Photographie et effet intertextuel

L’intertextualité chez M. Duras est d’ailleurs un phénomène bien fréquent. La Mer écrite ne fait, bien sûr, pas exception. Formant l’intertexte ou le « travail de deuil » ²¹⁶³ , ces images récurrentes chez Duras « infiltrent » l’écriture et la « stimulent » ²¹⁶⁴  . Ainsi, l’enfant (aux yeux bleus) au bord de la mer (« Le bleu reste là. Acharné. Le bleu des enfants comme celui d’un ciel. » ²¹⁶⁵ ) renvoie à l’enfant aux yeux gris de L’Eté 80. Le jeune aviateur anglais, la mer, le vent, le petit bac, les arbres, les morts « épousent et accompagnent un travail de deuil » tout en inclinant à une réflexion sur « le lent travail de l’oubli, une rêverie sur la fuite du temps » ²¹⁶⁶ . Dans La Vie matérielle, Marguerite Duras dit que la photo aide à l’oubli, mais elle ne dit pas que l’image photographique aide à oublier : « Je crois qu’au contraire de ce qu’auraient cru les gens, et de ce qu’on croit encore, la photo aide à l’oubli. Elle a plutôt cette fonction dans le monde moderne. » ²¹⁶⁷ C’est le contraire d’oublier, car la photographie fait vivre celui qui meurt et confirme en même temps la disparition ²¹⁶⁸ . Duras dit : « A la fin du XIXe siècle, on allait se faire photographier chez le photographe du village comme dans L’Amant, les habitants de Vinh Long le faisaient – cela pour exister davantage » ²¹⁶⁹ . C’est à partir de ces images préexistantes que Duras en construit d’autres, les « mots » de La Mer écrite, simultanées peut-être à l’acte photographique. Chez Duras, la photographie sert à rappeler que le temps passe, que les êtres passent avec le temps, mais elle offre aussi la possibilité de revivre le passé par le regard des images prises lors de l’acte photographique et par la lecture des pages que ces images peuvent produire. La photographie rejoint le corps de l’écriture de Marguerite Duras et le nourrit par son caractère récurrent et souvenant.