut payer 3000 F CFA. Sinon, ils te gardent et ils t’emmènent en prison.

Je n’ai personne sur qui compter : ni famille, ni amis, ni soutien. Dans la rue, il n’y a pas de solidarité, même avec la femme avec qui je dors. Personne ne paierait pour moi. Quand je vois la police, je me cache !

J’ai peur aussi des voyous. Ce sont des jeunes qui se droguent au guinze. Tout ce qu’ils veulent, c’est de l’argent, ce qu’on a. C’est pour ça qu’on dort près des gardiens la nuit. Je me souviens, ils ont tué une personne de la rue en plein jour. Personne n’est intervenu, personne n’a rien dit : ils ont rien eu.

Les services sociaux qui viennent dans la rue nous voir, ça n’existe pas. Je ne suis jamais allée voir une assistante sociale. Dans la rue, il n’y a personne qui nous aide. Les hommes maintenant, j’en ai peur. C’est surtout à cause de mon mari. Il était violent avec moi.

Nous lui disons que « dans les rues à Lyon, il y a une personne sur dix qui est une femme. Et à Dakar ? »

Elle répond : « A Dakar, c’est la même chose. Il n’y a pas beaucoup de femmes. J’en connais une trentaine. La moitié d’entre elles retournent chez elles quand elles ont fini de mendier. »

est-ce qu’elles ont connu le même parcours que vous ? est-ce qu’elles ont été répudiées ?

Awa : je ne sais pas, parce qu’on ne se parle pas.

Quel âge ont-elles ?

Awa : Elles ont tous les âges. Il y en a des jeunes, mais aussi des femmes âgées.

En connaissez-vous qui sont sorties de la rue ?

Awa : je ne sais pas. Certaines vieillissent dans la rue.

Ousmane, femme de 35 ans, depuis 4 ans à la rue avec 2 enfants de 1 et 5 ans, répudiée, orpheline sans parents, handicap moteur (difficulté de déplacement).

Ndak nous présente son amie qui mendie dans la rue avec son enfant de 1 ans qui cherche à marcher (très dynamique) et son enfant de 5 ans qui dort, caché sous une couverture. Ousmane a un regard fuyant, toujours en allerte. Mohamed cherche tout de suite à venir dans mes bras, puis à jouer entre Aliou et moi, puis avec les gardiens sur le trottoir. Il est très sociable et dynamique.

La police, elle ne me dit rien, avec mes 2 enfants (tolérance). Les gens du quartier, ils sont gentils avec moi.

Les services sociaux, je n’en ai jamais vus et je ne les connais pas.

On a froid ; on a besoin de couvertures. C’est un logement qu’il me faut !

« J’ai accouché à l’hôpital. Après, je suis revenue dans la rue avec le bébé. C’est dur de trouver de la nourriture pour le bébé. Il mange comme nous. »