L’œuvre durassienne, une écriture en séries

Il est des voix de la critique qui prônent l’idée de chronologie dans l’analyse de l’œuvre littéraire d’un auteur. C’est la préférée des biographes. Mais Jauss dit que la présentation chronologique des œuvres d’un auteur ne suffit pas 967 . Il faut tenir compte du côté esthétique de l’œuvre, aussi bien que de l’horizon d’attente du lecteur. Il est aussi des critiques qui sectionnent l’œuvre de l’écrivain par cycles ou par titres et affinent en quelque sorte la liste des livres étudiés. Comment réconcilier l’herméneutique traditionnelle d’analyse d’une oeuvre, la hiérarchie chronologique et la réception critique ? C’est une difficulté méthodologique à laquelle se heurte notre démarche, mais il semble que la clé du problème se retrouve chez notre invité d’honneur : le lecteur.

Nous envisageons l’œuvre durassienne selon deux grandes parties dont la frontière est difficile à tracer : l’ « avant Duras » et « du Duras ». L’avant Duras, appelé aussi dans la critique « Duras avant Duras » ou « les tout premiers Duras », regroupe les débuts littéraires de l’écrivain allant jusqu’aux premiers signes du style qui deviendra le sien. Si Barthes appelle les traits caractéristiques ou les détails qui ont rapport au corps de la personne, des « biographèmes » 968 , dont Martine Boyer-Weimann fait une analyse exhaustive dans son livre La Relation biographique 969 , pourquoi ne pas nommer les traits de style d’un écrivain des « stylographèmes », qui se constituent en « singularités d’écriture » 970 , pour reprendre en cela Jean-Pierre Martin, et marquent les tournants dans l’œuvre ? Il faut noter que les « stylographèmes » durassiens sont le plus souvent déterminés par les « biographèmes » au sens où il arrive que les tournants dans l’œuvre aient lieu sous l’influence du goût politique (« biographèmes politiques ») de l’écrivain ou de l’entrée d’un homme dans sa vie (Gérard Jarlot, Yann Andréa).

La critique littéraire, biographes et diverses analyses critiques réalisées au fil du temps, s’accordent sur l’existence de plusieurs étapes dans la création littéraire durassienne. Ainsi, plus ou moins exactement, dit-on qu’on a affaire à quatre étapes de la création, selon les tendances générales de l’écriture, les thèmes abordés ou le style utilisé. La première étape est limitée par Laure Adler ou Joëlle Pagès-Pindon entre les années 1943-1954 et comprend des ouvrages tels que Les Impudents, La Vie tranquille, Un Barrage contre le Pacifique, Le Marin de Gibraltar, Les Petits Chevaux de Tarquinia et Des Journées entières dans les arbres 971 . Il est vrai que ce dernier livre mériterait déjà d’être mentionné avec les livres qui suivent et qui forment une nouvelle étape dans l’écriture durassienne. Cette première catégorie se situe sous le signe de l’influence tant décriée de Hemingway. Ensuite, l’année 1955 est marquée par Le Square, livre qui, selon la critique, représente un grand tournant dans la prise de conscience de son talent d’écrivain. Duras ne supporte plus les critiques et éprouve un « désir insatiable de reconnaissance » 972 . Cette nouvelle période d’écriture s’étendrait jusqu’en 1960 et englobe des livres tels que : le Square, Moderato cantabile, Dix heures et demie du soir en été, Hiroshima mon amour 973 .

Avec Le Ravissement de Lola V. Stein, Duras démarrerait, selon la critique, « le cycle indien » qui comprend quatre romans parus chez Gallimard (Le Ravissement…, Le Vice-consul, KIndia Song et L’Amour 974 ), Détruire dit-elle, qui paraît aux éditions de Minuit en 1969 et marque une rupture dans l’écriture,et trois films (« La femme du Gange », « KIndia Song » et « Son nom de Venise dans Calcutta Désert »).

Enfin, « le cycle atlantique », appellation mentionnée par Laure Adler, ainsi que par d’autres critiques, commencerait en 1980 et prendrait fin en 1996 avec la disparition de l’écrivain. Parmi les plus importants ouvrages, on retrouve L’Eté 80, L’Homme assis dans le couloir (1980), Agatha (1981), L’Homme atlantique (1982), La Maladie de la mort (Minuit, 1982), L’Amant (1984), Les Yeux bleus cheveux noirs (1986), La Pute de la côte normande (1986), Emilia L. (1987), tous parusaux éditions de Minuit, ainsi que La Pluie d’été (1990), L’Amant de la Chine du Nord (1991), Yann Andréa Steiner (1992), Ecrire (1993), parus chez Gallimard, son premier éditeur. Son dernier livre, C’est tout, paraît en 1995 chez P.O.L..

Ces « étapes » sont chronologiquement pertinentes, mais la notion d’ « étape » renvoie à l’idée de séparation nette des livres dans le temps, sans aucun rapport entre eux comme s’il s’agissait d’une évolution qualitative d’un livre à l’autre, d’une progression dans la maîtrise du langage qui fait qu’un livre est meilleur que le précédent. Il est pourtant vrai qu’entre la signature auctoriale des premiers Duras et celle des livres considérés comme « du Duras » il y a des différences d’ordre stylistique, conceptuel, politique, etc. qu’on peut déduire aussi de l’horizon d’attente du lectorat et en fonction de l’accueil fait à l’époque dans la presse. Cependant, nous proposons de parcourir les deux parties de l’oeuvre durassienne à partir de la perspective du lecteur et en fonction de « séries », puisqu’une détermination temporelle nette de frontières à l’intérieur de l’œuvre est moins importante que l’image de l’écrivain aux yeux de sa réception.

Nous considérons ainsi que « l’avant Duras » se prolonge approximativement jusqu’en 1954, lorsque Des Journées entières dans les arbres fait le passagevers ce que l’auteur elle-même appelle « du Duras ». Les premiers livres durassiens sont invariablement écrits « encore et toujours pour exorciser une enfance, une adolescence brouillée » 975 , comme le fait remarquer Laure Adler, et surtout sous l’influence des lectures que Duras a de Hemingway, Faulkner, Loti, Conrad que la réception n’arrête plus de lui reprocher et dont nous allons parler plus loin.

A partir de 1954, les choses changent. Les « stylographèmes » durassiens se définissent peu à peu et rendent les livres reconnaissables aux lecteurs dès une première lecture. En 1984, Duras est sûre que le lecteur ne peut pas confondre ses livres avec ceux d’un autre auteur. Pour cette deuxième partie de la création durassienne nous recommandons un découpage assez facile en trois séries ou en tournants, sans le considérer comme immuable, car il pourrait à tout moment se présenter sous une autre forme, selon l’appréciation de chaque lecteur.

Une première série littéraire de cette deuxième partie de la création littéraire s’étendrait de 1955 (Le Square) à 1962 (L’après-midi de Monsieur Andesmas) et pourrait s’intituler « La série des grands défis ». L’activité littéraire de l’écrivain commence à être abondante, motivée par la « rage indescriptible » 976 de Duras à l’égard de la réception critique, suivie deux ans plus tard d’un « virage vers la sincérité » 977 avec Moderato cantabile. Elle en a assez des reproches qu’on formule à propos des influences d’Hemingway, de Vittorini, de Beckett etc. qu’on ressent dans ses livres et des recommandations qu’on lui fait pour aboutir à une écriture originale, personnelle. Elle se prend pour un grand écrivain, refuse l’aide de Queneau et de Dionys et tolère comme unique lecteur de ses manuscrits Louis-René des Forêts, à condition qu’il ne lui adresse pas la moindre remarque. Parallèlement à cette attitude irascible envers la réception critique, elle éprouve un désir insatiable de reconnaissance, d’autant plus que Gallimard garde le silence et prouve un manque d’enthousiasme à l’égard de ses livres. Son désir d’être rassurée la pousse à changer d’éditeur, pour tester quelque part les sentiments que Gallimard éprouve à son égard. Les supplications de Gallimard de ne pas quitter sa « famille » la rassurent enfin et lui font reprendre courage.

Parallèlement, la relation avec Gérard Jarlot et surtout l’éblouissement de l’amour physique (ce qu’on pourrait appeler le « biographème intime » de Duras) la révèlent à elle-même et lui donnent la force et l’envie de se débarrasser de quelques maîtres : Hemingway, Vittorini, Beckett. Désormais, c’est à l’intérieur d’elle-même qu’elle puisera les forces pour écrire. « Enfin ce n’était pas une histoire…je dis une histoire d’amour mais c’était une histoire…- comment dire - j’ai cru que je n’allais pas m’en sortir. C’était très étrange. », avoue Duras à Xavière Gauthier 978 . L’état de « danger » où elle se retrouve, comme le décrit Laure Adler dans sa biographie de l’écrivain, l’inspire, lui donne la force de gagner en originalité. Moderato cantabile inaugure un « stylographème » durassien : l’art de l’ambiguïté, présent désormais dans l’œuvre presque sans interruption. Adler parle même d’un tournant dans l’écriture durassienne au point où dans la vie de l’écrivain, il y a l’« avant Jarlot et l’après Jarlot ». Elle dira elle-même : « Pendant très longtemps, j’étais dans la société, je dînais chez des gens. Tout ça était un tout. J’allais dans les cocktails, j’y voyais des gens…et je faisais ces livres-là…Voilà. Et puis une fois, j’ai eu une histoire d’amour, et je pense que c’est là que ça a commencé. » 979 Des mois passent, sans que Duras écrive une page. Cette histoire avec Jarlot l’obsède, puis elle démarre l’écriture d’un roman sur l’amour fou, l’amour tout court, où les personnages parleront sans cesse. C’est l’histoire de Moderato cantabile qui est dédié d’ailleurs à Gerard Jarlot. On y raconte l’irracontable ou, pour reprendre Catherine Buthor-Paillart, l’innommable.

C’est l’époque où Duras fait deux pas importants vis-à-vis de la réception. D’une part, elle se laisse séduire par Alain Robbe-Grillet et rejoint Minuit. Duras s’inscrit ainsi, aux yeux d’un public averti, dans la catégorie qu’elle niera d’ailleurs toujours : le Nouveau Roman. Ce rattachement de Duras au Nouveau Roman par la critique est encouragé par le fait qu’en 1961, Duras fait une tournée de conférences en Grande-Bretagne en compagnie d’Alain Robbe-Grillet et de Nathalie Sarraute. Mais avant, en 1960, Duras rejoint le jury du prix Médicis, aux côtés notamment d’Alain Robbe-Grillet, Nathalie Sarraute, Claude Simon, Roland Barthes et Claude Roy. Elle en démissionnera en décembre 1966. 980 Mais surtout, son désir de rejoindre les éditions de Minuit est le résultat de la prise de conscience qu’elle n’écrit plus comme avant et souhaite le faire savoir.

D’autre part, Duras s’oriente vers le lecteur auquel elle accorde une place importante. Elle en fait un « personnage à part entière, provoque son impatience, perturbe la quiétude en désorganisant sans cesse la logique du récit. » 981 Duras vise pour la lecture un but esthétique, la considérant comme un acte créateur. Lire signifie aussi écrire. Pour la première fois, Duras met en place un dispositif qu’elle utilisera ensuite beaucoup, celui du « lecteur voyeur » 982 . Elle donne les éléments du puzzle, mais ne l’assemble pas. Le récit achevé, il faut le reprendre pour rechercher les signes. Mais toujours des pièces manquent :

« - Je voudrais que vous soyez morte, dit Chauvin.

- C’est fait, dit Anne Desbaresdes. » 983

Par ailleurs, Dix heures et demie du soir en été attire les sarcasmes de certains critiques. C’est toujours la même chanson que chante Piaf, c’est toujours le même livre qu’écrit Duras, en raison de la répétition des thèmes (ou « stylographèmes ») et du recyclage que Duras en fait d’un livre à l’autre : l’attente et l’effacement (Une aussi longue absence), l’oubli et la volupté silencieuse de ne pas être (Anne Desbaresdes, Françoise d’Hiroshima), l’alcool (Moderato et Dix heures et demie ), l’incommunicabilité, le silence, la forêt, la folie, la jeune fille etc.

La série suivante, que nous appelons « La délivrance des obsessions au féminin », démarre en 1964 avec Le Ravissement de Lol V. Stein et « s’achève » avec Détruire dit-elle (1969), en encadrant Le Vice-Consul et L’Amante anglaise. Les trois premiers livres forment une suite de « traités », que Laure Adler nomme dans sa biographie ainsi : Le Ravissement devient « Le traité de la résistance de la féminité », Le Vice-Consul est appelé « Le traité de la perdition » et « Le traité de la perversion » pour L’Amante anglaise. Quant à Détruire, nous lui réservons l’appellation de « Traité du désespoir », puisque ce livre vient après le désarroi politique de 68, quand Duras veut changer d’identité et de pays, quitter à tout jamais l’écriture. Ce livre est conçu dans l’atmosphère de crise des précédents. Il reprend des thèmes récurrents et en invente d’autres : « Détruire célèbre le culte du néant sur fond de voyeurisme et d’homosexualité latente » 984 , note Laure Adler. L’écriture de ce livre apaise l’écrivain, comme les trois autres qui le précèdent exorcisent l’auteur des figures obsessionnelles de Lol, de la mendiante, de Claire Lannes. Détruire correspond en même temps à une tentative d’ « éhontement » 985 , pour reprendre en cela la terminologie de Jean-Pierre Martin, par la décision de ne plus brûler les manuscrits, dont Marcelle Marini 986 parle dans un article sur les transgressions durassiennes. En effet, brûler les manuscrits est l’effet de la honte que peut ressentir l’auteur devant le livre achevé à l’idée qu’il doit être lu. Le « stylographème » de cette série est la folie.

On est en 1970. Duras commence une période de vide dans l’écriture. Elle plonge dans le cinéma pour une dizaine d’années. Ce sont les années du refus du communisme, sujet traité amplement par Martin Crowley dans un article paru dans Les Cahiers de l’Herne. 987 Quoique le cinéma durassien ne fasse pas l’objet de notre étude, nous y faisons référence au passage puisque c’est grâce à lui que Duras réussit à dépasser le vide existentiel et littéraire de sa vie. Dans le cinéma elle voit un refuge devant la folie qu’est l’écriture, une manière de ne pas s’éloigner du monde, de ne pas fondre dans le désespoir de la perte politique. Elle tourne en tout 19 films, dont quatre courts métrages et inaugure un nouveau style cinématographique dans la syncope et la distorsion, assez controversé d’ailleurs. Du noir et blanc d’abord : Détruire, dit-elle, jaune le soleil, Nathalie granger, puis une « une étrange couleur décolorée » 988 apparaîtra dans India Song, Son nom de Venise dans Calcutta désert. Duras fait même du cinéma sans image avec du son, du texte, du noir, rien que du noir ; Abahn Sabana David devient le film sur la parole, « l’image ici sert à porter la parole » 989 . Pendantces dix années, elle ne quitte pourtant pas définitivement l’écriture, puisqu’elle fait du « film-texte, du texte filmé, du film de texte » 990 . Filmer est aussi pour elle une manière d’écrire, mais il faut attendre Agatha en 1981 pour qu’elle retrouve le désir d’écrire. Il faut peut-être le dire, Duras avait besoin d’un changement, de « repos », d’amitié, d’être rassurée, de dominer sans qu’on le lui reproche, de se sentir utile, choses que seule la compagnie de l’équipe de tournage pouvait lui offrir. C’est la période de sa vie où elle se met en scène elle-même dans Le Camion et où l’on assiste à l’autoproclamation de son génie plus forte que jamais. Somme toute, dix ans passent et Duras revient à la table d’écriture.

Nous arrivons maintenant à la troisième série littéraire de cette partie de la création durassienne, que nous appelons « Les années de l’absence, de l’impossible, de l’interdit et de l’inconnaissable ». Cette série s’étend de 1980 à 1996 et culmine avec le succès et le malentendu de L’Amant en 1984 (Prix Goncourt). Les « stylographèmes » de cette série tournent autour de la répétition des mêmes thèmes « jusqu’à l’écoeurement » 991  : l’homosexualité, l’inceste, l’enfance, l’impossible amour, l’amour physique, l’absence de désir etc. Les nouvelles tendances de Duras pendant ce laps de temps sont la jalousie de sa propre écriture (L’Eté 80) et la tentation de l’anonymat (après le succès remporté par Madeleine Renaud avec la pièce Savannah Bay on en avait presque oublié l’auteur qui se complaisait dans cette situation). « Je vais vers l’inconnaissable », dit-elle. Mais tout cela n’est qu’une manière de sacraliser elle-même l’écriture, comme l’écrit Laure Adler. Car Duras ne cesse jamais de construire Duras, et c’est le moment le plus propice de faire du « sur-Duras », de lutter pour avoir de la reconnaissance à une époque où elle commence à nouveau à se plaindre de l’absence d’intérêt des journalistes envers son œuvre. Elle défie, agace, irrite même la critique en disant dans un entretien avec Yann Andréa, et paru dans les colonnes de Libération, qu’elle croit que « c’est juste que la critique officielle ne parle pas de mes livres. Il arrive un moment dans la vie d’un auteur où la critique abandonne son rôle, je veux dire qu’elle ne nous accompagne plus, qu’elle ne saurait pas comment dire si elle avait à dire, qu’elle est inutile » 992 . Et, lorsque la critique revient à ses pieds avec des éloges, surtout pour le Goncourt 1984, elle se confronte avec la déception de voir les livres mal compris, mal lus, mal interprétés. D’ailleurs, Duras ne cesse jamais de diviser la critique, elle en maîtrise l’art à merveille, et, jusqu’à son dernier livre C’est tout, elle est impliquée dans de belles polémiques.

Nous avons essayé de tracer ci-dessus quelques repères, frontières, tournants de l’œuvre durassienne, sans se limiter aux dates, qui ne sont pas très importantes, et qui facilitent plusieurs types d’approche de l’œuvre. Mais, sans contester la valeur d’une telle entreprise d’ordre méthodologique, qui n’est pas une nouveauté pour les chercheurs durassiens, quoique la périodisation soit conçue de manière personnelle, selon une taxinomie propre, nous proposons qu’on se retourne vers la figure du lecteur, le but de notre recherche. Dans cette perspective, nous avons constitué un corpus important d’articles de presse qui ont accueilli à chaud les livres durassiens et que nous avons pu trouver dans diverses archives, sans oublier le précieux dossier de presse du Ravissement de Lol V. Stein et du Vice-Consul réalisé par Sophie Bogaert 993 .

Après une analyse exhaustive de ces documents, nous avons pu réaliser une typologie du lecteur durassien selon le comportement critique de chacun. Nous constatons ainsi qu’il y a cinq types de lecteurs, selon leur attitude de réception : le lecteur élogieux (ou appréciatif), le lecteur déçu, le lecteur ennuyé (apathique), le lecteur éreinteur et le lecteur confus (hésitant). Ces cinq types de lecteur sont à analyser par comparaison horizontale (entre eux) ou verticale (par séries, par titres, par tournants etc.). Nous avons même représenté ces éléments d’analyse de la réception durassienne dans un tableau qui offre une image d’ensemble sur la réception à chaud. Par ailleurs, il est important de dire que les lecteurs durassiens pourraient être classifiés selon leur identité professionnelle. Duras trouve ainsi des lecteurs, qui font des articles ou émettent des jugements critiques au moment où ses livres paraissent, parmi des journalistes, écrivains et critiques littéraires (Claude Mauriac, Alain Robbe-Grillet, Philippe Sollers, Beckett), parmi des universitaires (Lacan), des intimes (les amis et la famille), des cinéastes (acteurs, metteurs en scène) et gens de théâtre, sans oublier le lecteur commun, anonyme, qui lui envoie des messages à travers la presse. Il n’est pas lieu de préciser ici tous les noms, car on le fera au fur et à mesure que notre étude de la réception avance au fil des livres.

Notes
967.

H.-R. Jauss, Pour une esthétique de la réception, (traduit de l’allemand par Claude Maillard, préface de Jean Starobinski), Gallimard, 1978, p. 26

968.

Cf. Roland Barthes, Sade, Fourier, Loyola, Seuil, coll. “Points”, 1971 ou Rolland Barthes par Rolland Barthes, Paris, Seuil, 1975

Selon Barthes, le biographème est un discriminant de goût, de l’ordre de l’éthos, qui peut contenir, à l’état implicite, des caractéristiques culturelles, sociales, sexuelles. Le goût de Barthes pour tel ou tel fruit est son biographème alimentaire. (Cf. Martine Boyer-Weimann, La relation biographique, Ed. Champ Vallon, 2005, p. 53)

969.

Martine Boyer-Weimann, La relation biographique, Ed. Champ Vallon, 2005, pp. 51-53

970.

Jean-Pierre Martin, « La curiosité biographique est-elle obscène ? » dans L’auteur entre biographie et mythographie (textes réunis et présentés par B. Louichon et J. Roger, Modernités 18, cité par Martine Boyer-Weimann, op. cit., p. 83 ) : « La biographie n’est pas un “genre abstrait”, mais la désignation d’un ensemble de “cas biographiques”, des situations biographiques, des gestes biographiques distincts les uns des autres, qui conditionnent des contraintes et des formes, ou qui libèrent des singularités d’écriture ».

971.

Marguerite Duras, Les Impudents, Gallimard, 1943, La Vie tranquille, Gallimard, 1944, Un Barrage contre le Pacifique, Gallimard, 1950, La Marin de Gibraltar, Gallimard, 1952, Les Petits Chevaux de Tarquinia, Gallimard, 1953, Des Journées entières dans les arbres, Gallimard, 1954

972.

Laure Adler, Marguerite Duras, Gallimard, 1998, pp. 457 et 472

973.

Marguerite Duras, Le Square, Gallimard, 1955, Moderato cantabile, Minuit, 1958, Dis heures et demi du soir en été, Gallimard, 1960, Hiroshima mon amour, Gallimard, 1960

974.

Les années de la parution sont : 1964, 1965, 1973 et 1971

975.

Laure Adler, Marguerite Duras, Gallimard, 1998, p. 446

976.

Ibid., p. 458

977.

Ibid., p. 483

978.

Les Parleuses, entretien de Marguerite Duras avec Xavière Gauthier, éd. de Minuit, 1974, p. 59

979.

Laure Adler, op. cit., p.483

980.

Cf. Sophie Bogaert, Dossier de presse. «  Le Ravissement de Lol V. Stein » et « Vice-Consul » de Marguerite Duras, Editions de l’IMEC et 10/18, 2006, p. 37

981.

Laure Adler, Marguerite Duras, Gallimard, 1998, p. 492

982.

Ibid.

983.

Marguerite Duras, Moderato cantabile, Minuit, 1958

984.

Laure Adler, op. cit., p. 635

985.

Voir pour le terme d’ « éhontement » les commentaires de Jean-Pierre Martin dans Le Livre des hontes, Seuil, 2006

986.

Cf. Marcelle Marini, « Transgressions », dans Dieu Duras et l’écrit, (Actes du colloque de l’ICP sous la direction d’Alain Vircondelet), Ed. du Rocher, 1998, pp. 74-75

987.

« Pas de ça ici », par Martin Crowley dans Les Cahiers de l’Herne, éd. de l’Herne, 2005, pp. 29-31

988.

Laure Adler, op. cit., p. 648

989.

Archives IMEC, cité par Laure Adler, op. cit., p. 654

990.

Laure Adler, op. cit., p. 648

991.

Laure Adler, op. cit., p. 774

992.

Ibid., p. 771

993.

Sophie Bogaert, Dossier de presse. « Le Ravissement de Lol V. Stein » et « Vice-Consul» de Marguerite Duras, Editions de l’IMEC et 10/18, 2006