B – Asymétrie constitutionnelle et divergences politiques

En 1999, lorsque furent créées de nouvelles arènes politiques en Ecosse et au pays de Galles, les partisans de la dévolution se félicitèrent d’avoir ainsi mis fin à l’imposition par Westminster de politiques inadaptées dans ces deux nations. Le Parlement écossais et l’Assemblée galloise pourraient désormais prendre des décisions politiques adaptées aux contextes économiques et sociaux distincts de l’Ecosse et du pays de Galles. Néanmoins, l’attente de réelles divergences politiques était tempérée par des considérations socio-économiques à l’échelle européenne et mondiale. Les pressions exercées par les forces économiques mondiales devaient selon certains commentateurs politiques minimiser l’impact de la dévolution en réduisant le champ d’action des institutions et par conséquent la possibilité de divergences politiques fondamentales265. Les nouvelles institutions partageraient de surcroît un héritage britannique commun comprenant des institutions britanniques telles que le National Health Service (NHS), par exemple, ou encore une culture politique et institutionnelle commune. Outre les pressions entraînées par l’existence d’un budget commun, les garde-fous imposés par le gouvernement britannique quant à l’exercice des pouvoirs des nouvelles institutions et la souveraineté de Westminster devaient également assurer un certain degré d’harmonisation politique parmi elles.

Pourtant, les événements en Ecosse et au pays de Galles depuis la mise en œuvre de la dévolution font aujourd’hui preuve du contraire. De fait, les nouvelles institutions galloise et écossaise se sont peu à peu affranchies du pouvoir central au biais d’importantes divergences politiques. Chacune des institutions a aujourd’hui choisi de suivre un chemin politique différent en adoptant des projets divergents, une éthique ou une approche politique distinctes. Ces divergences ont permis aux nouvelles institutions à la fois de mesurer l’étendue de leurs pouvoirs au sein du dispositif constitutionnel prévu par la dévolution et de redéfinir la vie politique de leur nation dans la limite de ces pouvoirs. Elles ont donc pour conséquence d’encourager les nouvelles institutions à vouloir repousser les limites des pouvoirs qui leur sont transférés et mènent inévitablement à des tensions entre les parties constituantes de la Grande-Bretagne, à la fois au sein du parti travailliste et de la population britannique. Les différents chemins politiques empruntés par l’Assemblée galloise, le Parlement écossais et le Parlement britannique aiguisent parfois les jalousies de parts et d’autres des frontières et remettent en question le financement des politiques sociales menées par les diverses institutions, comme ce fut le cas au regard de la question des droits universitaires et des soins aux personnes âgées. Les politiques divergentes adoptées par le Parlement écossais et l’Assemblée galloise tendent en outre à créer des spécificités nationales dans des institutions autrefois fondamentalement britanniques, telle que le NHS. Bien que les divergences politiques des nations britanniques soient au cœur du principe même de la dévolution, elles sont problématiques à plus d’un égard car elles remettent en cause les fondements institutionnels et politiques britanniques. En effet, la dévolution balaie-t-elle les derniers vestiges d’une identité britannique ? Les divergences politiques font-elles le jeu des indépendantistes ? Quel impact la dévolution a-t-elle sur le parti travailliste ? Nous tâcherons de répondre à ces questions au biais d’une étude des politiques adoptées par les diverses institutions politiques britanniques dans deux domaines clefs : l’enseignement supérieur et les soins aux personnes âgées.

Notes
265.

Scott L. Greer, Territorial Politics and Health Policy: UK Health Policy in Comparative Perspective , Manchester University Press, 2004, p. 1