2 – Autopsie d’un échec au pays de Galles

L’élection partielle de Carmarthen en 1966 signala, comme nous l’avons vu plus haut, un véritable tournant pour le nationalisme gallois à la fois parce que Plaid Cymru s’imposait comme un parti avec lequel il faudrait désormais compter mais aussi parce que ses résultats, puis ceux du SNP en Ecosse aux élections partielles d’Hamilton l’année suivante, encouragèrent le gouvernement britannique à s’intéresser de plus près à la dévolution. Les premiers sondages explorant les attitudes des Gallois au regard de cette question suivirent bientôt : un sondage ORC d’avril 1968 trouvait 54% de Gallois favorables à l’octroi de davantage de pouvoirs décisionnels aux collectivités locales galloises, et 25% d’opinions favorables à un gouvernement gallois distinct du gouvernement anglais. Le gouvernement s’empressa donc de nommer une commission royale sur la constitution et celle-ci rassembla assez de données pour souligner un même mécontentement et une même volonté de réformes dans toute la Grande-Bretagne, bien qu’à des degrés variés. Ainsi les habitants du Yorkshire, de l’East Anglia ou du Grand-Londres exprimaient-ils les mêmes griefs que les Gallois148. Toutefois, la commission royale, hormis les deux auteurs du rapport minoritaire, ne recommanda la mise en place de la dévolution que dans les cas de l’Ecosse et du pays de Galles, signifiant ainsi que la menace du nationalisme politique primait sur l’opinion publique. En effet, cette caractéristique était particulièrement visible au pays de Galles où la publication du second livre blanc de novembre 1975 reçut un accueil mitigé : en décembre, un sondage du Western Mail trouvait 30% d’opinions favorables, 39% d’opinions défavorables et 31% d’indécis149. Des chiffres qui restèrent stables entre 1975 et 1978, comme le souligne le tableau ci-après. En revanche, les trois-quarts des sondés étaient favorables à l’idée d’un référendum.

Tableau 9 - Intentions de vote au pays de Galles, 1975-1978
Date du sondage Institut de sondage Oui Non Sans Opinion
12 déc. 1975 R and M 30% 39% 31%
6 déc. 1976 R and M 27% 40% 33%
18 mars 1977 R and M 27% 53% 21%
5 mai 1978 Abacus 34% 39% 27%
15 sept. 1978 Abacus 27% 41% 31%

Source: Denis Balsom & Ian MacAllister, The Scottish and Welsh Devolution Referenda, Parliamentary Affairs, 32, 1979. R and M = Research and Marketing (Wales and West) Ltd, sondages menés pour le Western Mail et HTV Wales. Sondages Abacus pour BBC Wales.

En fait, quand la campagne fut lancée officiellement au pays de Galles le 8 février 1978, un sondage de la BBC publié le jour même faisait état de proportions similaires avec 46% d’avis favorables, 33% d’avis défavorables et 21% d’indécis. On notait un partage quasi-égal entre le « oui » et le « non » chez les partisans travaillistes, une majorité favorable au projet chez les nationalistes, une majorité défavorable chez les partisans conservateurs, deux tiers d’avis défavorables et une forte proportion d’indécis chez les libéraux. En somme, les sondages s’accordaient à dire que la dévolution serait rejetée au pays de Galles et à souligner un conflit entre les directives des partis et la préférence constitutionnelle des électeurs, notamment chez les travaillistes et les libéraux. On constate, en effet, dans le tableau ci-après, un durcissement des positions des nationalistes et des conservateurs entre le 1er février et le 22 février 1979, suivant les directives des partis, tandis que les partisans travaillistes et libéraux s’éloignaient massivement de la position officielle de leur parti. Il s’agira donc de mesurer l’impact de la campagne électorale au pays de Galles et de comprendre les raisons profondes d’un échec annoncé.

Tableau 10 - Intentions de vote lors de la campagne électorale
Dates des sondages Intentions de vote au référendum Intentions de vote aux élections législatives
Conservateur Travailliste Libéraux Plaid Cymru Tous
1er février 1979 « oui » 20% 41% 27% 73% 33%
« non » 63% 40% 50% 9% 46%
Sans opinion 17% 19% 23% 18% 21%
21-22 février 1979 « oui » 7% 27% 19% 83% 22%
« non » 87% 58% 67% 12% 65%
Sans opinion 6% 14% 13% 6% 13%

Source: Abacus – sondages BBC Wales, 1979.

Dès sa mise en place, la campagne électorale du gouvernement fut marquée par les divisions profondes partageant les travaillistes sur la question constitutionnelle ; des divisions qui avaient déjà considérablement compliqué le passage du projet aux Communes. En effet, le gouvernement ne put publier de dépliant officiel détaillant les arguments en faveur de la mise en place du projet, similaire à celui qui avait précédé le référendum sur l’entrée du Royaume-Uni dans la CEE, car, selon John Morris, secrétaire d’Etat pour le pays de Galles à l’époque, le gouvernement  « found it impossible to draw up a form of words acceptable to all parties in the campaign. There would be major controversy and nobody would be satisfied »150. De même, la campagne électorale du « oui » fut divisée en deux groupes avec une « organisation parapluie » du « oui » rassemblant nationalistes, libéraux et conservateurs (Wales Assembly Campaign) et une campagne strictement travailliste et alliée aux syndicats (Labour Party - Wales TUC (Yes) Campaign). Face à ces deux organisations du « oui », le camp du « non » s’était également partagé en deux organisations : une « organisation parapluie » du « non » dominée par les conservateurs (No Assembly Campaign) et une organisation travailliste (Labour No Assembly Campaign) dirigée par le « Gang des Six » travaillistes dissidents, à savoir Leo Abse (de la circonscription électorale de Pontypool), Donald Anderson (de Swansea East), Ioan Rees (d’Aberdare), Fred Evans (de Caerphilly), Ifor Davies (de Gower) et, enfin, Neil Kinnock (de Bedwellty), qui joua un rôle décisif dans l’obtention d’un référendum et qui apporta son soutien à l’amendement Cunningham.

Bien qu’il fût divisé en deux organisations distinctes, le camp du « non » à la dévolution eut l’avantage de produire une campagne électorale cohérente puisque les arguments avancés par ces deux groupes tendaient à se compléter. Ainsi, tous deux adhéraient à la thèse de la « pente glissante » vers le séparatisme même si la Labour No Assembly Campaign (LNAC) tendait à souligner plus particulièrement les effets négatifs potentiels de la dévolution, et notamment ses aspects économiques, le coût de la dévolution étant un argument particulièrement important dans leur campagne. Le camp du « oui », en revanche, mettait l’accent sur des aspects différents de la dévolution dans ses diverses publications, au risque parfois de se contredire. Ainsi, tandis que la Wales Assembly Campaign (WAC) supposait que les pouvoirs économiques octroyés à l’assemblée galloise suffiraient à régler les problèmes économiques gallois, la Labour Wales Assembly Campaign (LWAC) rejetait le point de vue selon lequel l’assemblée contrôlerait l’économie galloise, qui selon John Morris demeurait « indivisible from England »151, pour défendre l’idée que l’octroi des affaires sociales à l’assemblée laisserait au Welsh Office le temps de s’occuper pleinement des affaires économiques et industrielles du pays de Galles. En fait, les controverses soulevées par le Wales Act depuis sa conception permettait aux anti-dévolutionnistes de pousser les partisans de la dévolution sur la défensive, comme le souligne les Speaker’s Notes préparées par le parti travailliste. Seules trois des onze pages du document concernaient les propositions du gouvernement et leurs bénéfices potentiels pour le pays de Galles tandis que le reste était généralement consacré à répondre aux questions épineuses soulevées au Parlement par des travaillistes dissidents.

La question des finances de l’assemblée attirait notamment les foudres des anti-dévolutionnistes qui s’accordaient à dire que si la subvention globale était négociée puis distribuée par l’assemblée, cela risquait d’une part de diminuer le rôle des collectivités locales, et d’autre part de pousser ces dernières à augmenter les impôts locaux ou à réduire les dépenses sociales. De plus, la NAC craignait que ce système de finances n’aiguise les jalousies régionales et ne remette en question la générosité des subventions gouvernementales envers le pays de Galles (ce dernier bénéficiait alors de ₤167 supplémentaires par tête par rapport à l’Angleterre) tandis que la LNAC soulignait que ce cas de figure serait inévitable avec un Parlement britannique hostile ou indifférent aux besoins gallois. En outre, il n’existait pas de formule précise quant à l’allocation budgétaire de l’assemblée.

Face à ces arguments, la WAC ne cessait de répéter dans ses manifestes que l’assemblée signifierait la création de nouveaux emplois grâce au contrôle de l’économie galloise et de la Welsh Development Agency, mais aussi de meilleurs logements grâce à l’obtention de subventions supplémentaires, l’amélioration des services de santé et de l’éducation. Malheureusement, cet argumentaire se prêtait trop facilement à la critique puisque aucun chiffre précis n’était avancé et la dévolution était présentée plus comme un moyen d’obtenir des améliorations en matières d’éducation, de santé ou d’emploi que comme une garantie de ces améliorations. Dans un effort pour mesurer plus précisément les coûts de la dévolution, la WAC précisa que le coût de la dévolution au pays de Galles reviendrait à 0,50 pence par personne et par semaine, soit l’équivalent du prix « d’un paquet de cigarettes par an ». Bien qu’une telle déclaration n’ait pu manquer d’avoir un certain impact auprès du public, elle revenait à jouer sur le terrain des anti-dévolutionnistes, dont le manifeste Facts to Beat Fantasies, du 15 février 1979, évaluait le coût de l’assemblée à vingt millions de livres sterling pour sa première année de fonctionnement. Une somme qui pouvait être mieux placée dans l’infrastructure ou les services de santé selon la LNAC.

Néanmoins, les questions d’argent n’étaient pas le principal cheval de bataille des anti-dévolutionnistes. Les divisions géographiques et linguistiques des Gallois prirent une place particulière dans le débat sur la dévolution comme le remarque Gwen Mostyn Lewis, présidente de la Clwyd No Campaign :

‘« People in South Wales are very charming, but as a crowd they are loud and coarse. We do not want to be governed by Cardiff. The Assembly will be permanently dominated by Labour. It will be a dictatorship »152. ’

En effet, les habitants du nord du pays de Galles semblaient pour la plupart convaincus qu’une assemblée galloise serait dominée par des socialistes du sud dont ils n’épousaient pas les idées. Par ailleurs, nous noterons que la région du nord votera beaucoup pour le parti conservateur aux élections du 3 mai 1979. D’un autre côté, les habitants du sud, majoritairement anglophones, soupçonnaient quant à eux que l’assemblée serait dominée par une élite linguistique venue du nord, dite crachach. Les anti-dévolutionnistes purent donc récupérer les arguments des deux parties du pays de Galles dans une campagne opportuniste, visant à aiguiser les craintes du public. Cette « politique de la peur » (politics of fear) fut particulièrement utilisée par Leo Abse au sud où il laissait entendre que si les propositions de dévolution étaient acceptées, l’éducation bilingue deviendrait la norme au pays de Galles et des critères linguistiques seraient appliqués au marché du travail.

Malgré tous les efforts de la WAC pour faire comprendre au nord que les habitants de cette région pourraient envoyer davantage de députés et être, par conséquent, mieux représentés dans une assemblée galloise, et au sud que Cardiff deviendrait une véritable capitale, les pro-dévolutionnistes ne purent dissiper les craintes des Gallois, exacerbées par la campagne du « non », ou empêcher la campagne de se concentrer sur la théorie de « la pente glissante » vers l’indépendance. Il est d’ailleurs significatif de noter que ce thème fut au cœur de l’unique intervention du Premier ministre Callaghan au pays de Galles :

‘« They paint a picture of a Welsh Assembly totally dominated by Welsh speakers. I believe the Assembly by its very composition will put a stop to any such tendency – it is inconceivable that a body representing all parts of Wales should, or could discriminate against the vast majority of the electorate in Wales »153.’

Les derniers jours de la campagne virent donc les conservateurs et les travaillistes dissidents se concentrer sur les risques constitutionnels de la dévolution. On vit également s’exacerber les divisions au sein du parti travailliste : tandis que les anti-dévolutionnistes prévenaient que la dévolution était contraire aux intérêts du travaillisme en Grande-Bretagne car elle servirait à diviser le mouvement (comme l’illustrait, paradoxalement, les travaillistes dissidents) et à affaiblir la classe ouvrière, les pro-dévolutionnistes accusaient le « Gang des Six », dont quatre d’entre eux vivaient dans la région de Londres, de jouer un jeu conservateur et d’utiliser des arguments anti-socialistes.

L’épilogue de la campagne vit les pro-dévolutionnistes diriger la campagne vers un front anti-conservateur. La dévolution devenait donc le symbole politique de la résistance galloise aux conservateurs, comme l’exprime la déclaration de Michael Foot à Brynmawr :

‘« Our opponents are mostly just plain Tories – and they are wrong as usual »154. ’

L’argument d’un retour éventuel au pouvoir des conservateurs fut seulement utilisé par la WAC pendant la dernière semaine de la campagne car elle n’avait pas voulu compromettre l’intégrité de son organisation multipartisane. Cet argument de dernière heure fut imprimé dans de nombreux dépliants sur lesquels on pouvait lire : « Support Labour to defeat the Tories. Vote Yes on March 1 st » ou « Vote Yes : to maintain the Labour government. Don’t let the Tories win a victory in Wales. A vote against the Assembly will weaken the Labour government at Westminster, and could force an early General Election. Vote for the government on March 1 st . Vote Labour. »155

La campagne se termina donc sur une note négative et le gouvernement travailliste ne put contrer efficacement les arguments de ses opposants, à savoir le coût de la dévolution, le trop plein de bureaucratie au pays de Galles et les risques de séparatisme, un sujet intrinsèquement lié à la question linguistique. Après une nuit d’attente, les Gallois se réveillèrent à l’annonce d’un vote « non » retentissant : 79,7% des électeurs s’étaient exprimés défavorablement à la dévolution contre 20,3% de suffrages favorables pour un taux de participation de 58,3%. Les résultats régionaux ci-dessous soulignent une certaine homogénéité du « non » dans tout le pays puisque aucune région ne s’est montrée favorable à la dévolution, mais l’on remarque néanmoins des taux de participation plus élevés et une plus forte proportion de votes « oui » dans les régions d’Y Fro Gymraeg (Gwynedd et Dyfedd). Le bastion galloisant de Gwynedd fut le premier à annoncer ses résultats vers 13 heures et confirma les pires craintes des dévolutionnistes avec 71 157 suffrages pour le « non » contre 37 363 pour le « oui ». Les derniers résultats furent ceux de Gwent, bastion des anti-dévolutionnistes comprenant les circonscriptions électorales de Neil Kinnock et Leo Abse, accordant 12,1% seulement de votes « oui » et rejetant la dévolution par une majorité de 87,9%.

Tableau 11 - Résultats du référendum gallois de 1979 par région
Comtés Nombre de suffrages « oui » Nombre de suffrages « non » Taux de participation Pourcentage du vote « oui » Pourcentage du vote « non »
Clwyd 31 384 114 119 51,1% 11% 40,1%
Gwynedd 37 363 71 157 63,4% 21,8% 41,6%
Dyfed 44 849 114 947 64,6% 18,1% 46,5%
Powys 9 843 43 502 66% 12,2% 53,8%
West Glamorgan 29 663 128 834 57,5% 10,8% 46,7%
Mid Glamorgan 46 747 184 196 58,5% 11,8% 46,7%
South Glamorgan 21 830 144 186 58,7% 7,7% 51%
Gwent 21 309 155 389 55,3% 6,7% 48%
Pays de Galles 243 048 956 330 58,3% 11,8% 46,5%

Source: Foulkes et al, op. cit. p. 138.

L’analyse des électeurs menée par Foulkes et al 156 entre le 5 mai 1978 et le 22 février 1979 suggère que le rejet de la dévolution ne dépendait ni de clivages socio-économiques ou démographiques, ni de divisions linguistiques et géographiques. En effet, galloisants et anglophones ont rejeté la dévolution en proportions égales. L’on note juste une plus forte proportion de défections chez les femmes que chez les hommes et une stabilité de l’opinion chez la classe moyenne aisée (AB). Enfin, le glissement de l’électorat vers le « non » apparaît davantage lié aux partis politiques puisque l’on note des glissements inégaux entre les partisans de partis politiques avec 32,9% de défections chez les partisans travaillistes mais un ajout de 1,2% chez les nationalistes.

Tableau 12 - Uniformité des changements d’attitude à la dévolution par pourcentage d’électeurs favorables à la dévolution
  5 mai 1978 21-22 février 1979 Différence
Sexe      
Masculin 45,1% 26% -19,1%
Féminin 54,3% 23,7% -30,6%
Age      
18-34 ans 59,4% 32,6% -26,8%
35-54 ans 44,9% 21,9% -23%
55+ 46% 23,8% -22,2%
Groupe socio-économique      
AB : classe moyenne aisée 30% 25,2% -4,8%
C1 : classe moyenne 37,7% 17,4% -20,3%
C2 : classe ouvrière qualifiée 56% 26,2% -29,8%
DE : classe ouvrière semi ou non qualifiée 59,1% 31,9% -27,2%
Langue      
galloisants 62,8% 38,8% -24%
anglophones 44,2% 20,3% -23,9%
Région      
sud 44,6% 26% -23,6%
nord-ouest et ouest 53% 27,1% -25,9%
nord-est et centre 45% 19,9% -25,1%
Intentions de vote      
parti travailliste 64,7% 31,8% -32,9%
parti conservateur 23,6% 8,1% -15,5%
parti libéral-démocrate 30% 21,4% -8,6%
Plaid Cymru 86,8% 88% +1,2%
Total pays de Galles 50% 25,6% -24,4%

Source: BBC Wales –Abacus polls 1978/1979. Foulkes et al, op. cit. p. 206

Puisque les défections vers le « non » semblent à première vue être liées aux partis politiques, il s’agira donc pour Foulkes et al de sonder les arguments avancés par les électeurs pour ou contre une assemblée galloise en comparant deux sondages Abacus pour BBC Wales correspondant au début et à la fin de la campagne. La comparaison permet de mesurer l’impact de la campagne. Or, on constate peu de changements dans les préférences des sondés bien qu’il faille rappeler que l’échantillon du « non » avait considérablement augmenté dans le deuxième sondage. Quoi qu’il en soit, il apparaît que les avantages et inconvénients d’une assemblée n’avaient pas été altérés dans l’esprit de l’électorat par les arguments utilisés pendant la campagne.

Tableau 13 – Avantages et Inconvénients de la dévolution : préférences du public par liste prédéfinie Lesquelles de ces réponses représentent pour vous les avantages/inconvénients les plus importants d’une assemblée galloise ? (3 réponses maximum)
  Sondages
Electeurs favorables I II
Une assemblée galloise… % %
contribuera à réduire la tâche parlementaire de Westminster 8,6 8,1
accordera plus de temps aux besoins spécifiques du pays de Galles 24,7 25,8
contribuera à protéger les emplois et améliorer le niveau de vie 23,1 21,4
est nécessaire parce que toute nation doit avoir son propre parlement 8,6 10,6
pourrait aider à protéger le pays de Galles 15 11,5
améliorerait la démocratie au pays de Galles 7,1 11,8
sans opinion 12,9 10,8
Electeurs défavorables    
Une assemblée galloise…    
impliquera de nouvelles dépenses 23,5 26,2
réduira l’influence galloise à Westminster 6,2 7
provoquera de l’instabilité et des dommages à l’économie 15,4 13,3
est la première étape du séparatisme 18,4 19,4
tenterait d’obtenir des bénéfices pour le pays de Galles aux dépens d’autres régions britanniques 4,6 4,2
créerait un niveau de bureaucratie supplémentaire 19,1 20,7
sans opinion 12,8 9,2

Source: I=BBC Wales-Abacus poll, 1er février 1979 ; II=BBC Wales-Abacus poll, 21-22 février 1979. Foulkes et al, op. cit. p. 208.

En outre, un sondage plus complet sur les raisons des décisions de vote de l’électorat gallois lors du référendum de 1979 révèle que parmi les partisans du « oui », la majorité des électeurs ont souligné une amélioration potentielle de la qualité de gouvernement au pays de Galles. En revanche, les partisans du « non » ont, de façon générale, exprimé leurs inquiétudes vis-à-vis des questions identitaires ou du nationalisme. En effet, 41% des sondés partisans du « non » ont donné des raisons liées aux questions identitaires, contre 15,4% de sondés préoccupés par des questions économiques et financières. Seuls 2,5% des partisans de la dévolution et 2,8% de ses opposants déclaraient vouloir simplement suivre les directives de leur parti. On constate donc que les allégeances politiques n’ont pas joué de rôle majeur dans le résultat du référendum et que la campagne n’a eu qu’un effet accessoire puisque les questions économiques sur lesquelles elle s’était surtout concentrée n’ont pas joué de rôle aussi important que les questions identitaires.

Tableau 14 - Avantages et inconvénients de la dévolution : réponses spontanées Avez-vous voté pour ou contre le projet de dévolution du gouvernement ? Pourquoi avez-vous voté « oui »/ « non » ?
Catégories générales Electeurs favorables Electeurs défavorables
Affirmation nationale 15,4% 41%
La langue galloise 0,6% 4,6%
Qualité du gouvernement 37,7% 16,8%
Gains ou pertes économiques/financièr(e)s spécifiques ou générales 16% 15,4%
Respect des directives des partis 2,5% 2,8%
Réponses générales, spécifiques ou incodifiables 27,8% 19,4%

Source: Welsh Election Study Survey 1979.

Notons par ailleurs qu’en 1979, 58,6% des Gallois se déclaraient gallois, 33,5% d’entre eux se déclaraient britanniques et 7,9% anglais. De plus, 76% des électeurs ayant voté « oui » à la dévolution s’identifiaient à l’identité galloise et 19% à l’identité britannique tandis que 50% des électeurs ayant voté « non » s’identifiaient à l’identité galloise et 45% à l’identité britannique. Il y a donc une corrélation entre vote au référendum et identité nationale. Toutefois, le cas des partisans travaillistes appelle à se pencher de plus près sur la perception des positions des divers partis sur la dévolution. En effet, si 66% des partisans travaillistes se considéraient gallois contre 29% britanniques en 1979, seuls 33% de ces partisans travaillistes d’identité galloise ont déclaré avoir voté « oui » contre 67% de « non », tandis que les partisans travaillistes d’identité britannique ont déclaré avoir voté « oui » à 14% et « non » à 86%. On remarque donc dans le sondage suivant que seuls les nationalistes étaient perçus majoritairement comme favorables à la dévolution dès le début de la campagne. De plus, on constate une forte proportion de réponses exprimant des doutes quant à la position de tous les partis. Au début de la campagne, seuls 33,8% des sondés considéraient que les travaillistes étaient majoritairement favorables à la dévolution et 21,9% des sondés pensaient que les syndicats y étaient majoritairement favorables. Il est également surprenant de constater qu’à la fin de la campagne, seuls 53,6% des sondés considéraient le gouvernement travailliste comme étant favorable à son propre projet de dévolution. Les sondés plaçaient pourtant sans peine les conservateurs dans le camp du « non » (58,6%) et huit sondés contre un plaçaient les nationalistes dans le camp du « oui ».

Tableau 15 - Quelle est la position des groupes suivants vis-à-vis de la dévolution ?
  Majoritairement favorables Egalement divisés Majoritairement défavorables Ne sais pas
Commerce et industrie 16,2% 10,8% 20,2% 17,2% 32,4% 38,9% 31,1% 33,1%
Syndicats 21,9% 26,8% 19,5% 19,9% 22.8% 17,6% 35,8% 35,8%
Gouvern. 36,4% 53,6% 20,5% 17,2% 20% 14% 23,1% 15,1%
Députés travaillistes 33,8% 39% 27,9% 34% 14,1% 10% 24,3% 17,1%
Parti libéral 19,4% 21% 18,1% 20,5% 19,4% 16,5% 43% 42,1%
Parti conservateur 9,5% 6,3% 14,5% 12,1% 46,2% 58,6% 29,9% 23%
Plaid Cymru 74,7% 79,2% 3,1% 3,7% 3,3% 2,6% 18,9% 14,5%
Sondage I II I II I II I II

Source : I=BBC Wales-Abacus Poll, 1er février 1979 ; II=BBC Wales-Abacus Poll, 21-22 février 1979. Foulkes et al,op. cit. p. 211

Si l’on compare la perception des positions de ces groupes avec le vote des sympathisants travaillistes, on remarque que ces derniers avaient des perceptions différentes de la position de leur parti selon qu’ils aient l’intention de voter « oui » ou « non » au référendum. Ainsi, parmi les sondés favorables à la dévolution et sympathisants du parti travailliste, on trouve une majorité d’entre eux consciente de la position favorable du gouvernement et 52,1% convaincus du soutien des syndicats au projet. Les partisans travaillistes défavorables à la dévolution ne sont, quant à eux, qu’une petite minorité à exprimer l’idée que les syndicats sont favorables au projet de dévolution du gouvernement. Il existe donc deux profils mutuellement exclusifs chez les sympathisants travaillistes de l’époque : des électeurs favorables à la dévolution, reconnaissant le soutien du parti dont ils sont sympathisants et des électeurs défavorables rejetant l’idée qu’ils votent en contradiction du gouvernement et du parti dont ils sont sympathisants. Les sympathisants travaillistes ne sont unanimes que sur la position du parti nationaliste, Plaid Cymru, bien que certains prennent en compte l’alliance des travaillistes avec les nationalistes tandis que d’autres la rejettent.

Finalement, il apparaît que le public gallois en général a clairement identifié Plaid Cymru avec la dévolution et ce facteur, ajouté à l’importance des questions identitaires dans le vote au référendum, expliquera sans doute l’échec du référendum au pays de Galles. En associant la dévolution au parti nationaliste, les Gallois auront accordé au projet un soutien électoral égal à celui que recevait Plaid Cymru à l’époque. Le fossé entre le pourcentage d’électeurs se considérant d’identité galloise et le pourcentage d’électeurs votant « oui » au référendum souligne dès lors que le type de nationalisme que représente Plaid Cymru demeurait marginal au pays de Galles en 1979. Mais qu’en était-il en 1997 ? Pourquoi le parti travailliste décida-t-il de proposer un nouveau projet de dévolution en 1997 ? Comment expliquer la différence entre les résultats des deux référendums ? Il s’agira pour cela de mesurer l’impact de l’échec de 1979 et d’analyser les évènements qui mèneront à la création de nouvelles arènes politiques en Ecosse et au pays de Galles.

Tableau 16 - Perceptions des positions vis-à-vis de la dévolution chez les partisans travaillistes Quelle est la position des groupes suivants vis-à-vis de la dévolution ?
Intentions de vote au référendum
Tous « oui » « non »
Le gouvernement            
Majoritairement pour 35,2% 51,6% 48,5% 64,4% 34,7% 45,3%
Majoritairement contre 18,6% 14,5% 16,8% 9,6% 22,4% 19,5%
Les députés travaillistes            
Majoritairement pour 39,1% 40% 49,5% 54,9% 38,8% 34,3%
Majoritairement contre 13,6% 10% 5,9% 7,5% 20,4% 12,6%
Les syndicats          
Majoritairement pour 20,1% 15,6% 32,7% 52,1% 17,3% 19,8%
Majoritairement contre 24,3% 20,4% 21,8% 9,9% 29,6% 27,8%
Plaid Cymru            
Majoritairement pour 75,7% 75% 78,2% 78,6% 85,7% 81,4%
Majoritairement contre 3% 2,7% 2% 5,4% 3,1% 1,2%
Sondage I II I II I II

Source : I=BBC Wales Abacus Poll, 1er février 1979, II=BBC Wales-Abacus Poll, 21-22 février 1979. Foulkes et al, op. cit. p. 212

Notes
148.

Cf Foulkes et al, op. cit. p. 200

149.

Western Mail , 16 décembre 1975.

150.

The Guardian , 8 février 1979, www.guardian.co.uk « fut confronté à l’impossibilité de rédiger un document acceptable à tous les partis présents dans la campagne. Il y aurait eu une controverse majeure et en fin de compte personne n’aurait été satisfait »

151.

South Wales Echo, 20 février 1979. «  indivisible de l’Angleterre »

152.

Western Mail , 23 février 1979. « Si les habitants du sud du pays de Galles peuvent être tout à fait charmants, ils peuvent aussi être bruyants et crus quand ils sont en groupe. Nous ne voulons pas être gouvernés par Cardiff. L’Assemblée sera dominée en permanence par les travaillistes. Ce sera une dictature ».

153.

The Guardian , 21 février 1979. « Ils dépeignent une Assemblée entièrement dominée par des galloisants discriminant activement contre les anglophones. Je crois que l’Assemblée, par sa composition, mettra fin à toute tendance de ce type. Il paraît inconcevable qu’un corps de gouvernement représentant toutes les parties du pays de Galles discrimine, ou puisse discriminer, contre la grande majorité de l’électorat gallois »

154.

South Wales Echo , 6 fevrier 1979. « Nos adversaires ne sont que de simples Tories… et comme d’habitude, ils ont encore tort »

155.

Foulkes et al, op. cit.p. 136. « Soutenez le parti travailliste et mettez le parti conservateur en échec. Votez Oui le 1er mars. » ; « Votez Oui : pour maintenir le parti travailliste au gouvernement. Ne laissez pas les Tories obtenir une victoire au pays de Galles. Un vote contre l’Assemblée affaiblira le gouvernement travailliste à Westminster et pourrait signifier une élection générale rapide. Votez pour le gouvernement le 1er mars. Votez travailliste ».

156.

Ibid . p. 206.