1 – La percée des nationalistes : une question d’indépendance ?

A – La position d’arbitre des nationalistes gallois

Les élections législatives galloises de mai 2007 représentent le plus mauvais score obtenu par le parti travailliste à des élections au pays de Galles depuis 1918. En effet, le parti travailliste gallois n’obtint que 32,2% des suffrages pour les sièges de circonscription et 29,6% pour les sièges régionaux, soit une diminution de 7,8% et de 7% respectivement par rapport aux élections législatives galloises précédentes. En outre, le déclin du parti travailliste fut ressenti dans l’ensemble du territoire gallois, au nord comme au sud, dans les régions rurales comme dans les régions urbaines. Les divisions régionales galloises furent à cet égard absentes du scrutin et les scores du parti travailliste diminuèrent dans les cinq régions que compte le pays de Galles pour le scrutin régional et dans trente-neuf des quarante circonscriptions galloises pour le scrutin de circonscription. En totalisant vingt-six sièges seulement, les travaillistes se retrouvèrent dans la position peu enviable d’un parti dont la majorité relative tenait à la dispersion du vote entre les quatre partis principaux et un nombre inhabituellement important de petites listes ou de candidats indépendants. Notons qu’à l’occasion des élections législatives galloises, onze candidats indépendants obtinrent suffisamment de voix pour se classer parmi les quatre premiers candidats en termes de suffrages contre cinq candidats indépendants seulement en 2003.

Tableau 41 - Résultats électoraux des élections législatives galloises de mai 2007 (et progression par rapport à 2003)
Parti Vote de circonscription Vote régional Sièges obtenus
travaillistes 32,2% (-7,8%) 29,6% (-7%) 26 (-4)
Plaid Cymru 22,4% (+1,2%) 21% (+1,3%) 15 (+3)
conservateurs 22,4% (+2,5%) 21,5% (+1,3%) 12 (+1)
Libéraux-démocrates 14,8% (+0,7%) 11,7% (-1%) 6 (-)
autres 8,3% (+3,6%) 16,3% (+4,5%) 1 (-)

Source : compilés d’après www.psr.keele.ac.uk

Tandis que le parti travailliste menait une campagne électorale assez terne, coïncidant entre autres avec une fin de règne difficile pour le gouvernement Blair et un groupe travailliste parlementaire à Westminster entaché à la fois par le scandale dit « Cash for Honours » et par les déboires des forces de coalition en Irak, Plaid Cymru se montra très dynamique lors de cette campagne. Les nationalistes menèrent campagne autour de sept thèmes principaux inclus dans un manifeste politique intitulé « Make a Difference ! »340. Il s’agissait des questions énergétiques et de l’environnement, la création d’une place en crêche pour chaque enfant, le don d’un ordinateur portable pour chaque enfant, la réduction de la dette des étudiants, l’aide au premier achat immobilier des jeunes, la réduction des charges sociales des entreprises pour relancer l’emploi, et l’amélioration des services de santé. Tout en admettant que l’indépendance du pays de Galles était l’objectif à long terme du parti, il voulut néanmoins souligner sa volonté d’utiliser les pouvoirs de l’Assemblée au maximum de leur capacité, de faire campagne pour l’obtention de pouvoirs législatifs primaires faisant de l’Assemblée galloise un véritable Parlement, ainsi que l’organisation d’un référendum et l’adoption du scrutin uninominal préférentiel avec report de voix pour les élections législatives galloises. Finalement, Plaid Cymru put se targuer d’avoir obtenu presque tous les sièges clés qu’il avait brigués lors de sa campagne et d’avoir sauvé ses candidats en difficulté grâce à de bonnes campagnes défensives, comme ce fut le cas dans les circonscriptions de Aberconwy et de Ceredigion où les candidats travailliste et libéral-démocrate furent platement battus. Toutefois, les nationalistes ne parvinrent pas à évincer les travaillistes dans de nombreuses circonscriptions où ils peinent encore à véritablement percer. Les nationalistes ne purent remporter de sièges de circonscription dans le sud du pays de Galles, par exemple. Ils remportèrent trois sièges de circonscription dans la région nord du pays de Galles (les deux nouveaux sièges d’Arfon et Aberconwy, ainsi qu’Ynys Môn) et quatre sièges dans la région centre-ouest (Carmarthen East & Dinefwr, Ceredigion, Dwyfor Meirionnydd et Llanelli). Toutefois, Plaid Cymru obtint deux sièges dans chacune des régions de South Wales East, South Wales West et South Wales Central, dont un fut remporté par le premier député gallois issu d’une minorité ethnique, Mohammed Asghar. Rappelons que le mode de scrutin à membre additionné adopté pour les listes régionales apporte un élément de proportionnalité et favorise les partis qui peinent à remporter des circonscriptions avec le scrutin uninominal à un tour. Par conséquent, le mode de scrutin à membre additionné est souvent bénéfique pour Plaid Cymru dans les régions traditionnellement travaillistes du sud et lui permet par conséquent d’y assurer une présence politique.

Finalement, les travaillistes ne parvinrent à remporter que vingt-six sièges lors des élections législatives galloises de mai 2007, soit quatre sièges de moins que le nombre requis pour obtenir une majorité à l’Assemblée galloise. Une nouvelle coalition entre travaillistes et libéraux-démocrates apparaissait initialement aux deux partis concernés comme la solution la plus probable. Néanmoins, les négociations échouèrent en raison des réserves émises au parti libéral-démocrate quant au manque de légitimité électorale d’une si courte majorité (trente-deux sièges seulement entre les deux partis). De même, les négociations d’une coalition alternative, dite « arc-en-ciel » et consistant d’une alliance entre nationalistes, conservateurs et libéraux-démocrates, se soldèrent par un échec après un vote lors de la conférence des libéraux-démocrates le 23 mai. Rhodri Morgan, à la tête d’un gouvernement travailliste minoritaire, parvint alors à se faire nommer de nouveau First Minister le 25 mai. Sachant que le programme du parti travailliste, désormais minoritaire, risquait d’être systématiquement rejeté par l’opposition, il promit de trouver un « centre de gravité politique » et de travailler de façon consensuelle341. Néanmoins, la situation du nouveau gouvernement travailliste minoritaire était trop inconfortable et le First Minister ne tarda pas à entamer de nouvelles négociations avec Ieuan Wyn Jones, leader de Plaid Cymru.

La petite majorité relative remportée par les travaillistes constituait en effet une aubaine pour les nationalistes qui s’était empressés, dès l’annonce des résultats, d’entamer des négociations avec différents partenaires. Plaid Cymru, en position d’arbitre, ne se refusait aucune option, exceptée celle d’un gouvernement de coalition sous un First Minister conservateur. Le parti négocia deux accords de coalition alternatifs où apparaissaient de larges parts de son manifeste électoral, dont la promesse d’organiser un référendum sur les pouvoirs de l’Assemblée. Le premier, que nous venons d’évoquer et qui ne parvint pas à aboutir, permettait à Plaid Cymru de prendre la tête d’une coalition « arc-en-ciel » à l’Assemblée. Le second le reléguait au rang de partenaire dans une coalition dominée par les travaillistes.

Finalement, un accord de coalition fut trouvé entre travaillistes et nationalistes, pourtant rivaux de longue date, et publié sous un titre conciliateur : One Wales 342 . L’accord entre nationalistes et travaillistes gallois fut cependant critiqué par certains éléments du parti travailliste, tels que les députés Paul Murphy ou Don Touhig, en raison de son adoption du principe d’organiser un référendum sur l’avenir constitutionnel du pays de Galles343. D’aucuns au sein du parti nationaliste critiquèrent également cet accord de coalition avec un parti travailliste sur le déclin. Il fut néanmoins validé par la grande majorité des travaillistes le 6 juillet et par les nationalistes le lendemain, à l’occasion de conférences spéciales. Par conséquent, Plaid Cymru est aujourd’hui représenté au gouvernement par Ieuan Wyn Jones, Deputy First Minister et ministre de l’Economie et des transports, mais également par Rhodri Glyn Thomas, ministre du Patrimoine, Elin Jones, ministre des Affaires rurales, et Jocelyn Davies, ministre déléguée au Logement. Plaid Cymru a la satisfaction d’être enfin un parti de gouvernment après quatre-vingts années d’existence.

Notes
340.

Plaid Cymru The Party of Wales, Make a Difference!, National Assembly Election Manifesto 2007, Cardiff, mars 2007, 36 p.

341.

Hélène Mulholland, Labour Minority Rule for Wales, The Guardian, 25 mai 2007, http://www.guardian.co.uk/politics/2007/may/25/wales.devolution « a political centre of gravity »

342.

One Wales, A progressive agenda for the government of Wales, An agreement between the Labour and Plaid Cymru Groups in the National Assembly, 27 juin 2007, 43 p.

343.

Senior MPs condemn Plaid deal, BBC News Wales, 5 juillet 2007, http://news.bbc.co.uk/2/hi/uk_news/wales/6272280.stm