4 – 1992 : un nouvel électrochoc pour les partis politiques

Le retour au pouvoir des conservateurs en 1992 suscita de vives réactions chez les travaillistes comme chez les nationalistes. La surprise était d’autant plus grande que tous les derniers sondages avant les élections avaient sous estimé le vote conservateur en Ecosse d’une moyenne de cinq points, tout en surestimant le vote nationaliste de trois points et demi et le vote travailliste de trois points.173 Par conséquent, le lendemain des élections vit la création d’un certain nombre d’associations autonomistes, dont Scotland United, groupe de pression multipartisan fondé par les travaillistes John MacAllion et George Galloway et dont l’objectif était l’organisation d’un référendum à options multiples sur l’avenir constitutionnel de l’Ecosse, permettant aux Ecossais de choisir entre le statu quo, la dévolution et l’indépendance. Cette association prônait donc la recherche d’une approche consensuelle envers le SNP afin de former un front politique anti-conservateur permettant de faire pression sur le gouvernement et d’obtenir la tenue d’un tel référendum. Cette tactique ne faisait pas l’unanimité au sein du parti travailliste, néanmoins, puisque d’aucuns, comme Norman Hogg ou John MacFall, estimaient au contraire que la place centrale accordée à la dévolution lors de la campagne avait été une erreur stratégique. Cette querelle était d’autant plus amère qu’elle se greffait aux tensions créées par les demandes des membres les plus nationalistes du parti, regroupés au sein de la Scottish Labour Action, pour la création d’un parti travailliste écossais indépendant du parti britannique. Ces demandes furent formulées dans un document publié en août 1992, Towards a Scottish Labour Party, recommandant la création d’un parti écossais autonome capable de négocier un projet de Parlement en Ecosse avec le gouvernement conservateur. Enfin, Scotland United semait également la discorde chez les nationalistes, divisés entre partisans d’une coopération avec les travaillistes, comme Alex Salmond, par exemple, et opposants, comme Gordon Wilson, Jim Sillars et Margaret Ewing.

Scotland United, dont le premier rassemblement, le 12 avril à Glasgow, rassembla cinq mille personnes, dont neuf députés travaillistes, comptait parmi ses membres des représentants du SNP, du parti libéral-démocrate, des syndicats (parmi lesquels Campbell Christie, président du STUC, et son adjoint Bill Speirs), mais encore des personnalités de la société civile actives dans le débat constitutionnel en Ecosse telles que le chanoine Kenyon Wright, président du comité exécutif de la Convention. L’organisation illustrait donc parfaitement une forme de coopération au sein de l’opposition écossaise. Toutefois, d’autres mouvements eurent également pour dessein d’affirmer l’union des forces politiques et civiles écossaises contre un gouvernement conservateur étranger aux aspirations écossaises et symptomatique de l’existence d’un déficit démocratique. Ainsi, l’association Common Cause rassemblait-elle de nombreux membres de la Campaign for a Scottish Parliament (anciennement nommée Campaign for a Scottish Assembly mais rebaptisée suite aux élections de 1992) ainsi que divers intellectuels écossais, soit universitaires, écrivains ou journalistes, mais aussi des acteurs, des élus locaux et des militants politiques, dans le but d’un référendum à question unique sur la mise en place d’un Parlement en Ecosse. Elle parvint à organiser des manifestations importantes, dont une le 12 décembre 1992, rassemblant plus de 25 000 personnes. Puis, une troisième association, fondée en mars 1993 pour coordonner les diverses organisations autonomistes, Coalition for Scottish Democracy, se donnait comme objectif la circulation d’une pétition adressée au Parlement Européen, affirmant le droit des Ecossais à l’autodétermination, et la création d’un « Sénat écossais », sous forme de forum virtuel ouvert à tous afin de débattre de toute question concernant l’Ecosse (Scottish Civic Assembly, plus tard rebaptisé Scottish Civic Forum). Enfin, dès le lendemain des élections législatives s’étaient rassemblées quelques dizaines de manifestants devant les grilles de la Royal High School de Calton Hill, à Edimbourg, lieu hautement symbolique puisqu’il avait été choisi pour accueillir l’assemblée proposée par le gouvernement Callaghan dans les années 1970. Ce rassemblement de personnalités très diverses, comprenant écologistes, étudiants, militants anti-nucléaires, chômeurs, fonctionnaires, ou encore ouvriers, donna bientôt naissance à un groupe informel, Democracy for Scotland, ou encore The Vigil, en référence à sa fonction, puisque ses membres se relayèrent nuit et jour devant les bureaux du Scottish Office pour y monter la garde jusqu’à ce que le gouvernement accepte de prendre en compte les revendications autonomistes des Ecossais. La garde dura 1 980 jours et prit fin le 12 septembre 1997.

Notes
173.

sondages MORI du 2 avril, Market Research Scotland des 2 et 3 avril, System Three Scotland des 4 et 5 avril et ICM des 5 et 6 avril 1992. Cf John Curtice, What Future for the Opinion Polls? The Lessons of the MRS Inquiry , Scottish Affairs, no. 10, hiver 1995, p. 65