II.8. Une stabilité à trouver entre inventer et transposer.

Si l’on comprend assez facilement la nécessité d’adapter et de transformer des connaissances scientifiques ou culturelles pour les mettre à la portée des élèves, un trop grand écart entre le savoir savant et le savoir enseigné risque d’isoler ce dernier de sa source en le rapprochant dangereusement du savoir socialement banalisé. Dans ce cas, l’École perd tout crédit aux yeux des parents et la légitimité du métier d’enseignant est remise en cause.

Michel Verret confirme qu’il s’agit aussi d’un « art d’inventer »82 ; il ne conseille pas pour autant de trahir ces « pratiques sociales de référence »83 pour s’éloigner du savoir vulgarisé et mettre les parents à distance. Lors de l’analyse des effets transpositifs dans les traces écrites, nous comprenons que les déformations ou ruptures ne proviennent pas seulement du travail de transposition du savoir de référence mais aussi de facteurs internes aux conditions mêmes d’enseignement.

Ilest nécessaire d’avoir une réflexion sur la façon dont les enseignants construisent leurs contenus d’enseignement et il importe de ne pas penser seulement qu’il s’agit d’une opération de transposition quelconque. La mise en forme des savoirs dans l’activité d’écriture, les ordonnancements faits, les exemples développés, les métaphores employées, les détournements explicatifs planifiés, les hiérarchisations des énoncés d’action, tous influencent autant la compréhension du savoir que le savoir lui-même. Il apparaît de plus en plus que nous devons tenir compte dans notre étude de la mise en scène de ce qu’il y a à apprendre. Nous pouvons comprendre quesi l’élève assimile les valeurs et la connaissance théorique, il retient également les logiques d’exposition et les règles de la présentation du savoir faites pour lui.

Ainsi, la fragmentation d’un savoir ou d’un modèle en unités isolables (la leçon, la situation d’apprentissage) est retenue comme mode de transmission du savoir. Cette « désynthétisation »84 du modèle – objet de savoir – est inhérente à tout projet didactique au sein de l’école. La valorisation des informations segmentaires en éducation physique et sportive, si on lit Jacqueline Marsenach85, ne revient-elle pas dès lors à valoriser la forme gestuelle au détriment des informations relatives à la dynamique des mouvements en relation avec les contraintes de la tâche ?

Notes
82.

Terrise, A. et Léziart, Y. (1997). Déjà cité. (p.13).

83.

Vergnaud, G. (1988). Didactique et acquisition des connaissances scientifiques. Grenoble : La Pensée Sauvage Éditions.

84.

Joshua, S. (1994). Quelques conditions d’évolution d’un objet d’enseignement en physique : L’exemple des circuits électriques (1902-1980). In, G. Arsac, Y. Chevallard, J.L. Martinand, & A. Tiberghien, La transposition didactique à l’épreuve (pp. 9-33). Grenoble :La Pensée Sauvage Éditions. (p.11).

85.

Marsenach, J. (& al.). (1991). Éducation Physique et Sportive. Quel enseignement ? Paris : INRP.