Malgré le défi lancé implicitement au gouvernement conservateur britannique dans son titre et une introduction se prêtant aisément à une possible interprétation nationaliste162, le document ne faisait pas l’apologie de l’indépendance mais constituait au contraire un argumentaire pour la mise en place d’institutions garantissant l’autonomie de l’Ecosse. Le Claim of Right n’avait pas pour but de défendre l’existence d’une identité écossaise, qu’elle considérait comme acquise, mais la mise en place d’une institution à même d’assurer la représentation politique des Ecossais et la défense de leurs intérêts.
‘« Much ink is wasted on the question of whether the Scots are a nation. Of course they are »163. ’Le rapport était divisé en trois parties principales dont la première s’exerçait à expliquer les raisons pour lesquelles une réforme constitutionnelle était devenue nécessaire, avant de contredire point par point les arguments des sceptiques. Pour ses auteurs, la politique des conservateurs soulignait la vétusté de la constitution britannique, en complète contradiction avec le projet originel du traité d’Union, censé garantir une certaine autonomie de l’Ecosse grâce à la préservation d’institutions couvrant à l’origine l’essentiel de la vie civile et administrative du pays. Les gouvernements successifs n’avaient pas tenu compte de l’évolution des instances gouvernementales du Royaume-Uni, et l’autonomie accordée à l’Ecosse était restée circonscrite à des domaines ayant perdu de leur importance dans la vie de l’Ecosse moderne. L’inaptitude et les limitations inhérentes au fonctionnement du Scottish Office, ainsi que nous l’avons évoqué plus haut, en étaient un symptôme supplémentaire. Les risques de déficit démocratique que présentait une constitution dénoncée dans le document comme une « démocratie de façade »164 étaient en outre exacerbés par le système électoral en vigueur (scrutin uninominal à un tour et à majorité simple, autrement dit « first-past-the-post » en anglais) qui permettait aux députés d’être élus sans pour autant avoir remporté la majorité des suffrages dans leur circonscription et à un parti politique de gagner une élection sans avoir obtenu la moitié des suffrages exprimés. Dès lors, seule une assemblée écossaise élue pourrait redresser cette situation.
Les auteurs du Claim of Right rejetaient l’argument selon lequel la création d’une assemblée mènerait indubitablement à l’indépendance et ils affirmaient que le refus d’accorder une certaine autonomie à l’Ecosse était précisément ce qui profitait au nationalisme écossais. L’indépendance serait de toute façon un processus long et lourd qui impliquerait un grand débat public. Il était donc erroné de penser qu’une décentralisation des pouvoirs à une assemblée écossaise amènerait nécessairement les Ecossais à la sécession malgré eux. La question du West Lothian était également traitée dans le rapport dont les signataires rappelaient que la solution à ce problème appartenait aux Anglais puisqu’ils étaient libres de créer à leur tour une assemblée qui leur était propre. Puis, ils répondaient aux critiques concernant une trop grande bureaucratisation de l’Ecosse en soulignant que l’assemblée remplacerait le système du Scottish Office. Enfin, l’existence préalable du Scottish Office assurerait que les coûts de la mise en place d’une nouvelle forme d’administration à sa place seraient minimisés. Il s’agissait donc pour les Ecossais de prendre en main la gestion de leurs propres affaires, ce qui abondait finalement dans le sens du Premier ministre de l’époque, Margaret Thatcher, qui ne perdait rarement une occasion de pointer du doigt une certaine culture de la dépendance en Ecosse.
La deuxième partie du document fixait quatre objectifs principaux pour la Convention, qui devaient définir son rôle dans les années à venir, après avoir fait état de son système de fonctionnement, sa taille et sa composition.
‘« A Scottish Constitutional Convention would :Il était primordial d’assurer que la Convention représente le plus fidèlement possible la population écossaise, mais la solution idéale d’une Convention élue directement par le peuple avait d’abord peu de chance d’être acceptée par le gouvernement et nécessitait ensuite un changement du mode de scrutin en vigueur pour adopter un scrutin à la proportionnelle. Deux solutions s’imposaient : la première, celle d’une Convention composée de membres élus au niveau national ou local, supposant une réelle consultation avec les autres groupes d’intérêt concernés qu’ils soient politiques ou apolitiques, et la seconde, une Convention composée de membres non-élus rassemblant des représentants des collectivités locales, des syndicats, de la Chambre de commerce, du patronat écossais, des églises ou encore des partis politiques, sur le modèle de la commission permanente sur l’économie écossaise (Standing Commission on the Scottish Economy) mise en place en juillet 1986. Or, le soutien des députés écossais était essentiel pour assurer la crédibilité et la popularité de la Convention ; leur présence aurait un réel impact sur l’avenir constitutionnel de l’Ecosse. Il était primordial que les députés écossais y participent afin que l’avenir de l’Ecosse ne se prépare pas sans eux. Le Constitutional Steering Committee recommanda donc la mise en place d’une Convention composée à la fois de membres élus et de représentants non élus de la société civile écossaise. Cette décision devait être renversée pour l’adoption d’une Convention composée uniquement de membres non-élus si les élus écossais refusaient la mise en place de la Convention. Il n’en fut rien.
Enfin, la troisième partie du Claim of Right examinait les différents moyens dont disposait la Convention pour mener à terme son projet, à savoir la mise en place d’une assemblée écossaise élue. En effet, s’il paraissait plus aisé de rédiger un projet d’assemblée en s’appuyant sur les documents existants et les débats précédents au sujet de la dévolution, tels que le rapport de la commission Kilbrandon, le Scotland Act avorté de 1978 ou les propositions précédentes des travaillistes et des conservateurs en matière de dévolution, parmi lesquels le Government of Scotland Bill de 1987 ou le document conservateur Unlocking the Future, publié en 1988 par le Conservative Constitutional Reform Forum, sans oublier les divers travaux des universitaires écossais ou les documents produits par les nationalistes et les libéraux, la mise en œuvre du projet demeurait le point culminant et le plus difficile à atteindre de cette vaste entreprise. En effet, d’aucuns craignaient que le gouvernement ne reconnaisse pas cette Convention comme un interlocuteur potentiel.
Owen Dudley Edwards, A Claim of Right for Scotland , Polygon, Edinburgh, 1989, p.1 « We hold ourselves fully justified in registering a general Claim of Right on behalf of Scotland, namely that Scotland has the right to insist on articulating its own demands and grievances, rather than have them articulated for it by a Governement utterly unrepresentative of Scots »
163 Ibid. p. 2
Ibid. p. 18 « an illusion of democracy »
Ibid. p. 40 « Une convention constitutionnelle écossaise devrait : 1. articuler et représenter la demande écossaise pour une assemblée ; 2. rédiger les provisions d’un projet d’assemblée en définissant les pouvoirs de l’assemblée, ses ressources financières et sa relation au gouvernement britannique ; négocier un agenda et une date d’implémentation avec le gouvernement britannique ; mettre en place tout test nécessaire d’approbation au projet par les Ecossais, comme par exemple un référendum »