B – Les élections législatives écossaises : un jour historique

Malgré les prévisions des sondeurs, la mince victoire des nationalistes provoqua une onde de choc dans les milieux politiques britanniques à l’issue des élections législatives écossaises du 3 mai 2007. Il s’agissait là d’une victoire historique car le SNP se retrouvait pour la première fois non seulement vainqueur d’élections législatives en Ecosse mais se retrouvait également en passe d’accéder à la tête de l’Exécutif écossais qu’il s’empressa, une fois élu, de rebaptiser « gouvernement écossais » (Scottish Government) le 1er septembre 2007 dans un pied-de-nez au gouvernement britannique. Le SNP obtint en effet quarante-sept sièges, soit un de plus que le parti travailliste, dont vingt-et-un sièges de circonscription au scrutin uninominal à un tour et vingt-six sièges régionaux au scrutin à membre additionné. Le SNP créa la surprise en raflant les sièges des circonscriptions de Cunningham North, Edinburgh East and Musselburgh, Argyll and Bute et Livingston, et en parvenant à évincer d’autres partis séparatistes tels que le SSP et les Verts. Précisons en effet que le Scottish Socialist Party perdit la totalité de ses six sièges lors des élections législatives de mai 2007 et que le Scottish Green Party en perdit cinq. Le SNP bénéficia certes d’un déplacement de voix non négligeable de la part des électeurs habituels du parti travailliste mais la majorité des suffrages qu’il obtint provenaient d’un transfert de voix des autres partis politiques écossais et des petites listes indépendantes. Le système électoral à membre additioné, utilisé pour les sièges régionaux et, comme nous l’avons souligné plus haut, permettant de rééquilibrer les résultats électoraux obtenus par le biais du scrutin uninominal à un tour pour les sièges de circonscription, compensa le parti travailliste pour ses pertes dans certaines circonscriptions. Il parvint ainsi à remporter les régions de la ceinture centrale, du sud et de l’ouest. La débâcle prévue par les instituts de sondage tout au long de la campagne n’eut donc pas lieu et le parti travailliste ne perdit que quatre sièges par rapport à 2003. Précisons qu’il s’agissait de la première défaite des travaillistes en Ecosse depuis 1959, lorsque les travaillistes s’étaient classés seconds derrière le parti conservateur. Il avait toujours obtenu la première place depuis.

Tableau 42 - Résultats électoraux en sièges des élections législatives galloises de mai 2007 (et progression par rapport à 2003)
Parti Sièges de circonscription Sièges régionaux Total des sièges
travaillistes 37 (-9) 9 (+5) 46 (-4)
SNP 21 (+12) 26 (+8) 47 (+20)
libéraux-démocrates 11 (-2) 5 (+1) 16 (-1)
conservateurs 4 (+1) 13 (-2) 17 (-1)
autres 0 (-2) 3 (-12) 3 (-14)

Source : résultats compilés d’après www.psr.keele.ac.uk

A l’instar de son homologue gallois, le parti nationaliste écossais avait parié sur un programme électoral ambitieux en sept points, intitulé « It’s Time to Move Forward ». Ce manifeste politique fut lancé officiellement le 12 avril 2007 dans les nouveaux quartiers-généraux du parti nationaliste, installés pour toute la durée de la campagne dans une annexe de Napier University dans la proche banlieue d’Edimbourg. Il comprenait des mesures très populaires auprès de la population comme, par exemple, la suppression de l’impôt pour les collectivités locales (council tax) que les nationalistes souhaitaient remplacer par un impôt local plus juste basé sur les revenus (local income tax). Selon l’estimation du SNP, cela signifierait que neuf retraités sur dix paieraient moins d’impôts locaux et que les foyers à revenus modestes pourraient économiser entre deux-cent soixante et trois cent cinquante livres sterling par an. Le SNP prévoyait également de supprimer les frais universitaires, de réduire le nombre d’élèves par classe, d’augmenter de cinquante pour cent le nombre de places en école maternelle pour les enfants entre trois et quatre ans, de réduire le montant des charges sociales pour plus de cent vingt mille petites et moyennes entreprises afin de relancer l’emploi et, enfin, de protéger les petites structures hospitalières locales. Le SNP s’opposait en outre fermement à la fermeture du centre hospitalier de Ayr and Monklands et à la création de centrales nucléaires. Il joua enfin la carte de la sécurité en promettant d’augmenter les forces de police en Ecosse et de durcir les lois contre la vente d’alcool aux mineurs et la délinquance. La lecture du programme nationaliste permet par conséquent d’affirmer que le SNP s’est profondément transformé depuis sa création et se positionne désormais dans une tradition européenne sociale-démocrate. Il a su en outre profiter de la transformation du parti travailliste sous l’égide de Tony Blair et de l’introduction d’une idéologie néo-libérale au sein du parti travailliste parlementaire pendant les années 1990 pour se placer distinctement à gauche de l’échiquier politique. Il est aujourd’hui en position de doubler le parti travailliste sur sa gauche grâce à un programme attractif pour des électeurs traditionnellement travaillistes.

Bien entendu, le SNP ne perd pas de vue son principal objectif, à savoir l’indépendance de l’Ecosse, et dit souhaiter créer les conditions nécessaires à ce changement. Lors de sa campagne, il se tourna résolument vers un avenir indépendant en défendant des politiques pour lesquelles le Parlement écossais n’a à ce jour aucune compétence. Ainsi, le SNP s’exprima contre le système de défense nucléaire Trident basé en Ecosse et pour le retrait des troupes écossaises en Irak. Il se prononça également en faveur du versement des dividendes du pétrole de la mer du Nord à l’Exécutif écossais. Cette anticipation sur l’avenir constitutionnel potentiel de l’Ecosse fit, par ailleurs, les gorges-chaudes des médias lors du lancement officiel du manifeste politique nationaliste. Alex Salmond sut néanmoins s’en défendre et répondit aux journalistes que les Ecossais attendraient de leur Parlement qu’il exprime une opinion sur ces questions344.

Le SNP anticipa également sur sa victoire au soir de l’élection du 3 mai, avant même que les résultats définitifs n’aient été donnés. En effet, les élections législatives écossaises de mai 2007 furent également marquées par des incidents techniques dûs au dysfonctionnement des boîtiers de comptage électronique et par le rejet de nombreux bulletins de vote en raison des difficultés d’utilisation du nouveau bulletin. Un bulletin de vote unique avait en effet remplacé le double bulletin utilisé lors des élections législatives écossaises de 2003 et 1999. En outre, les élections locales avaient lieu le même jour et les électeurs devaient utiliser le scrutin uninominal préférentiel avec report de voix pour la première fois. Le comptage prit un retard important et les résultats définitifs ne furent connus qu’au lendemain des élections, vers 18 heures. Les premiers sondages effectués à la sortie des urnes ainsi que les premiers résultats connus laissaient présager une victoire pour le parti nationaliste. Néanmoins, les résultats étaient serrés et le parti nationaliste dut attendre le lendemain après-midiavant de se déclarer vainqueur et annoncer à la presse, réunie à Prestonfield Lodge à Edimbourg, la formation imminente d’un gouvernement nationaliste.

Notes
344.

Newsnight Scotland , BBC Scotland, 12 avril 2007.