Duras et la critique ? Difficile d’en parler…

Il est bien difficile de parler des avis de la critique vis-à-vis de cette série littéraire durassienne. L’impression qu’on a après la lecture des articles de presse est celle d’un mélange de compréhension et d’ambiguïté dans les propos. Rares sont les critiques qui expriment nettement leur avis et qui se disent satisfaits dans leur compréhension du texte durassien. Cela à cause de la difficulté de parler des livres de Duras, que les admirateurs aussi bien que les détracteurs évoquent presque à chaque livre de cette série. Cependant, à une lecture plus approfondie des articles, on se rend compte que les critiques utilisent des mots-clés qu’on peut facilement repérer. Effet de mimétisme ? Mais le « suivisme » n’aboutit-il à la monotonie, comme le disait Duras dans une interview avec Jean Vuilleumier 1291  ? Ces mots-clés reviennent d’un article à l’autre, ce qui prouve plutôt une certaine unité dans la perception critique de l’œuvre de Duras, ce qui nous aide à définir les goûts littéraires des lecteurs de l’époque. Ainsi, ceux qui rendent hommage à Marguerite Duras le font tous, ou du moins en majorité, pour les mêmes raisons, de même que ceux qui se déclarent déçus, eux aussi, ont des avis convergents. Les admirateurs s’accordent tous sur l’emploi des superlatifs tels que : « le plus beau roman », « le meilleur livre », « le roman le plus achevé », « sublime » sans hésiter à évoquer parallèlement, comme les détracteurs, le côté inexplicable, inexprimable, difficile et déroutant des livres. Sauf que cette évocation revêt la forme d’un éloge. Il faut préciser ensuite qu’il y a dans la réception de l’époque un terrain neutre de rencontre linguistique des deux types généraux de lecteurs. En effet, on retrouve des mots-clés communs qui apparaissent dans les deux champs critiques (éloge et blâme), exploités évidemment selon l’orientation de l’utilisateur. Tels sont  « Nouveau Roman », « l’art de suggestion », « labyrinthe », « difficile à raconter », « difficile à décrire », « ennui ». Côté critique négative, les mots qui reviennent sont invariablement les mêmes : irritation, obscurité, ambiguïté, agacement, artificialité, déception, « rester sur sa faim », vide.

Quels que soient les mots utilisés, l’on constate un vif intérêt de la part de la critique pour les livres durassiens. L’impression générale est d’un non-conformisme ambitieux de la part de l’écrivain vis-à-vis de la réception. Duras n’accepte jamais le compromis d’écrire sur commande et la critique ne se montre pas indulgente envers un écrivain tellement connu. Plus on attend que Duras soit claire dans ce qu’elle écrit, moins ce désir est satisfait. En fait, il ne le sera jamais… !

Notes
1291.

La tribune de Genève, 9-10 juillet 1966, « Tordre le cou au social balzacien », entretien de Jean Vuilleumier avec Marguerite Duras