B - Le facteur politique : pouvoir et opportunisme

Certains auteurs préfèrent se concentrer sur les transformations politiques d’un Etat pour expliquer le phénomène nationaliste. Ces transformations, comme le développement du suffrage universel ou de l’Etat bureaucratique, sont des phénomènes modernes et facilitent la datation des nations, participant ainsi à la crédibilité de la théorie moderniste.

L’un des théoriciens que nous qualifierons de « modernistes » qui s’intéresse plus particulièrement au facteur politique est John Breuilly. Il cherche en effet à définir le nationalisme comme un mouvement strictement politique ayant dessein de prendre ou retenir le pouvoir grâce au contrôle de l’Etat moderne. Breuilly analyse ainsi des mouvements politiques cherchant à prendre le pouvoir en se justifiant au moyen du nationalisme. Tout en reconnaissant l’importance de facteurs culturels ou sociologiques dans tel ou tel mouvement nationaliste, il soutient que « nationalism is above all about politics and politics is about power »80, or qui dit pouvoir dit contrôle de l’Etat. Mais est-ce réellement ce qui rend le nationalisme si puissant dans le monde moderne ?

Pour pouvoir appréhender le nationalisme selon Breuilly, faut-il d’abord le considérer comme une forme d’activité politique ? Le nationalisme est pour Breuilly l’élément essentiel de cohésion entre la sphère politique représentée par l’Etat et la sphère privée représentée par la société civile. En alliant les côtés politique et culturel de la société le nationalisme permet de former un lien nécessaire entre l’intérêt des citoyens et celui des individus. Finalement, le nationalisme est un outil politique puissant qui permet aux élites de mobiliser les autres groupes sociaux tout en légitimant la fondation d’un Etat. La thèse de l’utilisation du passé et des caractères inhérents de la nation à des fins purement politiques et sa conséquente mobilisation des masses est très convaincante : force est de constater que la menace des mouvements nationalistes et leurs revendications apparaissent souvent comme un chantage politique à l’Etat central. Les arrangements financiers et politiques des nations périphériques de la Grande-Bretagne ainsi que la décentralisation sur mesure dont elles jouissent aujourd’hui n’en sont qu’une indication parmi tant d’autres. Mais cette analyse ne suffit pas à rendre compte de l’essence et de la forte inspiration culturelle du nationalisme.

Notes
80.

Breuilly , John, Nationalism and the State, Manchester University Press, 1982, p. 105 « le nationalisme est avant tout une question de politique et la politique est une question de pouvoir »