II.6. L’utilisation du concept interroge la constitution d’un champ disciplinaire.

Une radicalisation du modèle indique que chaque discipline possède ou identifie des savoirs, lesquels sont exilés de leurs origines dans la sphère du « savoir savant »77 et sont coupés du milieu historique et sociétal de leur production. Le statut du savoir savant dépend déjà d’une transposition établie par la communauté des chercheurs du domaine considéré. Si le paradigme est séduisant et fonctionnel, une seconde radicalisation s’inspirant du sous-titre de l’ouvrage d’Yves Chevallard « du savoir savant au savoir enseigné »78 laisse comprendre qu’il est nécessaire d’identifier ou de déclarer savant un savoir. Ce savoir savant, appelé plus tard « savoir académique » (Chevallard, 1997), doit se décliner en savoir enseigné. Selon une vision plus institutionnelle, il est nécessaire d’avoir élu un savoir savant pour être une discipline d’enseignement. Si le phénomène est applicable aux mathématiques et reste très scolaire, il en est autrement pour les autres disciplines. Ce phénomène pose fondamentalement la qualité du rapport entre savoir savant, encore appelé par les didacticiens "savoir laïque" ou "savoir de référence", et le savoir à enseigner. Une lecture attentive de l’ouvrage d’Yves Chevallard79 montre pourtant que le savoir à enseigner, s’il est une création didactique de l’enseignant, ne se déclare pas de lui-même et qu’il est déjà transposé par les programmes et les instructions. Le savoir en lui-même n’apparaît plus comme une notion de la discipline construite autour de savoirs savants, mais « plutôt comme une constellation d’instructions »80.

Notes
77.

Chevallard, Y. (1985). Déjà cité. (p.18).

78.

Chevallard, Y. (1985). Déjà cité.

79.

Chevallard, Y. (1985). Déjà cité

80.

Veck, B. & coll. (1989). Déjà cité. (p.49).