II – L’Ecosse et le pays de Galles à l’aube d’un renouveau démocratique

Les référendums sont une curiosité constitutionnelle au Royaume-Uni car ils sont théoriquement incompatibles avec la doctrine de souveraineté absolue et indivisible du Parlement et de la Reine-en-son-Parlement. Cette expression de souveraineté populaire fut par conséquent très peu utilisée par le passé. Les Britanniques dans leur ensemble durent attendre le 5 juin 1975 avant de pouvoir exprimer leurs voix par référendum et décider de l’adhésion du Royaume-Uni à la Communauté Economique Européenne. Seuls les Nord-irlandais avaient connu un référendum avant cette date. La dissolution du Parlement de Stormont en 1972 par le gouvernement Heath avait en effet mené ce dernier à organiser un référendum dans la région l’année suivante afin de déterminer si les habitants d’Irlande du Nord souhaitaient ou non demeurer britanniques. La question irlandaise fut en outre à l’origine des premières discussions de référendums au Royaume-Uni : A.V. Dicey, pourtant ardent défenseur de la doctrine de souveraineté parlementaire, fut paradoxalement le premier à évoquer cette possibilité en 1890 afin de lutter contre le projet de Home Rule irlandais auquel il était fermement opposé. Les référendums ont ainsi toujours porté sur des questions constitutionnelles, relatives notamment aux nations périphériques du Royaume-Uni.

Un référendum peut être soit consultatif, soit contraignant. Or, cette seconde possibilité ne peut exister au Royaume-Uni en raison de la doctrine de souveraineté parlementaire. Pourquoi, en ce cas, les travaillistes ont-ils tenu à organiser un référendum en Ecosse où le soutien des Ecossais au projet ne faisait guère de doute ? L’organisation d’un référendum similaire au pays de Galles ne représentait-elle pas en revanche une prise de risque inutile au vu du peu de soutien dont le projet des travaillistes bénéficiait, y compris dans leurs propres rangs? L’une des raisons de ce recours à une forme de démocratie directe tient sans doute au fait que toute proposition de loi relative à la position constitutionnelle d’une des régions ou nations du Royaume-Uni peut être rejetée par les députés d’autres régions ou nations soucieux de protéger leurs intérêts et craintifs des répercussions potentielles de tout bouleversement de l’équilibre établi. Or, l’organisation d’un référendum permet à la fois de légitimer le projet de loi en question et de le défendre contre toute attaque du parti adverse, un but clairement exprimé par le parti travailliste dans son manifeste électoral de 1997 :

‘« Popular endorsement will strengthen the legitimacy of our proposals and speed their passage through Parliament »195. ’

Le parti travailliste promit du reste d’organiser pas moins de six référendums dans son manifeste électoral, soit deux référendums en Ecosse et au pays de Galles au sujet de la dévolution, un référendum sur la création d’assemblées régionales anglaises, un autre sur la réforme du gouvernement de Londres et l’élection d’un Maire de Londres, puis un référendum sur la réforme du mode de scrutin aux élections législatives britanniques et, enfin, un référendum sur l’adoption de la monnaie unique européenne. Tony Blair se prononcera en outre d’abord en faveur de l’organisation d’un référendum au sujet de l’adoption de la Constitution Européenne avant de faire volte-face après son rejet en France et aux Pays-Bas. Notons enfin que les deux derniers référendums cités ci-dessus ne furent jamais organisés et que l’échec cinglant du référendum de 2004 sur la création d’une assemblée régionale dans la région nord-est de l’Angleterre fut un revers important pour le gouvernement travailliste. Le recours au référendum n’est donc pas sans risques pour un gouvernement et nous verrons par la suite que l’organisation des référendums en Ecosse et au pays de Galles fut téméraire, d’abord en raison du faible engouement des Gallois vis-à-vis de la dévolution et ensuite par la forme inhabituelle que prit le référendum écossais. Ce dernier comportait en effet non pas une mais deux questions.

Notes
195.

Labour Party, Because Britain Deserves Better , p. 33