Le paratexte au service de la réception de Marguerite Duras

L’onomastique chez Duras

Le nom d’auteur, en tant qu’élément du péritexte 125 , qui, avec l’épitexte, forme le paratexte d’un livre, contribue à la réception et à la lecture d’une œuvre. Gérard Genette accorde une grande importance au paratexte dans l’étude d’une œuvre, car dit-il, « il n’existe pas de texte sans paratexte » 126 . Cette dernière notion désigne pour Genette ce par quoi un texte se fait livre et se propose comme tel à ses lecteurs et au public. « Zone indécise » 127 entre le dedans et le dehors, elle-même sans limite rigoureuse, ni vers l’intérieur, le texte, ni vers l’extérieur, le discours du monde sur le texte, qui est la réception. Cette « frange » du texte imprimé, qui commande toute la lecture 128 , toujours porteuse d’un commentaire auctorial, constitue entre texte et hors-texte une zone non seulement de transition, comme le considère Genette, mais aussi de transaction. Cette transaction se met au service du lecteur et de l’œuvre, pour un meilleur accueil du texte et pour une lecture plus pertinente. Pour indiquer l’enjeu à l’aide d’un seul exemple, Genette pose une question « innocente » qui devrait suffire : « Réduits à un seul texte et dans le secours d’aucun mode d’emploi, comment lirions-nous l’Ulysse de Joyce s’il ne s’intitulait pas Ulysse ? » 129 Ou bien, que peut-on lire à travers des titres comme L’Amante anglaise ou L’Amour de Marguerite Duras ? Le génie des titres de cet auteur, comme l’écrivent les journaux ? L’intention de Duras de « tromper » le lecteur sur le sujet du livre pour lui transmettre dès le début son penchant pour l’ambiguïté ? La même question se pose pour nombre d’autres titres de livres de Marguerite Duras.

Hormis les titres, l’âge de l’auteur (les débuts littéraires de Duras, par exemple, correspondent à sa jeunesse et ils sont très différents des écrits de la période de maturité de l’écrivain), le sexe (écriture féminine/écriture masculine), l’obtention ou non d’un prix littéraire, l’appartenance à un groupe (pour Duras, nous citons le groupe qui se réunit dans son appartement situé dans la rue Saint Benoît), l’adhésion à un mouvement politique, tout cela pèse sur la réception d’un auteur et de son œuvre. Genette partage en deux catégories les éléments formant le paratexte : le péritexte (qui est « une catégorie spatiale consistant en un message matérialisé qui a nécessairement un emplacement que l’on peut situer par rapport à celui du texte lui-même : autour du texte, dans l’espace du même volume, comme le titre ou la préface et parfois inséré dans les interstices du texte, comme les titres des chapitres ou certaines notes » 130 ) et l’épitexte (qui concerne tous les messages qui se situent au moins à l’origine à l’extérieur du livre, ayant un support médiatique – les interviews, les entretiens –, ou sous le couvert d’une communication privée – correspondances, journaux intimes).

Duras cache-t-elle son identité derrière le pseudonyme ? Peut-on relier, par exemple, l’idée de pseudonyme à une certaine intention de déguisement volontaire, qui correspondrait aussi à l’ambiguïté qu’elle crée dans l’œuvre ? Dans cette perspective, peut-on relier le pseudonyme à la mythographie durassienne ?

Notes
125.

Cf. G. Genette, Seuils, éd. du Seuil, coll. « Poétique », sous la dir. de G. Genette et T. Todorov, 1987, p. 40

126.

Ibid., p. 9

127.

Genette reprend C. Duchet pour cette image qui s’impose à quiconque a affaire au paratexte, qui la définit ainsi : « zone indécise […] où se mêlent deux séries de codes : le code social, dans son aspect publicitaire, et les codes producteurs ou régulateurs du texte ». Cf. C. Duchet, « Pour une socio-critique », in Littérature, I, fév. 1971, p. 6, cité par Genette, op. cit., pp. 7-8

128.

Cf. Philippe Lejeune, Le Pacte autobiographique, éd. du Seuil, 1975, p. 45

129.

Cf. G. Genette, op. cit., p. 9

130.

Gérard Genette, op. cit, p. 10